Selon Jean-Marc Chiaradia, «les tensions sur les prix sont actuellement concentrées sur deux segments: les soins de santé et le logement».  (Photo: CapitalatWork)

Selon Jean-Marc Chiaradia, «les tensions sur les prix sont actuellement concentrées sur deux segments: les soins de santé et le logement».  (Photo: CapitalatWork)

Le discours de Janet Yellen à Jackson Hole a marqué un tournant ces dernières semaines. Alors qu’elle avait adopté un ton plus clément en février, elle a désormais averti les marchés financiers d’une potentielle hausse des taux. Avec des élections américaines aussi proches, osera-t-elle resserrer l’étau monétaire?  

La présidente de la Fed suggère que le taux d’équilibre de long terme se situe à 2%

Lors de son discours à Jackson Hole, la présidente de la banque centrale a affirmé que le niveau d’équilibre de taux d’intérêt réel aux États-Unis pourrait actuellement être de 0%, selon les calculs des économètres fédéraux. En tenant compte d’un objectif d’inflation de 2%, le taux nominal d’équilibre de moyen terme des Fed Funds serait de 2%. Par cette déclaration, les probabilités de hausse des taux directeurs américains ont augmenté. Toutefois, la hausse totale serait limitée à 2% (sauf en cas de surchauffe de l’économie), ce qui aide à rassurer les investisseurs sur les perspectives de politiques monétaires et permet d’éviter que les craintes ne soient trop fortes à chaque resserrement.

Data dependent versus timing

Dans son discours, elle considère que les récentes évolutions sur le marché de l’emploi et les prévisions de croissance et d’inflation du FOMC renforcent l’idée d’une hausse des taux d’intérêt des Fed Funds dans les prochains mois. Elle conditionne évidemment la remontée des taux à une confirmation de ce scénario par les prochaines statistiques américaines. Même si la politique monétaire est indépendante des facteurs politiques, il sera difficile à Janet Yellen de ne pas tenir compte du calendrier électoral. Les probabilités d’une décision de hausse des taux ne sont que de 22% actuellement, elles n’augmentent que très légèrement en novembre, mais sont en revanche estimées à 58% en décembre.

L’économie et le marché de l’emploi

La croissance économique reste faible sur ce cycle, mais l’action des quantitative easings a permis de la normaliser et d’absorber les différents chocs. Cette année, l’économie a dû subir quelques menaces exogènes et endogènes: les craintes d’un hard landing chinois, de faillites dans le secteur des matières premières, le Brexit et la tension résultant des futures élections américaines. Malgré tout, l’économie américaine se porte bien et ne justifie plus des taux aussi bas. Les calculs GDP Now de la Fed d’Atlanta prévoient une croissance de 2,9% en rythme annuel pour le troisième trimestre 2016. À en croire l’agence de notation Standard & Poors, les conditions économiques aux USA sont suffisamment favorables pour permettre de décider d’une augmentation du salaire minimum au niveau national.

L’inflation

Les tensions sur les prix sont actuellement concentrées sur deux segments: les soins de santé et le logement. Le headline inflation est en-dessous du niveau de 2%; il est actuellement estimé à 1,1%. Les prix alimentaires et énergétiques sont restés stables, l’effet déflationniste lié à l’énergie devrait s’atténuer de par les effets de base. Le noyau dur progresse sur un rythme annuel de 2,3%. Il y a un an, quasiment jour pour jour, nous écrivions prendre des mesures pour nous prémunir contre d’éventuelles poussées inflationnistes. Force est de constater que le core inflation en rythme annuel a progressé de 1,7% à 2,3% en l’espace d’un an.

Suite aux discours de J. Yellen et  de H. Kuroda, un ancrage des taux obligataires semble être façonné par les deux grands banquiers centraux. C’est un luxe pour les marchés financiers, car la «stabilité financière» est préservée, et, par conséquent, les flux financiers le sont également. Étant donné les taux réels faibles, voire négatifs, les taux peuvent monter mais nous continuons à croire qu’ils resteront faibles.

Dans cet environnement, nous trouvons que le potentiel réside dans les actions. Malgré le Brexit, les conditions financières pour les entreprises se sont encore détendues cette année. Les craintes sur le hard landing chinois, sur les faillites des sociétés liées aux matières premières et sur le Brexit ont créé des opportunités d’investissement, et la prime de risque action reste encore substantiellement élevée.

Les marchés n’ont pas encore intégré l’éventualité d’une hausse de taux d’intérêt, mais la clarté du discours de J. Yellen en août permet toutefois de limiter les écueils quant à un potentiel resserrement monétaire.