François Prum, amené à représenter le Conseil de l’ordre des avocats de Luxembourg à partir de septembre, a été l’artisan de la réconciliation entre Big Four et avocats. (Photo: DR / archives)

François Prum, amené à représenter le Conseil de l’ordre des avocats de Luxembourg à partir de septembre, a été l’artisan de la réconciliation entre Big Four et avocats. (Photo: DR / archives)

C’est un conflit de quatre ans qui s’achève. La réconciliation du Barreau de Luxembourg et de EY, KPMG et PwC a été officialisée lors de l’assemblée générale du Barreau jeudi soir et confirmée par communiqué le lendemain.

En cause: la résolution de tensions récurrentes entre les avocats d’un côté et les équipes juridiques des Big Four. «Les membres des professions réglementées en cause sont appelés à travailler dans des domaines voisins avec des compétences séparées pouvant être complémentaires et sont aussi amenés à collaborer à certains égards dans l’intérêt de leurs clients», indique le communiqué.

Il arrive donc que les juristes des grands cabinets d’audit empiètent sur les prérogatives des avocats, notamment en rédigeant des prospectus de fonds d’investissement, une documentation réglementée. Or, la loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat stipule que «nul ne peut (…) donner, à titre habituel et contre rémunération, des consultations juridiques ou rédiger pour autrui des actes sous seing privé, s’il n’est autorisé à exercer la profession d’avocat».

Quatre ans d’instruction

C’est ce point de droit qui avait conduit le Barreau à taper du poing sur la table en engageant plusieurs actions en justice contre PwC, EY et KPMG depuis 2012 pour exercice illégal de la profession d’avocat. Ces plaintes ont donné lieu à l’ouverture d’une instruction par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg – une instruction qui traîne depuis quatre ans au vu de la sensibilité du dossier.

Tout juste élu vice-bâtonnier en 2014, François Prum a été le premier à soulever «l’inopportunité» de ce conflit judiciaire et à pousser le Conseil de l’ordre à entamer des discussions avec les trois Big Four incriminés. Une petite année aura finalement suffi pour trouver un terrain d’entente formalisé par une «Charte interprofessionnelle devant servir de cadre de référence commun à l’exercice par chacun des signataires de ses activités professionnelles touchant de près ou de loin la pratique du droit, du contrôle des comptes ou de l’expertise-comptable».

Il faut renoncer à faire la guerre, car nous avons un avenir ensemble.

François Prum, vice-bâtonnier

Une façon de dépasser les querelles passées qui rendaient «tout le monde perdant», souligne le vice-bâtonnier, surtout dans le contexte de la tornade LuxLeaks. «Il faut renoncer à faire la guerre, car nous avons un avenir ensemble.» Le Brexit renforce cette nécessité de coopérer alors que la Place veut attirer les professionnels devant quitter la City.

François Prum militait pour «la recherche d’un mécanisme permettant de garder un dialogue permanent entre les professionnels pour regarder vers l’avenir si une nouvelle plainte contre exercice illicite [intervenait] dans un sens ou dans l’autre». Les avocats du Barreau comme les cabinets de conseil devront saisir ce mécanisme en cas de plainte.

Une commission consultative et d’examen des difficultés sera également mise en place afin d’«essayer de rapprocher les points de vue, résoudre les malentendus éventuels et suggérer des solutions au conflit», détaille le communiqué.

La fin des actions judiciaires

«Nous n’avons pas catalogué ce qui est autorisé ou défendu», précise François Prum, appelé à endosser le titre de bâtonnier en septembre et artisan de l’accord. Les situations de chevauchement seront examinées «au cas par cas».

Conséquence immédiate de cet accord: le Barreau va se désister de sa qualité de partie civile dans les diverses affaires intentées contre les trois Big Four. «L’action publique peut théoriquement continuer», relève François Prum, même si la probabilité semble faible en l’absence du plaignant.

Deux noms pourraient encore s’ajouter au bas de la charte: Deloitte, le quatrième Big Four qui n’a pas été convié aux discussions puisqu’aucune affaire pendante ne le concernait; et l’Institut des réviseurs d’entreprises. «Ils devraient naturellement se joindre» à la charte, soutient François Prum, espérant que les Big Four signataires les en convaincront.