Quel serait le coût d'un Brexit pour le Royaume-Uni, le Luxembourg, l'UE, la zone euro ou l’économie mondiale? (Photo: Pixabay / licence cc)

Quel serait le coût d'un Brexit pour le Royaume-Uni, le Luxembourg, l'UE, la zone euro ou l’économie mondiale? (Photo: Pixabay / licence cc)

Jean-Claude Juncker déclarait en janvier dernier: «Ma génération n’est pas une génération de géants, mais de faibles héritiers qui oublient vite.» Le référendum britannique du 23 juin prochain - où il sera demandé «Should the United Kingdom remain a member of the European Union or leave the European Union?» - semble valider son propos!

Car souvenons-nous que le Royaume-Uni (membre de l’UE) est déjà autorisé: 

  • à ne pas participer à l’acquis de Schengen,
  • à choisir de participer ou non à des mesures dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice,
  • à cesser d’appliquer depuis le 1er décembre 2014 une grande majorité d’actes et de dispositions de l’Union dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale adoptés avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne tout en choisissant de continuer à participer à 35 d’entre eux,
  • à bénéficier d’un rabais sur sa contribution au budget de l’UE (comme compromis au fameux «I want my money back» de Margaret Thatcher) qui augmente la contribution des autres pays au budget de l’UE (impact de 22 millions d’euros pour le Luxembourg).

Aussi, le Royaume-Uni, tout en refusant de participer à l’Union bancaire, est un membre influent de l’Autorité bancaire européenne (ABE). Tout en n’étant pas membre de la zone euro, il a eu le privilège d’être un haut lieu (place de Londres) de la restructuration de la dette grecque (via des clauses d’action collective de droit anglais). Par ailleurs, il s’est vu offrir (cadeau ultime?) de ne plus être concerné par l’ambition européenne d’une Union toujours plus étroite, le droit de pouvoir différencier les allocations familiales pour les Européens résidant au Royaume-Uni dont les enfants sont restés dans leur pays d’origine, et la possibilité de limiter l’accès des travailleurs de l’Union nouvellement arrivés aux prestations liées à l’emploi pendant une durée totale pouvant aller jusqu’à quatre ans dans le cadre du nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l’UE (février 2016).

Toutes ces «exceptions» successives qui font que le Royaume-Uni a un statut spécial au sein de l’UE ont de quoi étonner. Elles soulèvent d’ailleurs des questions de principe: ce qui est autorisé pour le Royaume-Uni (une Europe à sa mesure) pourrait/devrait-il l’être pour d’autres (et si Le Luxembourg payait les frontaliers au salaire minimum de leur pays de résidence)? Pourquoi le référendum britannique qui pose ouvertement la question de l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE est-il plus toléré (dans son principe) que le référendum grec qui ne posait pourtant pas cette question-là et était jugé alors irresponsable? Ce référendum est-il compatible avec le principe qui veut que les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro doivent s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union économique et monétaire?

Plus prosaïquement, les Britanniques pourraient-ils oser voter pour le Brexit? Sûrement! Le feront-ils? Je n’en sais rien; pas plus que je ne sais quel serait le coût du Brexit pour le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’UE, la zone euro, ou l’économie mondiale. Je ne suis d’ailleurs pas le seul dans ce cas compte tenu des importants écarts qui existent entre les estimations à ce sujet, et les signaux contradictoires (les marchés actions sont fébriles mais les taux d’emprunt britanniques sont à leur plus bas historiques) envoyés par les marchés financiers.  

Il faudra donc attendre le 23 juin pour être fixé une première fois, puis des années - si le Brexit l’emportait - pour pouvoir apprécier son impact en termes économique et politique (architecture de la zone euro, évolution du PIB/hab., degré de coopération entre l’UE et le Royaume-Uni, reconfiguration de l’UE, impact sur le secteur financier, etc.) à long terme. Le maître mot est par conséquent patience; et parce que la patience ce n’est pas d’attendre mais d’agir en attendant, ce référendum devrait (aussi) servir aux institutions européennes, qui par essence défendent une plus grande intégration européenne, pour trouver la méthode qui permettra que l’irréversibilité de l’UE et la cohésion de la zone euro ne soient pas sans cesse sérieusement menacées par des «égoïsmes» nationaux guidés par des visées électoralistes. Car ces (dangereux, curieux et non obligatoires) référendums, où les dirigeants qui les initient critiquent l’UE tout en affirmant vouloir éviter l’Exit, reviennent à distribuer des gifles pour montrer qu’on a le cœur sur la main…