La forte croissance du PIB turc cache différents dysfonctionnements économiques. (Photo: Licence C. C.)

La forte croissance du PIB turc cache différents dysfonctionnements économiques. (Photo: Licence C. C.)

La Turquie est depuis quelques jours sous les feux de l’actualité internationale à cause de la chute de sa monnaie. En cinq jours, la livre turque a perdu 23% face au dollar et à l’euro.

La faute à qui? Pour le président turc Recep Tayyip Erdogan, elle en revient à Donald Trump qui, vendredi dernier, a annoncé le doublement des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs. Une sanction qui ferait suite à la détention en Turquie d’un pasteur américain, Andrew Brunson, depuis le coup d’État manqué de juillet 2016.

Mais la crise est plus profonde. La livre turque s’enfonce en effet depuis nettement plus longtemps. Depuis le début de l’année, elle a perdu 40% de sa valeur face au dollar et à l’euro.

Des causes profondes

La guerre diplomatique que se livrent les deux capitales ne rassure évidemment pas les investisseurs, mais pour l’autoritaire président turc, elle est aussi un moyen de cacher les faiblesses de l’économie, malgré une croissance annuelle de plus de 7%.

La santé économique de la puissance montante du Proche-Orient souffre en effet d’une importante inflation – plus de 15% – qui mine le pouvoir d’achat des ménages tandis que les entreprises sont fortement endettées. Une situation que la hausse du dollar ne va faire qu’aggraver.

Les investisseurs étrangers, dont le pays a besoin pour maintenir son niveau de croissance, sont en train de délaisser la Turquie, dont les mesures pour rétablir la situation ne rassurent pas grand monde.

Lundi, alors que la banque centrale turque avait commencé à rassurer les marchés en annonçant vouloir prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la stabilité financière, Erdogan a sapé ses efforts en accusant les États-Unis de vouloir «frapper dans le dos» la Turquie. Une théorie du complot qui fait sans doute de l’effet sur l’électorat, mais qui ne convainc personne sur le plan international.

Les mesures prises par la banque centrale turque ne seront pas suffisantes.

Viktor Szabo, Aberdeen Standard Investments

«La banque centrale turque a annoncé des mesures hier pour supporter sa monnaie, mais elles ne seront pas suffisantes», estime Viktor Szabo, senior investment manager chez Aberdeen Standard Investments. Pour lui, la seule option réaliste «consiste en une hausse sévère des taux d’intérêt».

L’analyste ne semble cependant pas craindre une contagion internationale qui toucherait d’autres pays émergents. «Les ingrédients de cette crise turque se sont mis en place depuis plusieurs années, mais le cocktail de causes qui l’ont provoquée est purement lié à la situation du pays», analyse Viktor Szabo.

Il pointe notamment le côté de plus en plus autocratique du régime, la surchauffe de l’économie et le manque de réformes structurelles pour y remédier ainsi que la mainmise politique sur les pouvoirs de la banque centrale.

«Aucun autre pays ne doit faire face à de tels éléments qui se sont ajoutés l’un après l’autre», rassure-t-il.