Yves Kuhn est le chief investment officer de la Bil. (Photo: BIL)

Yves Kuhn est le chief investment officer de la Bil. (Photo: BIL)

Dans les années qui ont suivi la crise, alors que la plupart des pays développés étaient à la traîne, l’économie chinoise, lancée à pleine vitesse, avait redressé la barre. Mais elle perd aujourd’hui de sa puissance, et ce sont les États-Unis qui agissent comme moteur principal de la croissance mondiale. Le pays montre pourtant des signes de faiblesse, compromettant la reprise.

En octobre, alors que les marchés émergents connaissaient un nouveau recul, le FMI a revu ses prévisions de croissance mondiale 2015 à la baisse, à 3,1%. Le FMI table néanmoins sur une amélioration en 2016 et une croissance de 3,6%. Difficile cela dit d’imaginer comment l’activité pourra redémarrer si les marchés émergents comme la Chine tournent au ralenti et que les données américaines continuent de décevoir.

L’activité manufacturière aux États-Unis s’est effondrée cette année et les enquêtes récentes indiquent une contraction potentielle, les stocks arrivant à pleine capacité. Par ailleurs, la vigueur du dollar a pénalisé les exportations américaines, qui ont reculé en août, alors que les importations ont crû sur la même période. Les projections de PIB américain basées sur les estimations de la Réserve fédérale d’Atlanta indiquent une progression de seulement 0,9% au troisième trimestre, nettement inférieure aux 3,9% enregistrés au deuxième trimestre.

L’économie chinoise devrait en outre ralentir cette année, l’activité manufacturière s’étant repliée durant sept mois consécutifs. Le FMI estime que la croissance chinoise ne se montera qu’à 6,3% en 2016, contre 6,8% en 2015. Les investisseurs redoutent un effet de contagion mondial si la Chine venait à subir un atterrissage brutal, avec en première ligne l’Australie et le Japon et, dans une moindre mesure, l’Allemagne.

La peur est grande de voir ce coup de frein de la Chine et la faiblesse continue des États-Unis se traduire par un ralentissement économique généralisé. Mais ces données macro décevantes n’empêchent pas que l’on puisse se montrer optimiste à plusieurs égards. Les dépenses de consommation américaines sont robustes. Les ventes de voitures sont au plus haut depuis 10 ans et les mises en chantier de logements signent leur meilleur niveau post-crise grâce au redémarrage du crédit hypothécaire. En regardant de plus près, le secteur des services en Chine est sur la bonne voie, malgré la faiblesse de l’activité manufacturière. La zone euro reprend aussi des couleurs, même si elle ne devrait que très peu contribuer à la croissance mondiale. Après la dissipation des effets temporaires liés à la chute des prix des matières premières, l’inflation devrait elle aussi repartir à la hausse.

Le chemin reste toutefois semé d’embûches. Le risque d’un atterrissage brutal en Chine et d’un essoufflement de la croissance américaine inquiète et d’autres menaces planent. L’émergence des partis extrêmes des deux côtés de l’échiquier politique fait monter les enchères sur la situation en Europe. Les risques géopolitiques au Moyen-Orient et en Ukraine constituent une autre source d’instabilité. La reprise américaine n’est pas en reste: les marchés de capitaux pourraient subir une correction brutale si la Réserve fédérale rate sa transition.

Les banques centrales sont prêtes à agir, mais c’est bien la Chine, avec ses réserves de change conséquentes, qui dispose de la plus grande marge de manœuvre pour absorber un éventuel choc. À l’inverse, la Fed, qui s’est engagée à court terme à relever ses taux, a les mains liées.

Avec le report à 2016 du premier relèvement des taux US et la BCE qui s’apprête à lancer une nouvelle vague d’assouplissement quantitatif, la politique monétaire restera globalement favorable dans les pays développés. Toutefois, l’interaction incessante entre les marchés et la Fed à propos des données entrantes ne fera que renforcer la volatilité sur la période à venir.

Ces prochains mois, les évolutions macroéconomiques influeront grandement sur les marchés de capitaux. Si les actions ont déjà intégré un ralentissement marqué de la croissance, les incertitudes entourant la Chine et les États-Unis continuent d’assombrir les perspectives des investisseurs.

Reste à savoir si les États-Unis peuvent se passer de la Chine et soutenir à eux seuls la croissance mondiale. Si l’économie ne parvient pas à poursuivre sur sa lancée et que les investisseurs estiment que la reprise se fragilise, une baisse de moral du marché est à craindre. Inversement, si les déceptions récemment causées par les statistiques s’avèrent passagères et que la croissance américaine rebondit, les marchés boursiers américains, japonais et européens pourraient reprendre le chemin de la hausse.