Les juges européens considèrent que les plateformes de partage en ligne agissent en violation des droits d'auteur, quand bien même les fichiers torrent qu'elles répertorient sont stockés sur les serveurs de leurs abonnés. (Photo: Maison moderne / archives)

Les juges européens considèrent que les plateformes de partage en ligne agissent en violation des droits d'auteur, quand bien même les fichiers torrent qu'elles répertorient sont stockés sur les serveurs de leurs abonnés. (Photo: Maison moderne / archives)

Voilà un arrêt qui risque de faire trembler les internautes européens. Saisie le 18 novembre 2015 par la Cour suprême des Pays-Bas, la Cour de justice de l’UE s’est prononcée mercredi dans une affaire reflétant les pratiques actuelles en matière de circulation de films ou de séries sur la Toile.

La justice néerlandaise avait initialement été saisie en 2009 par Stichting Brein, une fondation défendant les intérêts des titulaires du droit d’auteur pour l’industrie de la musique et du cinéma, dans le but d’imposer à deux fournisseurs d’accès à internet, Ziggo et XS4ALL, de bloquer les noms de domaine et les adresses IP de «The Pirate Bay». Cette plateforme permet à ses abonnés de partager et de télécharger des œuvres se trouvant sur leur propre ordinateur en passant par le protocole BitTorrent, qui a la particularité de fragmenter les fichiers en petits éléments afin d’alléger leur emprise sur les serveurs personnels.

Feuilleton judiciaire

Brein avait obtenu gain de cause en 2012 avant de perdre en appel en 2014. Elle s’est donc tournée vers la Cour suprême néerlandaise qui, avant de se prononcer, a interrogé les juges européens sur l’interprétation de la directive sur le droit d’auteur: peut-on considérer qu’une plateforme de partage telle que «The Pirate Bay» effectue une «communication au public» au sens de la directive et enfreint dès lors le droit d’auteur?

La CJUE répond par l’affirmative dans son arrêt C-610/15. Si les œuvres protégées par le droit d’auteur ont effectivement été mises en ligne par les utilisateurs de la plateforme, ses administrateurs jouent quand même «un rôle incontournable dans la mise à disposition de ces œuvres». Ils indexent les fichiers partagés, les répartissent dans plusieurs catégories et les intègrent dans un moteur de recherche facilitant leur accès. Les torrents erronés ou obsolètes sont également régulièrement nettoyés. Et ce, au bénéfice de plusieurs millions d’utilisateurs abonnés à la plateforme.

Des recettes juteuses mais fondées sur des pratiques illégales

Les juges européens soulignent encore que les administrateurs de la plateforme ne peuvent ignorer la présence d’œuvres publiées sans l’autorisation des titulaires de droits – leur publicité en témoigne – et qu’ils en tirent des «recettes publicitaires considérables».

À la Cour suprême des Pays-Bas d’en tirer les conséquences et de bloquer «The Pirate Bay» - c’est déjà le cas en France. Cet arrêt vient en tout cas montrer que la CJUE reste vigilante sur la protection des droits d’auteur. Il devrait engendrer une série d’actions en justice dans les pays européens afin d’ordonner aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer les sites des plateformes de partage en ligne.