Stéphanie Jauquet: « J’adore réfléchir à de nouveaux concepts, monter des projets, améliorer ce que l’on fait déjà. Par contre, je ne recommanderais à personne d’investir dans la restauration.» (Photo: Edouard Olszewski)

Stéphanie Jauquet: « J’adore réfléchir à de nouveaux concepts, monter des projets, améliorer ce que l’on fait déjà. Par contre, je ne recommanderais à personne d’investir dans la restauration.» (Photo: Edouard Olszewski)

Des roses et des amis

Une devise en matière d’argent?

Stéphanie Jauquet. - «'On n’est riche que de ses amis. ' Une phrase tirée d’une chanson de Calogero que je me répète souvent. Je ne suis pas attachée aux choses matérielles, ni à l’argent. Ça peut vite faire beaucoup de dégâts.

Votre première activité rémunératrice?

«J’ai démarré en tant que responsable de salle pour le restaurant La Fourchette à Droite, à Luxembourg. Je touchais 80.000 francs luxembourgeois (2.000 euros) par mois, ce qui, il y a 20 ans, me semblait une somme considérable. Je recevais en plus un intéressement au chiffre d’affaires. C’était beaucoup, mais on travaillait aussi comme des fous. Les journées étaient très longues et épuisantes.

Votre première dépense importante?

«J’ai offert 90 roses à ma grand-mère pour ses 90 ans. Le problème est que son anniversaire est le 13 février et qu’à la veille de la Saint-Valentin, les roses coûtent très cher.

Sans attaches

Si vous ne deviez garder qu’un de vos biens?

Sans doute l’un ou l’autre bijou ou meuble de famille. Mes parents étant décédés, je n’ai plus personne au-dessus de moi. Mais je ne suis pas du tout attachée aux choses. Tout est à vendre dans la vie. J’ai déménagé au moins 15 fois et j’ai toujours laissé ou revendu ce qui se trouvait dans l’endroit que je quittais. Je l’ai encore fait il y a un an, je pars avec mes valises et je change tout.

Avez-vous déjà connu des problèmes financiers?

«Si on parle de la vie privée, je ne suis pas née avec une cuillère d’argent dans la bouche, mais je n’ai jamais non plus manqué du nécessaire. Au niveau professionnel, j’ai relevé des challenges périlleux, comme le rachat du restaurant Um Plateau. J’ai connu des années difficiles, j’ai bossé dur, les gens m’ont fait confiance et, au final, tout s’est bien passé. C’était le prix de ma liberté. Aujourd’hui, je ne dois plus rien à personne.

Paradoxe

Investissez-vous à titre personnel? 

«J’investis tout ce que je gagne dans mes sociétés. J’adore réfléchir à de nouveaux concepts, monter des projets, améliorer ce que l’on fait déjà. Par contre, je ne recommanderais à personne d’investir dans la restauration. J’entends souvent des hommes d’affaires qui rêvent d’avoir leur restaurant. Ce n’est pas si simple, il faut vraiment être du métier... et être très présent.

Le prix de certaines choses vous dérange-t-il?

«Je vois un paradoxe dans le fait que les produits bio ou de terroir coûtent plus cher que les produits industriels qu’on essaie de nous faire avaler. C’est une aberration. Selon moi, tout ce qui nous fait du bien, qui respecte l’environnement, qui assure une activité locale, devrait être moins cher que des produits industriels ou ceux qui viennent de l’autre bout du monde. J’aimerais ne travailler qu’avec du bio, mais actuellement, cela reviendrait à devoir augmenter les prix. C’est injuste pour le consommateur.

Gaspillage

Donnez-vous à des associations?

«Pas en argent liquide, mais les invendus sont donnés tous les soirs à la Croix-Rouge pour les réfugiés et les sans-abri. Ça évite le gaspillage. Par ailleurs, même quand on essaie de redistribuer plutôt que de jeter, on est confronté à des contraintes sanitaires (dates de péremption, listing des lots, etc.) un peu décourageantes. 

On gaspille trop?

«Oui, beaucoup trop. C’est particulièrement vrai au niveau de la nourriture. Je le vois dans mes restaurants. Mais on gaspille aussi beaucoup de temps, à faire des choses inutiles ou à se prendre la tête. Je vois des gens qui arrêtent de se parler parfois pendant des mois après une dispute, le plus souvent pour des histoires d’argent ou de cœur.

Pas de sacrifices

Avez-vous des passions coûteuses?

«Parce que ma passion, c’est mon métier, et que j’aime partager des moments avec mes amis, je débouche régulièrement de très belles bouteilles de vin. L’idée est de n’en ouvrir qu’une, mais une très bonne, qui peut monter jusqu’à 200 ou 300 euros. Mais comme on se sent bien ensemble, on finit par en ouvrir plusieurs.

Y a-t-il des choses pour lesquelles vous ne regardez pas à la dépense?

«Oui, mais dans ce cas, ce sera avant tout pour faire plaisir à des gens que j’aime. Au niveau professionnel, je ne veux pas faire de sacrifices par rapport à la masse salariale, c’est une règle dans chacune de mes enseignes. Je préfère avoir une personne en plus, mais être certaine que l’équipe pourra assurer un travail de qualité.»