Le credo de Mark Tluszcz: investir pour le bien de sa famille et contribuer à un certain nombre d’œuvres caritatives ou éducatives. (Photo: Olivier Toussaint)

Le credo de Mark Tluszcz: investir pour le bien de sa famille et contribuer à un certain nombre d’œuvres caritatives ou éducatives. (Photo: Olivier Toussaint)

L’argent et moi

Monsieur Tluszcz une devise en matière d’argent?

«Elle est en anglais et assez difficile à traduire: ‘Don’t throw good money after bad money.’ Si on fait un investissement qui ne marche pas bien, il faut savoir prendre ses pertes. Une fois qu’une opération commence à sentir mauvais, il faut vendre. Ça ne sert jamais à rien de persévérer. Il y a tellement d’autres opportunités.

Avez-vous déjà connu des problèmes financiers?

«Pas dans ma vie professionnelle, mais en tant qu’enfant lorsque la société de mon père a fait faillite. Nous avons connu ce que c’était d’avoir, puis de ne plus avoir. Je ne souhaite pas à mes enfants de vivre ça, mais c’est une situation qui m’a marqué. Elle me rappelle en permanence le respect à avoir vis-à-vis de l’argent, même si ce n’est pas une fin en soi.

Jackpot 

Si vous remportiez la super cagnotte de l’Euromillion, vous en feriez quoi?

«Ce que je fais dans ma vie: investir pour le bien de ma famille et contribuer à un certain nombre d’œuvres caritatives ou éducatives. Qu’il s’agisse de 10, 50 ou 10 millions, je reste cohérent à ce niveau-là.

Quels types d’associations caritatives?

«D’abord bien évidemment la Fondation Mangrove. Ensuite, je finance un programme universitaire dans mon ancienne université, l’Eckerd College en Floride, qui incite des étudiants à s’intéresser à l’humain (histoire, psychologie…) plutôt qu’aux sciences. J’ai un degré universitaire en histoire et, bien que je travaille dans la technologie, je pense que l’université essaie de forcer trop rapidement les gens à choisir ce qu’ils doivent faire dans la vie. Or, ce qui est vraiment important c’est de savoir réfléchir.

Argent de poche

Y a-t-il des choses pour lesquelles vous ne regardez pas à la dépense?

«Mon rapport à l’argent est un rapport de respect, donc je regarde toujours. Mais j’aime faire un grand voyage deux fois par an avec ma famille. Un des grands plaisirs que l’argent me donne est de pouvoir faire découvrir le monde à mes enfants. Il ne faut pas trop lésiner sur les moyens si on veut faire ça bien. 

Quel est votre plus récent «achat plaisir»?

«Une paire de boutons de manchettes des années 1970. Ça donne un peu de classicisme à la manière dont je m’habille. À titre privé, il y a trois types d’objets qui m’intéressent particulièrement: les montres, les boutons de manchettes et les très vieux livres sur la découverte du continent africain. Et comme j’ai beaucoup de livres, je collectionne aussi les presse-livres.

Premier salaire

Vous souvenez-vous du montant de votre premier salaire?

«Très bien. Il se montait à 75.000 francs luxembourgeois (LUF) de salaire brut – un peu moins de 2.000 euros – pour mon premier emploi chez Arthur Andersen à Luxembourg en 1990.

Quel est le premier «cadeau» que vous vous êtes offert avec?

«Une voiture. J’ai débarqué au Luxembourg avec très peu d’argent. Avec mon premier salaire, j’ai dû acheter ma première voiture, une vieille Saab, qui m’a coûté 100.000LUF (2.500 euros). J’ai donc dû emprunter la moitié de la somme à mon banquier.

Investissements

Investissez-vous à titre personnel?

«Oui, laisser son argent sur un compte bancaire ne rapporte absolument rien. Mais je suis un investisseur qui va vers ce qu’il comprend. J’investis dans des choses physiques, comme le bâtiment ou les voitures de collection. J’ai une dizaine de voitures et je les considère avant tout comme un investissement. Même si je prends aussi du plaisir à les conduire. Ce sont des voitures des années 1960-70 dans des séries assez limitées. Ma préférée, la Maserati Ghibli de 1967, a été construite à moins de 500 exemplaires. Et ça, c’est une des vraies leçons de l’investissement: il faut acheter ce qui est rare. 

Dans quels types de produits conseilleriez-vous à vos enfants d’investir?

«Je leur dirais de ne surtout pas investir dans la Bourse. Tout est aujourd’hui tellement automatisé, c’est difficile de pouvoir prendre des décisions aussi rapidement qu’une machine (voir l’encadré Écodico ci-contre).

Un investissement «coup de cœur»?

«Le tout premier, en 1997. J’ai investi 200.000 dollars dans une brasserie que mon frère venait de créer aux États-Unis. C’était un vrai coup de cœur. En plus, le rendement a été fantastique: sept ans plus tard, elle a été cotée sur le Nasdaq.»

Écodico

Trading haute fréquence

Dans le monde boursier, le trading à haute fréquence se caractérise par l’achat et la vente de titres par le biais de logiciels basés sur des algorithmes mathématiques qui permettent des réactions calculées en secondes, voire en millisecondes. Apparue au milieu de la décennie 2000, lorsque les ordinateurs sont devenus suffisamment puissants, cette pratique a transformé le jeu de la Bourse jusqu’à faire passer les «boursicoteurs» de salon pour des brontosaures. On considère que, actuellement, 30 à 40% des opérations boursières en Europe sont effectuées par des machines, un ordre de grandeur qui atteint les 60% aux États-Unis.

Si des actes d’achat et de vente peuvent être pris à la vitesse de la lumière, il devient aussi relativement aisé de manipuler les cours par des opérations massives autour d’un titre pour le pousser à la hausse ou à la baisse. Une fois le résultat atteint, l’algorithme peut décider l’action inverse pour prendre ses gains. En mai 2010, une réaction en chaîne des logiciels haute fréquence a ainsi provoqué un krach éclair au New York Stock Exchange, lui faisant perdre 1.000 milliards de dollars en quelques instants.

Bio express

De nationalité américaine, Mark Tluszcz (51 ans) a vécu une partie de son enfance sur le continent africain. Après des études universitaires en histoire aux États-Unis, il vient au Luxembourg et est engagé par Arthur Andersen. Il y reste 10 ans avant de cofonder Mangrove Capital Partners en 2000. Il en est toujours aujourd’hui le Managing Partner.