Madoff est en cage. Mais des actions, entravées, voire au point mort, restent ouvertes au Luxembourg. (Photo: Jessica Theis)

Madoff est en cage. Mais des actions, entravées, voire au point mort, restent ouvertes au Luxembourg. (Photo: Jessica Theis)

150 ans de prison pour quelque 65 milliards de dollars engloutis: la peine de prison à laquelle le financier-escroc Bernard Madoff a été condamné est à l’image du gigantisme inédit de cette «affaire» qui a ébranlé tous les fondements de la finance mondiale. Selon le principe d’un mécanisme «cavalerie», les intérêts faramineux issus du fonds qu’il gérait et payés aux «premiers» investisseurs n’étaient, concrètement, financés que par les apports des derniers investisseurs. Le déclenchement de la crise financière, quelques mois plus tôt, avait provoqué l’effondrement du système lorsque ces investisseurs ont commencé à vouloir sortir de ce fonds. 

C’est le 12 décembre 2008 que Bernard Madoff a finalement été arrêté par le FBI, puis remis en liberté sous caution (10 millions de dollars), avec d’être finalement condamné, en juin 2009, à un siècle et demi de prison…

Depuis cinq ans, une longue et complexe procédure judiciaire est en cours, mais elle n’avance plus beaucoup. Au Luxembourg, concrètement, depuis l’été 2012, c’est même le blocage complet pour une bonne partie des procès au civil intentés par les liquidateurs des fonds d’investissement (ayant été placés dans les sociétés de l’escroc Bernard Madoff), contre la banque dépositaire UBS et les différents acteurs (notamment les deux sociétés de gestion Luxalpha et Luxinvest, mais aussi des administrateurs et des réviseurs et même la CSSF) qui ont rendu possible la fraude, bien qu’ils s’en défendent.

La procédure, qui vise à obtenir des banquiers dépositaires qu’ils remboursent les victimes et assument leurs responsabilités inscrites dans les lois et directives européennes sur la protection de l’épargne, est bloquée par une cascade d’autres recours émanant, pour l’essentiel des avocats d’UBS.

La CSSF attendue au tournant

Dans l’édition de paperJam à paraître ce jeudi, découvrez les coulisses de cette affaire, notamment les révélations faites au juge d’instruction français Renaud Van Ruymbeke de deux anciens cadres d’UBS Luxembourg indiquant qu’en interne, le groupe UBS n’avait pas le droit de toucher à Madoff, ce qui ne l’a pas empêché de faire commercialiser à grande échelle des produits de l’escroc américain à des milliers de petits clients en utilisant le label luxembourgeois des fonds réglementés.

La Commission de surveillance du secteur financier (dont on attend toujours qu’elle publie les résultats de son enquête en cours) est évidemment montrée du doigt, alors que la plupart des victimes de l’escroc américain croient de moins en moins dans ses capacités – ni en celles de la justice luxembourgeoise – d’être capable d’apporter des solutions et de reconnaître les responsabilités de la banque UBS dans le schéma de fraude et de prononcer les sanctions qui s’imposent.

Il faut dire qu’à Luxembourg, on en est encore à s’interroger sur l’étendue de la responsabilité de la banque dépositaire et sur ses obligations en matière de dédommagements des investisseurs. Les juristes se battent sur les concepts très théoriques pour déterminer si les banques qui détiennent l’argent des clients dans la gestion collective ont seulement une obligation de conservation, de surveillance ou, quand même, de restitution. Parce qu’évidemment ni la réglementation luxembourgeoise ni les textes européens ne fournissent de réponses limpides susceptibles d’éclairer la justice locale et le gendarme de la place financière…