Daan Roosegaarde: «Comme si on n’avait pas assez pollué la Terre!» (Photo: Studio Roosegaarde)

Daan Roosegaarde: «Comme si on n’avait pas assez pollué la Terre!» (Photo: Studio Roosegaarde)

L’homme porte le sourire avenant et a le sens de la formule. La blondeur et l’accent trahissent ses origines néerlandaises. Daan Roosegaarde avait déjà séduit l’audience lors du lancement du cluster Creative Industries, notamment avec sa présentation de la Smog Free Tower, qui nettoie l’air ambiant des villes. 

Ce qui n’était qu’un projet est désormais en fonctionnement dans plusieurs villes du monde, généralement financées par les taxes sur les industries polluantes. On ne verra pas ce genre de tour installée au Luxembourg, mais Daan Roosegaarde sera présent dans le cadre de Design City, avec l’installation «Dune», un paysage lumineux interactif.

Dune, sera présenté dans le cadre de Design City

«Dune» sera présentée dans le cadre de Design City.

En attendant, impossible de savoir si l’ambitieux projet Space Waste Lab connaîtra le même succès que les Smog Free Towers, mais une chose est sûre: Daan Roosegaarde essaie, recherche, invente, avance et rassemble un réseau enthousiaste autour de lui.

Monsieur Roosegaarde, quel constat vous a mené au projet Space Waste Lab?

«Un jour, j’ai vu une image de déchets spatiaux au studio. Il y a plus de 29.000 objets de plus de 10 centimètres qui flottent autour de la Terre. C’est une vraie pollution et c’est un vrai danger, car ces morceaux de missiles ou de satellites cassés peuvent entrer en collision et créer des dommages sur les satellites actuels, notamment ceux qui concernent la communication. Les gens ont assez peu conscience du problème, et ceux qui le connaissent n’ont pas d’idée pour le résoudre. Avec mon équipe, on s’est dit qu’il fallait faire comme avec le projet Smog Free Tower: transformer un problème assez dégueulasse en quelque chose de beau ou qui fait sens. Cela fait maintenant un peu plus d’un an que nous avons lancé le Space Waste Lab, un laboratoire vivant soutenu par des experts de l’espace tels que l’ESA (European Space Agency), des étudiants et l’équipe du Studio Roosegaarde.

Quels sont les travaux de ce laboratoire?

«C’est un programme à long terme visant à créer une nouvelle perspective aux déchets spatiaux. Tous ces déchets sont les nôtres. Comme si cela ne suffisait pas d’avoir pollué la Terre et son atmosphère! Si ça continue, on arrivera au syndrome de Kessler, nommé d’après un astronaute qui a calculé que si on continue à la même vitesse, plus de particules créeront plus de collisions, et d’ici 10-15 ans, il y aura tellement de particules que nous ne pourrons plus lancer de missiles sans qu’ils ne soient gravement endommagés. Donc notre première mission est de rendre ces déchets visibles. Cela permet de prendre conscience du problème. Pour le visualiser, nous commençons par prendre 1% des grosses particules de 10cm que nous connaissons exactement et nous allons visualiser leur emplacement. Nous avons fait les premiers prototypes des LED et des systèmes de tracking, avec lesquels nous suivons en temps réel ces morceaux à 200km d’altitude. C’est très impressionnant de voir ça, comme une sorte de faisceau de phare balayant l’univers.


Les déchets spatiaux sont aussi impressionnants que les terrestres.

Vous avez rencontré le ministre de l’Économie, Étienne Schneider. S’est-il montré intéressé?

«Luxembourg a pris une place dans les questions spatiales avec les projets et entreprises autour du space mining. Je pense que c’est ambitieux et que des synergies peuvent voir le jour. Nos résultats seront montrés à l’exposition ‘Kunstlinie Almere Flevoland’ à Almere cet automne. Exposition que nous espérons faire venir à Luxembourg. L’exposition permet aux visiteurs de découvrir le gaspillage spatial non seulement comme une menace, mais aussi comme une source potentielle de nouvelle créativité.

Justement, que peut-on faire de ces déchets?

«C’est là que les designers interviennent. Aller récupérer les satellites sera trop cher. Il faut transformer ces déchets en quelque chose de précieux, leur ajouter de la valeur. Ce sont les réflexions que l’on mène aujourd’hui et dont les premiers résultats seront présentés en 2022. La réflexion doit aussi être menée en amont de la construction, pour ne pas ajouter de nouveaux déchets à ceux déjà existants. Il faut d’autres matériaux, d’autres conceptions… un meilleur design, en somme.»