L’acquisition des parts de LVMH: un travail minutieux et de longue haleine. (Photo: Hermès)

L’acquisition des parts de LVMH: un travail minutieux et de longue haleine. (Photo: Hermès)

Comment le groupe du luxe français LVMH a-t-il grimpé si vite au si protégé capital d’Hermès? La question alimente les chroniques juridico-financières de la presse de l’hexagone voisin. Et la réponse passe partiellement par le Luxembourg.

Le 31 mai, la commission des sanctions de l’autorité des marchés financiers (AMF) français étudiera le dossier monté par les enquêteurs du régulateur. Selon un article du quotidien Le Monde, LVMH est accusée de dissimulation au marché et de manque de sincérité des comptes. Entre 2001 et aujourd’hui, le numéro mondial du luxe serait monté de 4,9 à 22,6% du capital d’Hermès, sans en avertir dûment les autorités concernées. Or, «les dirigeants et actionnaires familiaux du sellier, note Le Figaro, n’ont jamais digéré cette arrivée soudaine, et demandent à leur actionnaire minoritaire de sortir du capital,» dont seulement 22,5% est coté en Bourse.

Sortie du bois tardive

Le leader mondial du luxe n’a rendu publique sa participation, alors de 17,2%, au capital du célébrissime sellier français qu’en octobre 2010. Et, le 18 avril 2013, son PDG Bernard Arnault déclarait même être entré par inadvertance au capital de son concurrent historique: «Nous n'avions pas prévu d'être actionnaires d'Hermès. Nous avons fait un placement financier et il s'est dénoué d'une façon que nous n'avions pas prévue», avait-il indiqué lors de la présentation du résultat annuel de son groupe.

Ce placement financier, c’est un equity linked swap qui aurait été converti en un encaissement de titres de la société Hermès International. Mais selon les documents financiers de LVMH, son issue ne serait pas vraiment un hasard. Il est par exemple écrit dans le rapport annuel de 2012 que la «détermination à investir pour le long terme a conduit LVMH à devenir actionnaires de la société Hermès International». Et déjà dans le rapport de 2010, il était indiqué que «les acquisitions d’investissements financiers correspondent pour 1.655 millions d’euros à l’augmentation de l’investissement dans Hermès International».

Bénéfice de 1 milliard

Fin 2010, LVMH pesait pour 20,2% et 3,3 milliards d’euros dans le capital d’Hermès. Au 31 décembre 2012, la valeur de la participation de 22,6% représentait un montant de 5,4 milliards d’euros. Et la plus-value enregistrée sur la progression du titre en bourse n’est pas anodine. «La gestion des investissements, placements et autres instruments financiers a généré un gain de 865 millions d’euros.

Il inclut à hauteur de 1.004 millions d’euros, le gain, net de frais, relatif aux opérations Hermès enregistrées lors du dénouement des contrats d’equity linked swaps, celui-ci correspond à la différence entre la valeur de marché à cette date des titres acquis et leur valeur sur la base du cours de bourse du 31 décembre 2009», est-il écrit dans le rapport annuel de 2010.

Le journaliste du quotidien français Le Monde indique avoir lu le dossier d’enquête de l’AMF. Et, selon ce document, l’augmentation de la participation de LVMH dans Hermès n’aurait là plus rien d’un hasard. Au commencement, l’acquisition en 2001 et 2002 de 4,9% du capital d’Hermès via les filiales luxembourgeoise, Hannibal, et américaine, Altaïr. À partir de 2007, indique le quotidien du soir, «la direction financière organise – par le biais de ses filiales luxembourgeoises Hannibal et hongkongaise Harmony Capital, dont l'AMF souligne qu'elles ne sont mentionnées nulle part dans les comptes de LVMH – un achat de titres Hermès en étoile, en divisant les participations entre trois banques. De façon à ce qu'aucune ne franchisse le cap sensible des 5%».

Administrateurs célèbres

Tout s’est donc passé dans l’ombre jusqu’à l’automne 2010. Depuis, la bataille entre les deux géants du luxe fait le bonheur des éditorialistes et observateurs financiers. Et, fait remarquable au Grand-Duché, alors que l’administration d’Hannibal holding était confiée depuis sa création en 1993 à des tiers opérant pour des prestataires de services financiers (comme SGBT), LVMH semble avoir repris la main sur sa filiale luxembourgeoise en nommant comme administrateurs rien de moins que sa DRH, Chantal Gämperle, et son CFO, Jean-Jacques Guiony.

Faut-il y voir un signe? L’affaire n’en est en tout cas pas à son dernier épisode puisque l’AMF devrait se prononcer avant l’été sur cette acquisition réalisée en coulisse et potentiellement contraire aux règles du marché.