«Les valorisations apparemment élevées des marchés actions sont le reflet d’un environnement de taux obligataires durablement bas», explique Bertrand Schmeler. (Photo: CBQ Quilvest)

«Les valorisations apparemment élevées des marchés actions sont le reflet d’un environnement de taux obligataires durablement bas», explique Bertrand Schmeler. (Photo: CBQ Quilvest)

Dans la dernière «Fund Manager Survey» publiée par Bank of America Merrill Lynch, interrogeant sur base mensuelle un large panel d’investisseurs professionnels internationaux, près d’un tiers des gestionnaires d’actifs participants considèrent que les marchés actions sont surévalués. Comme le graphique ci-joint l’indique, cette mesure est au plus haut depuis plus de 15 ans. Ce sondage indique également que la surévaluation perçue est principalement concentrée sur le marché des actions américaines (81% des intervenants le jugent surévalué): un constat sans équivoque, peu étonnant après une hausse de 15% des grands indices américains depuis l’élection de Donald Trump, en novembre dernier.

Faut-il s’en alarmer? Les marchés actions américains vont-ils inévitablement corriger à court terme, entraînant les autres marchés à la baisse? Rien n’est moins sûr. L’histoire montre que ce type de sondage a peu de capacité de prédiction sur un horizon relativement court (inférieur à 6 mois). Sur un cycle d’investissement à moyen-long terme toutefois, le niveau de valorisation atteint par le marché aujourd’hui implique un rendement attendu faible sur les 3 à 5 prochaines années. Statistiquement, lorsque le ratio de P/E approche des 20, les probabilités impliquent que les performances réalisées sur les 5 années suivantes tendent vers 0%.

À plus court terme toutefois, si le marché est devenu vulnérable à des corrections temporaires, rien ne semble indiquer que nous sommes à la veille d’un marché durablement baissier. Comme ce même «Fund Manager Survey» l’indique, les investisseurs sont positionnés de façon plutôt prudente, avec beaucoup de liquidités dans leurs portefeuilles et ne «croient» pas au mouvement haussier des 6 derniers mois.

Selon notre analyse, les valorisations apparemment élevées des marchés actions sont le reflet d’un environnement de taux obligataires durablement bas: en d’autres termes, la «prime de risque» offerte par les marchés actions reste attractive. Même si la Federal Reserve (Fed) a entamé une politique de remontée de ses taux directeurs, l’inflation reste largement sous contrôle et les taux longs américains ne devraient pas remonter durablement au-delà de 2.75% — 3% (contre 2.5% actuellement). En Europe comme au Japon, sous l’effet de l’intervention des banques centrales, les taux longs devraient eux aussi rester bas.

Les facteurs de soutien aux marchés actions sont nombreux cette année: la croissance économique mondiale continue de dépasser les prévisions et les indicateurs avancés laissent supposer que cette tendance va continuer; y compris dans la zone euro, où la reprise apparaît encore timide, mais bien ancrée. Les résultats des entreprises – sur la plupart des zones géographiques que nous observons –sont révisés à la hausse par les analystes pour la première fois depuis plusieurs années. Les valorisations sont certes élevées, mais nous sommes loin d’un niveau de bulle: dès lors, il conviendra de continuer à privilégier les marchés actions au sein des portefeuilles. L’Europe et les marchés émergents présentent encore un potentiel de rattrapage important, du fait de cette reprise mondiale et des valorisations plus attractives. Les secteurs cycliques, de même que les valeurs financières semblent destinés à bien performer dans cet environnement.

Deux incertitudes majeures pourraient être de nature à remettre en cause un scénario positif sur les actions cette année: le premier est lié à la stabilité de la zone euro, avec une échéance électorale importante en France début mai. Même si les sondages attribuent aujourd’hui une probabilité faible au vote «anti-Euro», l’expérience récente suggère qu’on peut douter de la capacité de ces sondages à appréhender correctement la force du vote «contestataire». En cela, le dollar US semble être une bonne «couverture» dans un portefeuille, aussi longtemps que ces incertitudes demeurent. La deuxième est liée aux espoirs placés en Donald Trump: les marchés ont déjà largement intégré la baisse annoncée des impôts sur les sociétés aux États-Unis. Si ces perspectives devaient décevoir, et ces baisses d’impôts s’avéraient difficile à mettre en œuvre et à financer, nul doute que la sanction des marchés serait significative.