Franco Barilozzi, directeur du Comité de liaison des associations d'étragers (Clae). (Photo: Jessica Theis)

Franco Barilozzi, directeur du Comité de liaison des associations d'étragers (Clae). (Photo: Jessica Theis)

L es élections du 25 mai prochain seront un test pour l’Europe, si ce n’est un crash test. Chaque période de tension économique et sociale voit la montée des partis d’extrême-droite, nationalistes et populistes. La crise – mais peut-on encore parler de crise ou devons-nous penser la situation actuelle comme une nouvelle réalité? – que nous subissons depuis 2008 n’a malheureusement pas échappé à la règle. L’Histoire balbutie, de nouvelles guerres éclatent au portes de l’Europe et nombreux sont ceux dans les pays de l’Union – en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Hongrie, entre autres – qui sont tentés de se laisser séduire par le chant des sirènes de partis qui n’ont de la démocratie que la façade.

La question de la responsabilité des politiques européennes peut être posée. L’austérité, le démantèlement des politiques sociales, les plans de sauvetage de la Troïka, mais aussi la construction de la «forteresse Europe» ont montré que la solidarité européenne, qu’elle soit interne ou externe, avait ses limites. Et ce sont sur ces politiques que l’Europe sera jugée par ses citoyens dans quelques jours. Des citoyens qui se considèrent comme les oubliés des décisions prises ces dernières années.

Je vois avec crainte la montée du repli identitaire qui sévit dans nos sociétés. Un repli dicté en partie par la crise, mais aussi et surtout par les discours nationalistes de plus en plus entendus. La peur de l’autre, ou sa méconnaissance, est un argument porteur pour expliquer le monde. Dans une Europe où le chômage a atteint un taux effrayant, rejeter l’autre, l’étranger, permet de cacher la forêt derrière l’arbre.

Et si, justement, l’Europe (re)plaçait le citoyen au cœur de son action pour inscrire l’ensemble de ses habitants dans un projet de société commun? Ce projet de société pensé en commun ne peut se réaliser que si nos pays réfléchissent à leur identité. Les débats entendus aujourd’hui autour des identités, qu’elles soient régionales, nationales ou européenne, tendent à enfermer chaque individu dans une même unité de référence, figée, statique, souvent définie selon l’origine géographique ou religieuse. L’existence de communautés étrangères renvoie souvent, dans cette perspective, à l’image d’une identité exogène, autre, difficilement compatible avec les valeurs portées par les sociétés européennes. Tant que nos pays ne se distancient pas de ces discours, tant que l’identité n’est pas perçue comme constituée par de multiples références, comme une invitation à partager l’individualité de chacun, comme une rencontre, ce projet de société ne pourra se faire.

Depuis quelques années, le Clae en appelle plus volontiers au concept de commune humanité qu’à celui de diversité culturelle. Nous préférons travailler sur les ressemblances et sur ce que les humains ont en commun plutôt que sur ce qui les différencie les uns des autres. Sur le lien qui unit les populations du Luxembourg et d’Europe, ainsi que sur le métissage culturel créé par ce lien.

Ce sont ces relations, ces liens, qui pourront forger demain une société unie, dans un pays, un continent, qui considère chacun de ses habitants comme un citoyen à part entière. Dans cet objectif, la question de la citoyenneté de résidence reste fondamentale dans la manière dont nous envisageons notre devenir commun au sein d’une démocratie moderne, fondée sur le principe d’égalité.