Jacques Chahine (J. Chahine Capital): «la hausse des taux sera compensée par un retour à la croissance.» (photo: paperJam.TV)

Jacques Chahine (J. Chahine Capital): «la hausse des taux sera compensée par un retour à la croissance.» (photo: paperJam.TV)

Les raisons de cette surprise sont à rechercher dans l’économie. En premier lieu, le marché immobilier commençait à battre de l’aile suite à l’envolée des taux longs et le marché du travail a perdu de son momentum, passant de 200.000 créations d’emploi à 160.000. L’immobilier pèse lourd dans l’économie et est un grand pourvoyeur d’emplois peu qualifiés. 

La Fed a fait jusque là un parcours sans faute pour gérer la crise la plus aigüe du siècle et a utilisé des outils jamais vus dans le passé. Elle a obtenu des résultats incontestables sur le plan économique et sur le front de l’emploi en remettant l’Amérique sur les rails, mais le retour à la croissance d’antan semble difficile à retrouver. Avouons qu’en Europe on se contenterait largement de ces résultats.

Le danger de cette politique non conventionnelle est de créer une bulle financière et une nouvelle crise encore plus grave. On assiste en effet déjà au gonflement des actifs : la bourse est au plus haut, l’immobilier repart à la hausse et surtout les opérations financières se sont accélérées, profitant des taux très bas. En annonçant en Juin que la politique monétaire redeviendrait un jour plus «normale» la bulle obligataire a commencé à éclater avec les taux longs qui se sont envolés. Mais de façon surprenante, il n’y a pas eu de krach boursier, car le marché a bien intégré le fait que la hausse des taux était relayée par un retour à la croissance. Cette hausse est allée un peu trop loin faisant craindre une rechute de l’économie dont PERSONNE ne veut. D’où une correction du tir de la Fed.

Le retour à une politique de taux normale s’étalera donc dans le temps aussi longtemps qu’il le faudra, mais cela viendra forcément un jour. Ce jour repose de plus en plus sur quelques statistiques majeures dont l’emploi et l’inflation. Après la belle journée boursière d’hier, les stratèges vont immanquablement se remettre à supputer le prochain geste de la Fed et là les choses peuvent aller moins bien sur le plan boursier (américain).

La bonne tenue de l’économie américaine a irrigué la reprise notamment en Europe qui sort de la plus sévère récession, plus tôt que nous ne l’avions prévu. Cela permettra réciproquement d’alimenter l’économie américaine et pour finir les pays émergents qui ont fini par accuser le coup du ralentissement général des économies développées.

M. Draghi a déjà confirmé sa politique accommodante pour une «longue période». Le Japon a tiré les leçons de l’expérience américaine et s’est lancé dans un QE effréné qui produit ses effets et c’est un troisième pôle de soutien à l’économie. L’Angleterre, qui a suivi son propre modèle de QE sort également de la crise.

Selon nos indicateurs, il y a déjà des excès dans l’évaluation boursière américaine. Notre objectif de cours de 1.630 points vient à nouveau d’être dépassé malgré le fait que les marges de profits des sociétés américaines sont à leur plus haut et offrent un faible potentiel de progression (5% par an sur les 8 prochaines années selon nos modèles).

À l’inverse, l’Europe a accumulé beaucoup de retard et les marges des entreprises sont encore déprimées, d’où un potentiel de croissance élevé. L’objectif de cours du Stoxx600 se situe à 325 points (prudemment).

Les marchés actions restent toujours porteurs, la hausse des taux sera compensée par un retour à la croissance. Nous préférons l’Europe (depuis 6 mois) et pour les audacieux les pays émergents.