Plus de 1.200 bornes de paiement Digicash sont disponibles dans les commerces au Luxembourg. (photo: Digicash)

Plus de 1.200 bornes de paiement Digicash sont disponibles dans les commerces au Luxembourg. (photo: Digicash)

Si Digicash avait des interrogations quant à sa notoriété, elle a dû être rassurée par les résultats d’un sondage commandité auprès de TNS Ilres et réalisé en janvier dernier auprès d’un échantillon de 1.028 personnes âgées de 18 ans et plus et résidant au Luxembourg.

L’application de paiement mobile est ainsi «connue» par 84% des résidents et ils sont 65% à se dire «intéressés» par le produit. Quant à la proportion des utilisateurs, elle est de 18%, alors que 47% ont déjà vu l’application en fonctionnement.

Et au moment de citer des solutions de paiement digitales, 31% des personnes résidentes interrogées ont nommé Digicash, ce qui positionne le système en troisième position derrière le web banking (39%) et les cartes de crédit (34%).

«Nous partions sur une hypothèse de notoriété bien plus faible», commente à Paperjam.lu Raoul Mulheims, un des cofondateurs de Digicash Payments, la société qui a développé la technologie. «Cela fait maintenant quelques années que nous sommes actifs sur le marché et nous avons accentué les efforts de communication ces dernières années. Nous en récoltons les fruits aujourd’hui et cela va nous permettre de passer à la vitesse supérieure en termes de message: nous n’aurons plus besoin d’expliquer que Digicash permet de faire des paiements avec un téléphone, mais d’expliquer pourquoi cette technologie est mieux qu’autre chose.»

Quatre banques partenaires… et bientôt cinq

Créée en 2012, mais sur la base d’un projet recherche et développement soutenu par le gouvernement luxembourgeois lancé en mars 2010, Digicash Payments est une spin-off de Mpulse, société active depuis 2006 et spécialisée dans les micropaiements par SMS via l’intermédiaire d’opérateurs mobiles.

Agréée depuis juillet 2012 en tant qu’établissement de paiement par le ministère des Finances, la société a lancé officiellement sa solution Digicash auprès du grand public en novembre 2012, avec la BCEE, qui fut ainsi la première banque à proposer le paiement mobile en débit direct depuis un compte bancaire.

Depuis, la banque de Post (en juillet 2013), la Bil (en mars 2014) et BGL BNP Paribas (en mars 2015) ont rejoint le «club» des banques partenaires, qui devrait compter un cinquième membre dans les prochaines semaines. «On couvre à présent 83% des comptes primaires de l’ensemble de ces quatre banques et nous dépasserons les 90% avec cette cinquième banque», précise M. Mulheims.

Sur (presque) toutes les factures

Digicash revendique aujourd’hui quelque 135.000 téléchargements de l’application et un total de 75.000 activations, ce qui correspond à peu près au taux d’utilisation de 18% indiqué par le sondage (sachant que le pays compte environ 455.000 personnes résidantes de 18 ans et plus).

Les terminaux Digicash sont installés dans un peu plus de 1.200 points de vente, représentant environ 10% du total de nombre de terminaux carte présents dans le pays. Mais Raoul Mulheims préfère mettre en avant un autre critère: «Que ce soit les assureurs, les opérateurs télécom ou les fournisseurs d’énergie, entre 90% et 95% de leurs factures disposent d’un QR code permettant, potentiellement, de payer via Digicash. Au niveau des services communaux, on a dépassé les 50%.»

Ces derniers mois, nous avons, chaque mois, doublé le nombre d’opérations ‘peer-to-peer’ par rapport au mois précédent.

Raoul Mulheims, cofondateur de Digicash

Mais Digicash, c’est aussi un moyen de transférer de l’argent directement de particulier à particulier. L’été dernier, cette fonction représentait 15% des transactions effectuées. Un taux d’utilisation qui est passé à 31% en ce début d’année.

«Depuis cet automne, nous focalisons notre stratégie de communication sur cette fonction ‘peer-to-peer’», indique M. Mulheims, observateur attentif de ce qui se fait dans d’autres pays, notamment au Danemark, où plus de 70% de la population adulte a déjà utilisé un système de paiement mobile. «Ces derniers mois, nous avons, chaque mois, doublé le nombre d’opération P2P par rapport au mois précédent», constate-t-il.

Une approche «moins sexy», mais payante

La réussite de ce produit tient avant tout dans son modèle économique. En concurrence frontale il y a peu, encore, face à des systèmes comme Flashiz ou Yapital, Digicash est le seul à être toujours là et à s’être développé dans l’écosystème luxembourgeois. Les deux autres ont quitté le pays, Flashiz ayant même abandonné ses activités de porte-monnaie électronique en décembre 2014. «Ils ont voulu révolutionner tout le process en se substituant aux banques», observe M. Mulheims. «Nous avons privilégié une approche peut-être moins sexy dès le départ, en misant au contraire sur un partenariat total avec les banques. Or, aujourd’hui, c’est justement cette approche de partenariat que privilégient les fintech.»

Avec quelque 4,5 millions d’euros investis dans la R&D (dont 2,2 millions levés en 2014 avec la SNCI et le gouvernement luxembourgeois), Digicash n’a pas non plus dépensé des sommes folles, alors que d’autres acteurs, qui entrent dans la danse ces derniers temps, multiplient les zéros avant la virgule. «On n’a pas nécessairement besoin de ces moyens-là pour avoir un impact sur le marché», se contente d’observer M. Mulheims.

Notre technologie n’existe pas sur d’autres marchés, ce qui suscite de plus en plus d’intérêt.

Raoul Mulheims, cofondateur de Digicash

Si Digicash est encore loin d’être prophète en son pays, il en prend doucement mais sûrement le chemin. Et il lorgne aussi au-delà des frontières. Un projet est ainsi en cours de mise en œuvre de la technologie développée au Luxembourg auprès d’une banque belge.

«Notre technologie n’existe pas sur d’autres marchés, ce qui suscite de plus en plus d’intérêt», note Raoul Mulheims, qui ne cache pas les ambitions de commercialiser tout ou partie de cette technologie à l’international et de profiter de la prochaine mise en œuvre de la directive des systèmes de paiement PSD2 (ce sera pour la mi-janvier 2018) pour se positionner en tant que plateforme de connexion destinée aux futurs prestataires de services d’initiation de paiement qui seront créés dans le cadre de cette directive et qui pourront – avec l’aval du client – accéder directement à son compte.

Neuf acteurs sur le marché

Pour l’heure, neuf sociétés sont agréées auprès du ministère des Finances en tant qu’établissement de paiement. Outre Digicash, on trouve ainsi:

  • Bitstamp Europe, filiale de Bitstamp Ltd (basée à Londres), l’une des plus anciennes et plus importantes plateformes d’échange de bitcoins en Europe;
  • CyberServices Europe, qui a développé sa plateforme Klik & Pay de paiement sécurisé par carte bancaire sur internet;
  • FIA-Net (groupe Crédit Agricole), spécialisé dans les solutions de lutte contre la fraude et qui avait développé, avec LCL, l’éphémère solution de porte-monnaie électronique Kwixo;
  • Huellemann & Strauss Onlineservices, basée à Grevenmacher, et spécialisée dans les solutions de paiement pour e-commerce, en s’appuyant sur l’expertise du fournisseur allemand Heidelberger Payment;
  • Olkypay, créé en 2011 et qui se revendique en tant que premier établissement de paiement spécialisé dans les opérations de paiement par Sepa Direct Debit. La société, qui annonce plus d’un million de clients utilisateurs de ses services de paiement, a notamment investi le créneau du recouvrement des factures impayées;
  • Onpex, fournisseur de solutions technologiques modulaires de paiement et de solutions «banque en tant que service»;
  • Six Payment Services, anciennement Cetrel, qui assure le traitement des processus de paiement et l’acceptation des cartes de paiement auprès des commerçants; 
  • StubHub Services, filiale de eBay, qui propose une plateforme d’achat et de vente de billets pour des événements sportifs et culturels.