Paperjam.lu

Photo: David Laurent\Wide 

Où va l’Amitié? Anheuser-Busch InBev, le brasseur belgo-brésilien basé à Louvain, annonçait le 7 janvier son intention de fermer la Brasserie Diekirch et d’en transférer la production vers les sites belges de Jupille et de Louvain. Ses dirigeants prévoient en outre l’externalisation des activités logistiques et la réorganisation des unités vente et marketing au niveau local de sa filiale brassicole luxembourgeoise.

Cette dernière devrait cesser sa production en septembre prochain, au plus tard fin 2010. 63 des 97 emplois devraient ainsi disparaître. Les manifestations de soutien à l’un des grands fleurons de l’économie luxembourgeoise se sont multipliées. Quelque 1.500 personnes ont tout d’abord défilé dans les rues de Diekirch pour réclamer le maintien de la brasserie et un groupe s’est constitué sur le réseau social Facebook, pour notamment collecter des fonds en vue de racheter le brasseur. De son côté, le gouvernement se mobilise pour maintenir la marque au Luxembourg. Le Premier ministre Jean-Claude Juncker a ainsi promis de faire tout son possible pour sauver l’entreprise. Et de s’impliquer personnellement dans le dossier, pour que Diekirch reste à Diekirch.

Le ministre du Travail, Nicolas Schmit, privilégie pour sa part une solution industrielle à la fermeture. Parmi les pistes envisagées, le rachat de Diekirch par sa concurrente directe, la Brasserie Nationale (marque Bofferding), ou encore le reclassement de son personnel, au sein du groupe de Bascharage. Ce dernier se dit intéressé par l’option. Ces multiples mobilisations en faveur de Diekirch n’ont cependant pas émoussé la volonté de la maison mère de fermer définitivement le site de production.

Vers une protection de l’aire?

Anheuser-Busch InBev ne semble d’ailleurs pas prêt à revendre sa filiale luxembourgeoise. Pourrait-il cependant encore commercialiser sous la dénomination de Diekirch une bière désormais «made in Belgium»? Celle-ci étant une marque déposée, elle appartient à son propriétaire. «La brasserie Diekirch, détentrice de la marque, peut céder ses droits à n’importe qui, autoriser sa production sous licence ou sous contrat par un tiers, en vertu du droit des marques», précise Olivier

Laidebeur, juriste chez Office Ernest T. Freylinger, cabinet de conseil en propriété intellectuelle. Dans une question parlementaire au gouvernement, le député LSAP Claude Haagen, l’ancien maire de Diekirch (entre 2001 et 2005), évoquait l’enregistrement du nom de Diekirch sous le label européen IGP, ce qui pourrait, selon lui, éviter une éventuelle délocalisation de la production, et de la commercialisation de cette appellation.

Lancée en 1992, cette Indication Géographique Protégée certifie en effet l’origine et la qualité des produits agricoles et denrées alimentaires européens provenant d’une aire géographique délimitée, dont elle porte le nom. Ces produits doivent être originaires de la région ou du lieu en question, ils doivent aussi démontrer une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques pouvant être attribuées à cette origine géographique, et enfin être produits et/ou transformés et/ou élaborés dans cette même aire géographique délimitée. «Seule une association de producteurs – et non pas une ville – peut déposer une demande d’enregistrement auprès de la Commission européenne», précise M. Laidebeur. Le processus dure en moyenne un an.

Néanmoins, une telle procédure ne s’applique pas aux marques déposées antérieurement. Et ne peut donc empêcher leur utilisation. Selon M. Laidebeur, il faudrait pour cela que les marques Diekirch soient annulées pour que, sur la base de l’IGP, il soit possible d’empêcher la maison mère de produire et de distribuer de la bière portant la mention Diekirch. Cette annulation peut être le fait de tiers, et non pas uniquement d’AB-InBev, précise le juriste.