Dans le dossier Immobilier de Paperjam2, Monique Chalon (ING) échange avec Stéphane di Carlo (EGB Hornung & Associés) sur la qualité de l’espace de travail. (Photo: Julien Becker )

Dans le dossier Immobilier de Paperjam2, Monique Chalon (ING) échange avec Stéphane di Carlo (EGB Hornung & Associés) sur la qualité de l’espace de travail. (Photo: Julien Becker )

La qualité de l’éclairage et de la climatisation, l’ergonomie du mobilier, la possibilité de s’isoler pour se détendre ou passer des coups de fil importants... Les paramètres à prendre en considération pour que les collaborateurs se sentent bien sur leur lieu de travail sont multiples.

À la qualité du «cadre» professionnel, s’ajoutent, bien évidemment, toutes les dispositions qu’il convient de prendre pour permettre aux collaborateurs de concilier au mieux vie professionnelle et vie personnelle: soigner l’ambiance, limiter le stress et les tensions ou bien encore entretenir la motivation. Les entreprises sont sensibles à ces paramètres qui, maîtrisés, favorisent l’implication des collaborateurs, leur efficacité et leur fidélité. Qui participent aussi à la bonne image de l’entreprise auprès de ses partenaires, de ses clients et des jeunes talents dont elle a assurément besoin pour continuer à se développer.

Pour les entreprises, s’engager dans des stratégies du «changement» s’avère d’autant plus pertinent qu’elles permettent également de relever toute une palette de défis: favoriser la mobilité induite par les nouvelles technologies, assurer la mixité intergénérationnelle et interculturelle, optimiser l’innovation sans oublier de mieux maîtriser ses coûts.

Combien ça coûte?

«Les dirigeants sont de plus en plus nombreux à prendre en considération les attentes et les besoins de leurs collaborateurs, au moment de choisir le lieu d’implantation de leurs bureaux ou quand ils s’interrogent sur l’aménagement de l’espace de travail, explique Stéphane di Carlo, business development sales executive du bureau d’architecture d’intérieur et de design EGB Hornung & Associés. On le voit bien, dans bon nombre d’entreprises, les horaires fixes de travail, les fameux 8h-12h, 14h-18h, ne sont plus de mise. Les collaborateurs ont plus de latitude pour organiser leur journée. Pour qu’ils puissent optimiser leur temps et concilier vies professionnelle et personnelle, les entreprises privilégient les environnements qui accueillent des restaurants, des supermarchés, qui offrent des places de parking et qui sont facilement accessibles par différents modes de transport.»

L’une des priorités des salariés comme des entreprises est surtout de ne pas perdre de temps. Tout doit être à portée de main. «Au Luxembourg, bon nombre de salariés perdent déjà suffisamment de temps dans les transports pour se rendre au travail. Le problème c’est que ces m2 sont facturés au prix fort. Alors, les entreprises sont également nombreuses à opter pour des surfaces étriquées et à réduire l’enveloppe dédiée aux aménagements, afin de limiter l’investissement, observe encore l’architecte. Il y a une volonté de faire au mieux pour les salariés, car c’est certainement un bon investissement, mais les entreprises ne peuvent pas toujours aller jusqu’au bout de leur démarche en la matière, faute de moyens. La première question que me posent mes clients n’est pas de savoir ce que peut leur rapporter un aménagement d’espace optimisé en termes de compétitivité mais combien il va leur coûter.»

Visibilité, efficacité, compétitivité

En choisissant d’implanter son nouveau siège en face de la gare de Luxembourg, afin d’y rassembler l’ensemble de ses 800 collaborateurs répartis pour l’instant sur quatre sites, plutôt que d’investir dans un immeuble en périphérie, ING Luxembourg s’inscrit pleinement dans cette démarche visant à offrir aux collaborateurs un cadre de travail et un environnement efficients, notamment en termes d’accessibilité avec la proximité de la gare, des bus et du futur tram.

«La porosité entre vie professionnelle et vie personnelle est de plus en plus importante. Il convient donc d’encourager la mobilité et la flexibilité puisque, pour l’heure, la fiscalité limite encore les possibilités en matière de télétravail en dehors des frontières. L’arrivée de la nouvelle génération sur le marché du travail renforce cette tendance de fond. Mais notre implantation au cœur de la capitale vise plusieurs objectifs. Primo, gagner en visibilité. Secundo, rassembler l’ensemble de nos collaborateurs sous un même toit afin de gagner en efficacité et en compétitivité et donc d’améliorer le service au client», explique Monique Chalon, manager facility management d’ING Luxembourg qui est en charge de piloter l’installation dans ces nouveaux locaux dont la livraison est programmée pour la fin 2016.

Le projet dépasse très largement le cadre purement immobilier. Au-delà de rassembler le personnel, c’est toute une nouvelle organisation qui est mise en place. «Par exemple, nous supprimons les bureaux privatifs pour raisonner en termes d’espaces de travail à choisir selon son activité du moment. Chaque équipe disposera ainsi de son ‘appartement générique’ composé de différents types d’espaces et au sein duquel la team disposera de ce dont elle a besoin pour bien fonctionner, également en termes d’outils informatiques. Autre changement, dans un registre différent, nous allons beaucoup réduire les places de parking nominatives au profit de places partagées et réservables à la journée ou la demi-journée par exemple; l’idée étant de faire en sorte qu’une place de parking soit disponible au moment où le collaborateur en a vraiment besoin. Une mère de famille qui doit impérativement récupérer ses enfants un peu plus tôt, le jeudi soir, et qui, pour ce faire, vient au travail en voiture, aura la possibilité de réserver une place de parking à l’avance pour ce jour précis», explique Monique Chalon.

«Il y a toujours matière à optimiser les surfaces, tout en garantissant davantage de confort et d’efficience, mais en favorisant le sharing», poursuit-elle. Ces évolutions s’accompagnent, bien entendu, d’une remise en cause des pratiques de fonctionnement existantes et d’un important changement sur le plan managérial.

Collaboratif et créatif

«Chacune des équipes est dirigée par un manager qui est en prise directe avec ses collaborateurs», détaille Monique Chalon. «À lui d’impulser un management par objectifs qui repose davantage sur la confiance et sur l’autonomisation. Là encore, pas question d’improviser. Il est essentiel d’informer toute la structure le plus tôt possible de ce projet de changement d’organisation, avec le support du top management et du service des Ressources humaines. Le middle management et l’ensemble des collaborateurs doivent aussi être très tôt associés au projet, afin d’imaginer ensemble des solutions et des modes de fonctionnement pertinents, dans un cadre et un budget préalablement définis, bien entendu, par le top management. Nous avons notamment désigné un change coordinator et organisé des workshops ainsi qu’une mise en situation avec un département pilote (proof of concept). Pour l’un de ces workshops, nous avons notamment modélisé les nouveaux espaces en Lego afin de visualiser les lieux et travailler sur des situations concrètes. Il ne sert à rien d’imaginer le plus beau des aménagements si vos équipes ne savent pas comment l’utiliser ou s’il s’avère non opérationnel. Impliquer les équipes dans le changement est, à ce titre, fondamental. Il faut libérer la parole, être à l’écoute de leurs questionnements et ne pas craindre de faire évoluer la mise en œuvre des concepts», précise la spécialiste qui, pour parfaire cette workplace strategy, a bénéficié du savoir-faire du groupe ING en la matière et s’est entourée d’experts et de consultants.

«Pour un aménagement de bureau réussi, il est indispensable, selon moi, de bénéficier de regards externes à l’entreprise afin que l’on puisse se challenger», souligne Stéphane di Carlo. «Bien souvent, j’invite mes clients à découvrir des espaces existants afin d’alimenter la créativité. Malheureusement, comme je l’indiquais précédemment, nombreux sont nos clients à raisonner prioritairement en termes de coûts. Pour les limiter, certaines entreprises nous sollicitent trop tardivement, quand l’organisation de l’espace a d’ores et déjà été définie, voire le mobilier déjà acquis. C’est dommageable dans la mesure où il est compliqué de procéder alors à un aménagement à valeur ajoutée. Il est également à noter que la culture de l’entreprise joue beaucoup. Pour les compagnies asiatiques, par exemple, la dimension bien-être des salariés n’est pas la priorité absolue.»

Retour sur investissement

Se faire accompagner par des experts, veiller à impliquer les collaborateurs, favoriser la créativité, clarifier les objectifs, se donner du temps… S’engager dans l’élaboration d’une workplace strategy ne laisse guère de place à l’improvisation pour qui souhaite faire le plein de bénéfices. Mais il est tout de même un point, au-delà des aspects purement financiers, qui freine parfois les initiatives en la matière, celui du «retour sur investissement».

Comment en effet s’assurer que le surcoût consenti par rapport à des aménagements basiques ou standard génère effectivement de la valeur ajoutée en termes de compétitivité, de fidélisation, d’image? La seule évolution du chiffre d’affaires ne suffit pas puisque ce dernier dépend étroitement de la bonne, ou mauvaise, santé du marché. «Dès le départ, nous nous sommes attachés à définir des critères d’évaluation. Nous avons notamment établi des grilles d’évaluation comprenant différents critères clés. Des enquêtes régulières auprès des employés sont programmées afin de recueillir de l’information. Des groupes de travail ont également été constitués afin d’assurer un suivi sur des thématiques bien précises et d’y apporter des suggestions ou des améliorations, le cas échéant. Un cadre est défini mais il n’est pas rigide. Quant à sa mise en œuvre en pratique, il y a en effet de l’espace pour des évolutions et des adaptations selon les besoins particuliers ou la dynamique propre des services. Chez ING, ce fonctionnement dans l’échange ne pose pas de difficultés particulières, cette approche faisant partie intégrante de l’ADN du groupe. S’engager dans une stratégie du changement est un processus qui s’inscrit dans la durée, un challenge win-win également. Nous sommes persuadés que les collaborateurs comme l’entreprise ont tout à y gagner», conclut Monique Chalon. Non sans indiquer que, sur un plan plus personnel, piloter une telle opération est d’autant plus passionnant que ça n’arrive, a priori, qu’une fois dans une carrière.

Bien changer
Soigner le middle management

Faire évoluer un espace de travail et l’organisation d’une entreprise implique un engagement fort du top management et d’associer au plus vite l’ensemble des collaborateurs.

Les possibilités offertes par les nouvelles technologies étant bien souvent au cœur même du changement, la nouvelle génération voit généralement l’évolution d’un bon œil. Mais au sein de l’entreprise, il est une partie de l’équipe que la nouveauté peut «stresser»: le middle management. «Il est certain que passer à un mode de management par objectifs peut générer des inquiétudes voire quelques réticences au départ, peut-être plus particulièrement de la part du middle management qui voit ses prérogatives, son mode de fonctionnement et ses missions évoluer. Nous avons très tôt été à l’écoute de ces collaborateurs afin de leur expliquer le projet mais également de les associer dans l’élaboration des solutions les plus pertinentes selon leur expérience très concrète. Il est d’ailleurs encourageant de constater combien certains plus dubitatifs au départ sont aujourd’hui parmi les promoteurs de la démarche», souligne Monique Chalon.

Aménagement
Le bien-être passe aussi par le confort

En matière d’aménagement, aujourd’hui tout est envisageable. La créativité a toute sa place au bureau et les contraintes, notamment budgétaires, participent à l’exacerber.

«Personnellement, je l’encourage également en favorisant les échanges et le dialogue. Si l’ensemble des acteurs concernés par un projet peuvent se retrouver pour échanger autour d’une table, c’est parfait», souligne Stéphane di Carlo de chez EGB Hornung & Associés, entreprise qui travaille pour des particuliers comme pour les entreprises et le commerce.

Si le design et l’esthétique sont des points importants, qui véhiculent notamment l’image de l’entreprise, il convient d’être très attentif aussi au confort. «Le confort qui participe à la productivité des équipes implique de veiller à mettre en place des systèmes visant à limiter les nuisances sonores, à garantir un minimum d’intimité, à assurer un bon éclairage mais également une bonne température ambiante, été comme hiver. Cela peut sembler évident et pourtant c’est loin d’être le cas partout», concède l’expert. Certaines entreprises ne lésinent pas pour assurer le bien-être de leurs collaborateurs: crèche d’entreprise, masseur, salle de fitness…