Dr Yves Wagner, directeur de la BCEE-Asset Management. (Photo: Julien Becker / Archives)

Dr Yves Wagner, directeur de la BCEE-Asset Management. (Photo: Julien Becker / Archives)

De David Ricardo jusqu’aux approches récentes des croissances soutenables, l’hypothèse d’une convergence vers un état stationnaire ou d’une croissance zéro a été évoquée et décrite par de nombreux économistes. Depuis de longs trimestres maintenant, nous observons une économie mondiale peu dynamique, des croissances certes positives mais molles, avec des perspectives d’amélioration à court terme peu probables. Serions-nous en train de converger vers l’état stationnaire prévu par certains depuis plus de 200 ans?

Les fondements de l’état stationnaire se trouvent essentiellement dans l’évolution démographique de l’approche malthusienne, la baisse tendancielle des rendements et profits du modèle Solow-Swan ou de façon générale dans la baisse de productivité. On constate aujourd’hui que la croissance molle est liée à l’absence de gains de productivité importants, ces derniers pouvant s’expliquer par un manque persistant d’investissements innovants. Nous sommes néanmoins convaincus que ces observations sont moins liées à une évolution déterministe et donc inéluctable du monde vers un état stationnaire qu’à des contextes dépressifs de consommateurs et investisseurs dus à l’absence de valeurs et de vision de décideurs économiques et politiques. Effets ou causes d’une atonie économique et financière, les inquiétudes des agents économiques pour des raisons diverses ne cessent de s’accumuler. Les risques politiques et géopolitiques, avec notamment des issues incertaines d’élections futures aux États-Unis et en Europe, les risques touchant la construction européenne allant de l’imbroglio des crises de réfugiés aux aléas du Brexit en particulier, ou encore l’absence d’options de sortie de guerres au Moyen-Orient et au-delà ne sont pas de nature à améliorer la visibilité sur la trajectoire économique et sociale du monde.

Sur le plan technique fondamental, la croissance mondiale restera molle dans les 12 prochains mois en raison d’absence d’investissements et, par conséquent, d’amélioration de productivité, en raison d’un commerce international déprimé, ou en raison d’endettements qui restent élevés. Sur le plan financier, les déséquilibres sur les marchés des capitaux induits par des politiques monétaires déstabilisantes interdisent toute prévision rationnelle de rendements d’actifs financiers et, comme conséquence, toute allocation efficace des ressources.

Pour les gestionnaires de portefeuilles, l’environnement est inquiétant, aucune catégorie d’actifs ne semblant offrir un arbitrage rendement/risque satisfaisant sur les 12 prochains mois. Le marché obligataire est cher, les prix étant trop influencés par les politiques monétaires. Les primes de risque sur ce marché sont insuffisantes depuis que les banques centrales ont élargi leurs programmes de rachat aux titres d’entreprises. Le marché actions est généralement cher également depuis les reports de liquidités (excessives) sur les bourses ou des arbitrages contre les taux d’intérêt nuls voire négatifs et tout ceci en l’absence de perspectives économiques fondamentales encourageantes. Le marché immobilier est, du moins pour certaines régions, probablement surévalué également. Les quelques secteurs qui, d’un point de vue de l’analyse financière classique, pourraient sembler sous-évalués, comme celui des sociétés financières, ne sont pas ceux que nous favorisons en raison d’autres risques (notamment de gouvernance) qui les plombent.

Plus que jamais, la gestion de portefeuille est aujourd’hui moins définie par la sélection d’actifs à forts rendements espérés que par une gestion intelligente des risques. Et ces derniers ne cessent de se multiplier sous des formes diverses.