Marc Wagener est le directeur chargé des affaires courantes chez Idea. (Photo: archives paperJam)

Marc Wagener est le directeur chargé des affaires courantes chez Idea. (Photo: archives paperJam)

En l’absence, depuis 2010, de l’avis consultatif émis par le Conseil économique et social (CES), le survol de la situation économique et financière du pays n’est plus vraiment institutionnalisé. Et en attendant que le CES se remette en bon ordre de marche, c’est à une initiative «privée» que l’on doit le dernier avis en date «sur la situation économique, sociale et financière du Grand-Duché de Luxembourg».

Le dernier, mais aussi le premier, en l’occurrence, puisqu’il émane de l’asbl Idea, constitué il y a un an à l’initiative de la Chambre de commerce et qui se présente comme un laboratoire d’idées autonome, pluridisciplinaire et ouvert. Il se profile comme une «plateforme de réflexions transparente et capable de fonctionner à géométrie variable en fonction des sujets abordés», comme l’explique Marc Wagener, directeur chargé des affaires courantes d’Idea, dans l’introduction de ce premier avis qu’Idea souhaite être le premier d’une série «qui devienne une contribution attendue».

Conseiller au département économique de la Chambre de commerce, M. Wagener est également le coordinateur de l’initiative 2030.lu, dont on ne manque pas évidemment de rapprocher la philosophie et la démarche de celle d’Idea.

Agir, vite et bien

«Le Luxembourg au carrefour décisif: comment réinventer la croissance sous contrainte budgétaire?» est le titre de cet avis de 70 pages, dont la moitié est consacrée à une analyse de la situation à l’étranger, des États-Unis à la Belgique en passant par la Grèce ou le Japon.

Et le Luxembourg? «Agir, vite et bien»: tel est leitmotiv d’Idea, qui ne manque pas de rappeler combien la crise économique de 2008 a impacté la création de richesse dans le pays, avec «un terrain perdu en termes de croissance de l’ordre de 25% par rapport au sentier de croissance précédent» (pour la période 2001-2007).

L’avis note également que le marché du travail, également frappé de plein fouet par la crise, serait aujourd’hui un des plus dégradés parmi les pays de l’OCDE: alors que la plupart devrait, à l’horizon 2015, voir leur taux de chômage converger vers ce qu’il était en 2008, l’écart (à la hausse), pour le Luxembourg, devrait être de 3%.

Mettre les frontaliers à contribution

La stratégie de consolidation budgétaire devant être adoptée et les économies de 1,5 milliard d’euros à prévoir pour atteindre l’objectif à moyen terme (un excédent structurel de 0,5%) du PIB en 2017 doivent passer principalement, selon Idea, par des réductions de dépenses publiques, «l’économie se trouvant en phase ascendante du cycle, et les marges de manœuvre du côté des recettes ayant déjà largement été réduites après les deux paquets fiscaux de 2011 et 2013».

Et de proposer une répartition «convenable»: 900 millions d’euros de réduction de dépenses et 600 millions de recettes fiscales supplémentaires (en tenant compte de la hausse de 2% de la TVA, jugée comme une piste «judicieuse»). «Il serait par ailleurs économiquement bienvenu 'd’exporter' une partie de l’effort de consolidation et ainsi en limiter l’effet sur la demande intérieure, la présence de nombreux travailleurs frontaliers au Luxembourg (plus de 150.000) est à cet égard une opportunité à exploiter.»

À l’orée du «triple choc de 2015» (hausse de la TVA de deux points, mise en application de l’échange automatique d’informations sur les revenus d’intérêt et modification du mécanisme de TVA sur le commerce électronique), Idea suggère «d’ériger des digues». L’une d’entre elles consisterait en la consolidation des finances publiques via la cession de quelques participations détenues par l’État, ce qui, selon l’asbl, «peut s’avérer utile».

Pour un pacte de modération salariale

Au final, ce sont pas moins de 10 chantiers qui sont identifiés «pour un point de croissance», assortis d’un certain nombre de pistes à explorer: freiner la perte de compétitivité; promouvoir un marché du travail efficace (avec la mise en place d’un «pacte de modération salariale»); améliorer le fonctionnement du marché immobilier; favoriser la création et la transmission d’entreprise; oser et imaginer un renouveau industriel (en s’inspirant, par exemple, du programme «La nouvelle France industrielle»); stimuler l’innovation dans les entreprises; assurer les conditions de l’ascension sociale; accroître l’efficacité de la dépense publique; assumer et tirer profit du statut de capitale européenne et insuffler une nouvelle dynamique à la place financière. Rien de bien nouveau, donc, mais présenté à la lumière des annonces faites (ou attendues) de la part du nouveau gouvernement.

«Le budget 2014, qui comprend des économies de 230 millions d’euros, est un (petit) pas dans la bonne direction pouvant être interprété comme un signal de la volonté gouvernementale de concentrer les efforts de réduction du déficit sur la dépense publique», se réjouit Idea qui, en plus de la hausse de la TVA déjà convenue, plaide pour une combinaison réductions de dépenses – hausse de l’impôt foncier – rabotage de certaines dépenses fiscales.

En revanche, pour ce qui est des pistes pour «réinventer la croissance», l’asbl note que les mesures gouvernementales se font attendre. «Hormis les velléités budgétaires (qui devront être suivies des actes), le 'renouveau' promis n’est pas encore visible. La tentation est sans doute grande, puisque l’économie de la zone euro se porte mieux, de différer les réformes et de tomber dans l’euro-phorie; ce serait pourtant une grave erreur, car l’économie luxembourgeoise est confrontée à des défis que seules des réformes structurelles d’envergure peuvent adresser.»