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Il y a une quarantaine d'années, le terme "régie publicitaire" n'avait pratiquement pas encore droit d'existence à Luxembourg. À une époque où, dans les mégapoles, de grandes centrales d'achats faisaient déjà leur chou gras en réservant des espaces considérables dans tout un panel de supports de la presse écrite, espaces qu'elles s'empressèrent de remplir moyennant commission en négociant la page de pub avec les agences de communication ou les annonceurs tout court, dans notre petit pays douillet, chaque journal avait encore son service de régie interne. Tout se marchandait avec grande facilité, puisque la presse écrite était pratiquement régie par un monopole, et à part cela, pas grand-chose à déclarer à l'horizon.

Puis vint la télé, des supports-papier se rajoutèrent à l'un ou l'autre quotidien sous forme d'hebdos, mensuels, périodiques, et voilà que tout d'un coup plusieurs maisons se firent leur niche, toutes issues plus ou moins d'un marché bien ciblé, la couleur politique n'ayant dans plusieurs cas pas été tout à fait absente dans l'orientation de la maison-mère, en d'autres termes la maison d'édition ou l'imprimerie qui fit naître sa propre régie. 

Nouveau millénaire sous une nouvelle régie

Et voilà qu'en ce changement de millénaire qui bouscule un peu toutes les vieilles habitudes (qui pourtant avaient déjà tellement de mal de se mettre en place), l'arrivée d'un nouveau média, celui de l'Internet, vient redistribuer les cartes. Créateur de nouveaux espaces de pub', il est peut-être encore en position f'tale sur le marché de la "réclame" (comme continuent à l'appeler les anciennes générations), mais son influence dans la société laisse deviner son importance médiatique prédominante à venir. Nouveau défi donc pour les régies publicitaires soucieuses de ne pas perdre les opportunités d'un marché dont on ne sait pas encore trop bien comment il va se développer.

Qui de plus est que le lifting de plusieurs groupes d'édition au niveau de leur actionnariat a continué à secouer le cocotier. Et vlan, voilà des supports qui passent en un rien de temps d'une maison à l'autre, tout en changeant de régie par la même occasion. Toutes les donnes étaient favorables à une nouvelle situation sensée redynamiser le marché? C'est fait. Sauf qu'il y a peut-être des gens qui ne s'y retrouvent plus dans cette nouvelle partie de poker. Comment les cartes ont-elles été redistribuées? Il suffit de regarder ce que chaque joueur tient en main, c'est bien facile. Chose que nous allons faire de ce pas. Sans oublier de présenter le nouveau candidat. L'inconnu que personne n'avait invité, mais qui risque tout aussi bien que les autres de tomber sur le joker.

beWeb, et je te dirai qui tu es

Sera-t-elle juste une maison de plus, ou plutôt celle par laquelle le scandale arrive? Car, mine de rien, même si beWeb semble s'installer à Luxembourg avec un départ timide, n'assurant que la régie d'un seul site Internet à partir du mois de décembre, il ne faut pas croire que ce sera pour faire dans la dentelle et se lover dans le bien être grand-ducal sans s'attendre à plus qu'à la seule exploitation du portail Luxpoint. La gestion de Luxpoint n'est que le départ à un développement avant réelle installation. Car tout le travail se fait pour le moment via la capitale bruxelloise, en attendant qu'une équipe s'installe au Grand-duché, ce qui ne devrait dépasser les deux mois à venir. Equipe qui sera constituée au départ d'un account manager, plus d'un account en charge des éditeurs, et un autre en charge des annonceurs, bien entendu. Si cette news ne suffit pas à assurer, il est vrai, un franc succès, il faut tout de même savoir que beWeb appartient, tout comme Luxpoint, au groupe non négligeable AdValvas, et que la société a actuellement 52 sites en portefeuille. Là aussi, certains me rétorqueront que 52 sites, c'est loin de faire le monde entier. D'accord, mais encore faut-il savoir lesquels. Car en tout, beWeb détient 40% de parts du marché belge, et cela à peine après trois ans d'exploitation. Sur un marché belge online estimé à 167 millions, cela leur en fait 61 millions rien que pour eux. Lorsqu'on rajoute un marché concurrentiel partagé par onze autres maisons, cela force quand même le respect. À qui beWeb risque-t-elle de nuire le plus? Devinez.

IP - papier à l'abandon pour avenir net

Fondée en 1963, la maison issue d'un groupe international prenant surtout en charge les régies télé, avait d'office à Luxembourg une notoriété assez importante. Aujourd'hui, sous la direction de Lou Scheider, IP Luxembourg occupe 46 personnes, et se distingue par un aspect qui se veut plurimédia. Le grand changement chez IP, annoncé il y a à peine quelques mois: on se veut de plus en plus web, et de moins en moins presse écrite. Bien entendu, tout ce qui concerne la régie de la télé et de la radio locale no 1 reste inchangé, car ce marché-là reste parmi les plus juteux. Idem pour l'affichage et le cinéma. Par contre, exit les Revue, Auto-Revue, Graffiti, et autres supports analogues, qui restent certes des supports représentés par la maison, mais uniquement sur le marché international, c'est-à-dire avant tout celui de la Grande Région et plus particulièrement de Belgique. Certains petits arrangements entre amis ont fait que c'est Espace-Régie qui reprend ces supports au niveau national, en contrepartie IP rajoute la représentation du Tageblatt, du Jeudi et de Woxx dans son portefeuille international. À cela on peut rajouter IDProd, société conseil en production audiovisuelle et multimédia digital, à la tête de laquelle nous retrouvons depuis peu le talentueux producteur et distributeur de longs métrages Paul Thiltges. Chez IP, il y a donc de quoi donc assurer les arriérés de la maison. Néanmoins, c'est particulièrement au  développement Internet que veut se consacrer IP, et c'est à ce niveau là que beWeb risquera de devenir un concurrent important. Néanmoins, IP s'est paré d'une excellente structure stratégique par l'intermédiaire de IPWebNet, département entièrement intégré dans la société au niveau international. Ainsi, le client pourra calculer le taux de régie variable suivant support, cible, région géographique, et cela partout en Europe.

Régie Saint-Paul - presse papier

Bien sûr, il y a le Wort online, et idem pour Télécran. Il y a aussi la radio DNR. Mais, créée en février de cette année, la Régie Saint-Paul, qui émane en ligne droite du département "régie" de l'agence Orbite Communication, a décidé de se vouer corps et âme de tous les supports presse écrite qu'elle représente. En tête, bien entendu, le Luxemburger Wort, leader incontestable de la presse quotidienne nationale. Ce n'est qu'un quotidien, n'empêche qu'il a de quoi employer, rien qu'en régie, dix-neuf personnes à plein temps et quatre free-lance. Ici, il n'y a vraiment pas de quoi se faire du souci quant à l'avenir de la maison, et il est à parier qu'au niveau de l'avenir électronique, même si tout reste encore assez calme et flou, on est paré à préparer la défensive, si l'offensive n'est pas déjà entamée.

Editus - des bottins qui mènent loin.

Il suffit d'être responsable du bottin téléphonique et des pages blanches, et voilà tout un pays qui devient cible générale en matière d'annonce. Est-ce pour cela que la société appartenant aux P&T, à France Télécom et à Telecom Italia est la seule à annoncer fièrement son chiffre d'affaires (450.000.000 Lufen 99, plus de 500.000.000 Luf prévus en 2000) ? Nul ne le sait, toujours est-il intéressant de savoir que le développement Internet ne fait encore que 10% du chiffre d'affaires de l'institut qui entre autres développe le portail Luxweb, lequel compte parmi les plus importants et les plus complets au niveau du répertoire des sites régionaux.

Espace Régie - un nouvel avenir pour Editpress

En pleine expansion, cette jeune société créée au mois d'octobre de cette année, est en fait le développement logique de ce qu'était le service régie du Tageblatt (et donc d'Editpress) avant cela. Le département presse s'est vraiment multiplié depuis que Revue, Graffiti et Auto-Revue et Woxx sont venus rejoindre leurs confrères à couleur socialiste. Au niveau du web, on essaie aussi de développer un maximum, puisque toute une panoplie de sites autres que ceux offerts par les supports presse se rajoute à l'offre. Particularité: avec Xavier Linder, c'est la première maison qui mise sur un directeur issu d'un autre secteur que celui de la pub (Xavier Linder sort de chez PricewaterhouseCoopers, société d'audit).

Carré Blanc - ce n'est qu'une impression

Née sous l'égide de l'Imprimerie Centrale, Carré Blanc est aussi une agence en communication, qui occupe huit personnes. À part le Lëtzebuerger Journal, on y défend les intérêts publicitaires de d'Lëtzebuerger Land, d'handiwierk, et autres publications périodiques. Ce qui est étonnant dans cette maison, c'est que le développement Internet ne semble pas avoir pris de répercussion énorme sur le développement interne, alors qu'à la base, le 1er directeur Jean-Paul Margue était issu des services d'Europe Online.

And the winner is???

En conclusion, on peut donc constater que ça a beaucoup bougé sur le marché, sans que l'existence de qui que ce soit ne fut mise en péril. Le web va-t-il donc finalement révéler de sensibles dangers? On ne le sait pas trop aujourd'hui. Tout reste un peu flou en ce moment, compte tenu du manque d'informations objectives sur les retombées précises que peut avoir l'impact "www" sur le tiroir-caisse des annonceurs. Que représente le nombre de clics sur un site de façon chiffrée? Que rapportent les banners et donc, que valent-ils? Les deals se font au pif, les commissions ne sont pas définies. Tout ce que l'on sait, c'est qu'elles sont assez élevées, comparées à celles des agences de communication (qui se situent toujours à 15%), car l'investissement de la régie est assez important pour un marché très hésitant. Tout cela devrait un peu mieux se structurer lorsque le projet du Centre Tudor pour mesurer l'audience exacte donnera des chiffres fiables. En attendant, il faut féliciter tous ces acteurs du terrain qui continuent à avancer tels des funambules dans un brouillard assez épais.