Marc Hoffmann: «Nous avons enregistré une collecte nette record de 1,4 milliard d’euros au Luxembourg en 2014.» (Photo: Mike Zenari)

Marc Hoffmann: «Nous avons enregistré une collecte nette record de 1,4 milliard d’euros au Luxembourg en 2014.» (Photo: Mike Zenari)

Sans faire de bruit, CBP Quilvest continue son petit bonhomme de chemin. Huit ans après la création de Compagnie de Banque Privée et quatre ans après sa fusion avec le conglomérat financier d’origine argentine Quilvest, la banque ajoute un drapeau supplémentaire sur la carte de son réseau, en l’occurrence le belge. CBP Quilvest Belgium vient de voir le jour, établie à Gand, en Flandre-Orientale.

L’établissement opère en tant que succursale de sa «maison mère» luxembourgeoise CBP Quilvest et fonctionne, pour l’heure, avec une équipe de six personnes dirigée par Xavier Rubbens, recruté auprès de Société Générale Private Banking Belgium, où il a passé près de 14 ans et où il occupait la fonction de senior private banker.

Cette nouvelle implantation s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie de déploiement du groupe faîtier Quilvest Wealth Management sur différents marchés européens. Le groupe, représenté au Luxembourg par CBP Quilvest, dispose également d’un point de chute en Suisse (Quilvest Switzerland à Zurich et à Genève) et en France (Quilvest Banque Privée à Paris).
«Le moment est opportun d’ouvrir cette succursale en Belgique, car le marché de la banque privée y est en phase de consolidation. Il y a donc de la place pour un acteur comme nous», explique Marc Hoffmann, administrateur délégué de CBP Quilvest et administrateur délégué de Quilvest Wealth Management.

Le choix de Gand s’est imposé de lui-même, par souci de proximité: la cible de clientèle visée par CBP Quilvest est davantage concentrée dans la partie flamande du Royaume. «Ce qui n’empêche pas d’envisager, plus tard, d’autres ouvertures ailleurs», précise M. Hoffmann.

Le projet a mis près d’un an pour mûrir: entamé au printemps 2014, il a surtout fait l’objet d’ajustements des systèmes informatiques, puisqu’en tant que succursale, CBP Quilvest Belgium va utiliser les mêmes plateformes que CBP Quilvest au Luxembourg.

Contrairement à d’autres banques de la Place qui se sont établies (ou redéployées) en Belgique afin de suivre une clientèle locale ayant choisi de retirer ses avoirs du Grand-Duché pour les rapatrier «chez elle», CBP Quilvest n’a pas pris pied en Belgique pour partir à la reconquête de clients: «Nous sommes ici clairement à la recherche d’une nouvelle clientèle», confirme Marc Hoffmann, qui reconnaît que les objectifs fixés pour cette succursale sont «ambitieux» (sans toutefois les chiffrer officiellement), mais qui se réjouit «d’un début d’activité extrêmement encourageant».

Ces premiers signes positifs ne sont que le reflet d’une tendance toujours à la hausse enregistrée par le groupe en général et au Luxembourg en particulier.

À la base de cette bonne santé, la conjonction de plusieurs facteurs, à commencer par la vision stratégique qui guida Marc Hoffmann dans son choix, au moment de quitter la présidence du comité de direction de Dexia Bil, en juillet 2006, pour se consacrer à ce projet. «Nous avions la conviction, déjà à l’époque, que certains modèles ne résisteraient pas à l’évolution du métier», se souvient-il. «Nous constatons aujourd’hui, en outre, que beaucoup de valeurs sur lesquelles nous avions bâti CBP il y a huit ans sont plus vraies que jamais. Ce qui fait la différence, aujourd’hui, c’est notre flexibilité, notre rapidité et le service auprès de la clientèle. Ce sont des atouts dont on mesure l’importance plus que jamais aujourd’hui. Nous connaissons souvent la situation de clients qui nous rejoignent car les chemins de décision qu’ils ont pu observer auprès de certains de nos concurrents sont plus longs, plus tortueux et plus complexes. Nous avons su garder une banque à échelle humaine, sans donner l’impression au client qu’il se trouve face à une bureaucratie où rien ne bouge et où tout est décidé ailleurs…»

Arrivée sur le marché relativement tard et dans un contexte très original – aucune autre banque privée majeure ne s’est créée from scratch depuis très longtemps au Grand-Duché –, CBP n’a pas eu à gérer une clientèle de type «dentiste belge» qui a pu faire, un temps, le bonheur des établissements bien plus anciens de la Place, mais qui leur a causé bien des tourments à l’heure des restructurations de clientèle. «Nous nous sommes d’emblée positionnés sur le créneau ‘haut de gamme’, dont nous avions tout de suite pensé qu’il serait davantage porteur. Et nous savions que la fusion avec Quilvest nous permettrait de viser le ‘très haut de gamme’. Depuis 2011, d’ailleurs, c’est dans ce créneau que la croissance la plus forte a été enregistrée.»

À l’heure où la place financière luxembourgeoise et, plus spécifiquement, son secteur bancaire traversent une période charnière nécessitant un renouvellement, voire une réinvention, Marc Hoffmann et CBP Quilvest abordent sereinement la suite des événements, avec des perspectives qualifiées de «bonnes» pour l’ensemble du groupe et de ses présences hors du Grand-Duché, même si le niveau de progression ne sera peut-être pas aussi élevé. «Rétrospectivement, en 2012 et 2013, nous avions de légitimes interrogations sur nos capacités de croissance. Nous avons longtemps réfléchi sur les leviers de croissance que nous serions en mesure d’activer dans l’hypothèse où le Luxembourg connaîtrait une panne de croissance, explique Marc Hoffmann. «Aujourd’hui, la question ne se pose plus. Nous sommes dans une dynamique très forte et l’ouverture de notre succursale en Belgique va également y contribuer activement.»

Pour autant, la puissante vague réglementaire et législative – en particulier Bâle III et Mifid II – à laquelle ont été soumis les acteurs bancaires n’a pas terminé de déferler. «Et certaines de ces réglementations nouvelles ne se parlent pas entre elles et sont, du coup, parfois contradictoires. Cela nous absorbe beaucoup de ressources et a un impact financier conséquent», indique M. Hoffmann, sans donner davantage de détails chiffrés. À cela s’ajoute, évidemment, un environnement général actuel défavorable sur le front des taux d’intérêt, lesquels n’ont jamais été aussi bas, ce qui coûte à toutes les banques – CBP ne fait pas exception – en termes de marge d’intérêt dès qu’il s’agit de redéployer des liquidités. «Notre croissance a été telle que nous avons réussi à compenser ce ralentissement des revenus d’intérêt. Mais nous restons évidemment attentifs à cette évolution et nous agirons en conséquence s’il le faut.»

Les perspectives d’évolution sont également géographiques. Car l’ouverture de CBP Quilvest Belgium ne représente qu’une étape. Et ce ne sont pas les idées qui manquent.

Le Portugal, par exemple, figure en bonne place sur le radar, surtout après la déroute du groupe Espírito Santo et, d’une manière générale, les secousses qui ont fortement déstabilisé l’environnement bancaire domestique, offrant des opportunités et des ouvertures pour un nouvel entrant sur place.

«L’Europe reste un très grand marché», constate Marc Hoffmann. «Mais il y a des opportunités un peu partout. Au Moyen-Orient, par exemple, que nous développons à partir de la Suisse; en Amérique latine aussi, où nous avons une présence (en Uruguay, ndlr), mais où il y a certainement une place à prendre pour nous, d’autant plus que Quilvest est un groupe d’origine argentine.»

Quant à l’Asie, CBP Quilvest y est présent à Singapour, via une société de trust et de gestion d’actifs. «Nous y gagnons de l’argent, mais il n’est pas prévu que nous changions d’infrastructures. Le profil de clientèle sur place est très différent de celui que l'on trouve en Europe et le terrain est extrêmement complexe, concurrentiel, voire coûteux si on veut y développer une activité de banque privée quand on est un ‘nouvel entrant’ comme nous, face aux grandes banques commerciales et banques d’affaires qui sont déjà implantées sur place.»

QWM en chiffres
27,7 milliards d’actifs

Le groupe Quilvest Wealth Management, qui emploie plus de 300 personnes, affiche plus de 27 milliards d’euros d’actifs dans son portefeuille fin 2014 (contre… 9 en 2010, au moment de la fusion entre CBP et Quilvest): 13 milliards d’actifs sous gestion et 14,6 milliards d’actifs en conservation. «La progression la plus forte a été enregistrée au Luxembourg, avec un taux de croissance annuel de nos actifs de 21%», indique Marc Hoffmann, particulièrement satisfait de la courbe de croissance au terme d’une année 2014 marquée par une transition accélérée sur le marché de la banque privée, en prévision du passage à l’échange automatique d’informations au 1er janvier 2015 et de la disparition définitive – quoique déjà bien entamée depuis quelques années – du secret bancaire. «Nous avons enregistré une collecte nette record de 1,4 milliard d’euros. Cela nous a évidemment fortement réconfortés, avec une collecte brute bien plus élevée.»

CBP Quilvest atteint, aujourd’hui, des actifs sous gestion de 5 milliards d’euros. «Nous avons passé le cap incertain que représentait cette transition et nous affichons une très belle performance», se réjouit M. Hoffmann. «Ce qui est intéressant, c’est l’évolution du positionnement de notre clientèle: la partie de nos clients ayant plus de 5 millions d’euros de patrimoine est d’environ 70% en termes de volume. C’est un repositionnement extrêmement fort pour nous, alors que cette proportion était bien plus faible au début. Aujourd’hui, nous sommes arrivés là où nous avions la volonté d’aller.» Établie à Strassen à sa création en 2007, CBP Quilvest a atteint l’an dernier la limite de ses capacités en matière d’espaces, ce qui l’a poussée, au printemps 2014, à migrer quelques centaines de mètres plus au sud, à Merl, où ses 110 employés occupent quelque 4.000 m2.