Carlo Thill, président du comité de direction et responsable Pays BGL BNP Paribas. (Photo: Gaël Lesure)

Carlo Thill, président du comité de direction et responsable Pays BGL BNP Paribas. (Photo: Gaël Lesure)

À la tête de la plus grande banque du pays en termes d’effectifs (quelque 3.800 collaborateurs), Carlo Thill est indéniablement l’un des visages du secteur bancaire. S’il distille ses conseils avec un flegme et une bienveillance caractéristiques, il a tout de même à son actif des négociations et des manœuvres en terrain dangereux lors des changements d’actionnariat de celle qui était la Banque générale du Luxembourg, lors des passages sous le giron de feu Fortis avant l’actuel actionnaire français BNP.

Carlo Thill a donc gagné le respect de ses pairs et du jury du Paperjam Top 100, même s’il admet volontiers que le rôle de «grand patron» d’une banque actuellement n’a plus rien à voir avec ce que fut la fonction. «Nous évoluons dans un environnement très réglementé où il faut quasiment être spécialiste dans plein de domaines», reconnaît-il. «Plus largement, je pense qu’on ne peut être patron d’une entreprise que si on a connu plusieurs expériences au sein de celle-ci. Être patron d’entreprise implique beaucoup d’heures de travail, d’exercices de conviction avec les collaborateurs directs. Il faut aussi pouvoir générer des idées et les confronter aux idées des autres.»

Directif, mais collaboratif et prônant la délégation, Carlo Thill compte avant tout sur des personnes aux profils variés et complémentaires pour l’aider à prendre les bonnes décisions. «Je ne crois pas aux entreprises où le chef est entouré de personnes qui lui ressemblent.» À la tête de l’entité luxembourgeoise de BNP, Carlo Thill occupe en quelque sorte le rôle de porte-drapeau du Luxembourg et de sa Place au siège de Paris et auprès des différentes entités du groupe français. «La participation à différents comités au sein du groupe permet de partager des idées et de faire connaître ce qui se fait à Luxembourg. C’est la meilleure façon de vraiment montrer ce qu’on sait faire. C’est un effort à faire non seulement en tant qu’individu, mais aussi pour l’entreprise que vous menez. Nous poussons les cadres de notre équipe à avoir accès au réseautage au sein du groupe pour s’inspirer des idées explorées dans d’autres marchés.»

Il faut pouvoir aborder les sujets importants au bon moment, avec la bonne personne.

Carlo Thill, président du comité de direction et responsable Pays BGL BNP Paribas

Une approche du réseautage et de l’influence qui passe donc en premier lieu par l’importance d’entretenir des relations fortes avec les collègues. Mais pas seulement. Carlo Thill reconnaît l’utilité du réseautage dans différents cercles pour cultiver une influence en dehors de l’entreprise, mais insiste pour ne pas limiter ces rencontres à du «socialising un verre à la main». «Se construire un réseau, c’est également professionnaliser son réseau économique, politique, syndical... c’est écouter les gens et se faire connaître, mais de manière raisonnable, et utiliser les as de son jeu lorsque la circonstance le justifie», observe Carlo Thill. Des moments privilégiés auxquels il tient aussi sur le plan personnel pour s’offrir des bulles de tranquillité et s’évader du rythme professionnel effréné. «Il est primordial de ne pas rester dans son carcan. Il faut accepter de nouvelles idées, ne pas avoir peur de la concurrence, car elle fait tout simplement marcher le commerce.»

Carlo Thill prodigue volontiers des conseils à la jeune génération de leaders qui devra, encore plus que les précédentes, s’ouvrir au monde pour réussir et tirer profit des révolutions technologiques en cours. Le CEO de BGL BNP Paribas s’est appliqué cette ouverture d’esprit à lui-même. «Si je ne parlais pas à des jeunes qui sont des geeks, comment pourrais-je savoir dans quelle direction le monde évolue? S’ouvrir aux nouvelles tendances ne veut pas dire ne pas se protéger, mais prendre le meilleur des nouvelles idées, faire des alliances avec les nouveaux entrants, utiliser les nouvelles technologies pour répondre aux besoins des clients.» Un monde fait de risques et d’opportunités, comme l’indique la formule. «Nous avons la chance de vivre dans un pays en forte croissance, au-dessus de la moyenne européenne. Nous devons, dans ce contexte, miser sur le digital et nous rationaliser.»

Quant à la croissance du pays – que d’aucuns estiment qu’il dépassera à terme le million d’habitants – , Carlo Thill relativise en indiquant que le pays a déjà connu une forte croissance depuis 20 ans, en ajoutant qu’il est important d’avoir une croissance raisonnable. «Le modèle ne peut marcher que si la croissance est responsable. Cela doit se faire dans le respect des normes environnementales. On voit d’ailleurs que les pays en avance en matière d’économies d’énergies sont ceux qui vont bien se développer.» Et Carlo Thill de pointer deux défis étroitement liés que sont l’exploitation du foncier et les prix de l’immobilier au Luxembourg. «Pourquoi ne pas construire en hauteur de façon progressive?», suggère-t-il. «Cette solution, qui est la plus facile pour répondre aux défis, permettrait d’avoir des quartiers plus compacts et plus animés.» Une vision résolument tournée vers un avenir que Carlo Thill entrevoit positif pour le Luxembourg, au moins pour 2017.

L’avis du président du jury:

«C’est un des monstres sacrés de la place financière. Il a l’énorme mérite d’avoir pu maintenir le cap luxembourgeois à l’occasion de tous les avatars que la banque a pu subir.»

CV express

  • Né le 23 avril 1953 à Luxembourg
  • Maîtrise en sciences économiques (Université de Nancy)
  • A suivi une formation post-universitaire à la Wharton School, l'Insead et la Stanford University
  • Il entre à la Banque générale du Luxembourg en 1978
  • 1998: Arrive au comité de direction de la banque
  • 2005: Carlo Thill devient président du comité de direction de BGL BNP Paribas et responsable pays pour BNP Paribas et ses filiales
  • Depuis 2010: Vice-président de l’ABBL

guide.paperjam.lu/carlo-thill