Jean-Yves Leborge, ING Luxembourg. (Photo: ING Luxembourg)

Jean-Yves Leborge, ING Luxembourg. (Photo: ING Luxembourg)

Une partie de cricket. C’est en ces termes que Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a récemment décrit le processus de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Par cette comparaison, M. Carney voulait surtout souligner le fait que ce processus sera long. En effet, l’affrontement entre deux équipes de cricket peut s’étendre sur cinq matches et donc durer cinq jours. Pour la petite histoire, il n’a pas voulu utiliser une métaphore plus classique, du style «c’est un marathon, et non un sprint», car de son propre aveu, «on est en fait plus exténué après un marathon qu’après un sprint, donc ce serait une mauvaise métaphore».

Dans les faits, on peut déduire des dernières déclarations des uns et des autres (T. May, N. Farage) que le Royaume-Uni invoquera l’article 50 du traité de Lisbonne au début de l’année 2017. S’ouvrira alors une période de deux années de négociations qui déboucheront, selon toute vraisemblance, sur une séparation. Rappelons par ailleurs que durant toute cette période, les accords en vigueur seront maintenus. Rien ne changera donc dans les pratiques commerciales.

En prenant la métaphore du cricket, M. Carney voulait-il dire autre chose? Le cricket est un sport dont les règles, les codes et les habitudes échappent à la plupart des spectateurs non avertis. Cette métaphore est donc peut-être aussi une mise en garde de M. Carney pour ceux qui ne verraient, dans le Brexit, qu’un événement politique mineur.

De fait, après la chute des indicateurs de confiance en juillet, force est de constater que l’économie britannique se porte bien. Les indicateurs de confiance se sont un peu redressés en août et les indicateurs d’activité restent solides. Dès lors, les marchés financiers ont assez rapidement effacé leurs pertes de fin juin. Seule la livre sterling garde les traces du vote en faveur du Brexit, ce qui n’est pas mauvais pour l’économie britannique vu le gain de compétitivité que cela génère.

Ces évolutions plutôt favorables ont incité la Banque d’Angleterre à adopter une position plus attentiste, après les mesures fortes décidées en août. Et lors de sa réunion de politique monétaire du 15 septembre dernier, les membres du comité ont décidé à l’unanimité de maintenir inchangé le taux directeur. Aucune nouvelle mesure en matière d’assouplissement quantitatif et/ou d’autres mesures non conventionnelles n’ont par ailleurs été décidées.

Pourrait-on aller jusqu’à penser que le Brexit est un non-événement et que finalement, les conséquences en seront minimes? Nous ne le pensons pas. Compte tenu de la continuité des accords en vigueur, il est normal que l’activité se poursuive «as usual». Comme la situation politique s’est rapidement stabilisée au Royaume-Uni avec la nomination de Mme May et que la Banque d’Angleterre est rapidement intervenue, l’impact sur la confiance a par ailleurs été plus limité que prévu.

Il n’en demeure pas moins que lorsque les négociations vont débuter, l’incertitude risque de reprendre le dessus. Lorsque les discussions aborderont les droits de douane et l’accès aux marchés respectifs, des entreprises verront concrètement ce qu’il risque de se passer pour leur activité. C’est à ce moment que l’on pourrait avoir un deuxième choc, plus important et plus persistant sur la confiance. Il ne faut pas oublier non plus le risque de contagion à l’échelle européenne. De l’aveu de tous, le projet européen connaît une panne majeure (le dernier sommet européen de Bratislava en est une triste illustration). Malheureusement, les multiples élections nationales (Pays-Bas, France, Allemagne) dans les 12 prochains mois risquent de retarder toute relance du projet européen, alors que les europhobes et les partis populistes ne manqueront pas d’utiliser l’exemple britannique pour soutenir leur cause.

En conclusion, si l’impact économique initial du vote en faveur du Brexit a été plus limité que prévu, le processus lent de séparation risque encore de faire pas mal de dégâts en matière de confiance et d’investissements. C’est pourquoi, malgré des statistiques toujours solides à ce stade, nous restons très prudents quant au scénario économique du Royaume-Uni. Nous pensons par ailleurs qu’une nouvelle intervention de la Banque centrale n’est pas exclue avant la fin de l’année.