Le sport est plus que jamais une valeur liquide. (Photo: Maison Moderne Studio)

Le sport est plus que jamais une valeur liquide. (Photo: Maison Moderne Studio)

Cela n’aura échappé à personne: le paysage urbain luxembourgeois revêt ses habits de fête sportive. À l’approche de la coupe du monde de football, qui se déroulera au Brésil du 12 juin au 13 juillet, les acteurs économiques y liés, directement ou indirectement, se mettent en ordre de bataille avec, en première ligne, les brasseurs. Y compris au Grand-Duché, où Diekirch revendique être «la bière officielle de la coupe du monde Fifa 2014».

Si l’affirmation peut surprendre, elle tient en fait au partenariat conclu entre la fédération internationale de football (Fifa) et la marque de bière Budweiser… propriété du leader du marché, Anheuser-Busch InBev, tout comme Diekirch via la brasserie de Luxembourg (qui détient également Mousel).

Les partenariats sportifs occupent une place prépondérante dans la stratégie marketing du groupe belgo-brésilien (il est basé à Louvain) aux 200 marques de bières et à la capitalisation boursière de 125 milliards de dollars. «Les consommateurs se passionnent pour leurs équipes de sport préférées ainsi que pour leur bière préférée. C’est pour cette raison que nos marques se lancent dans le sponsoring de nombreux événements sportifs organisés dans le monde entier. Comprendre les passions et motivations des consommateurs crée un lien avec nos marques», lit-on dans le rapport annuel.

Marketing = 14% du prix de la bouteille

On y apprend également que le groupe belgo-brésilien dépense quasiment 6 milliards d’euros par an dans le marketing et les frais commerciaux. C’est 14% du prix de sa production… autrement dit 14% du prix d’une bouteille sont dépensés dans ce poste.

AB InBev détient un partenariat exclusif avec la Fifa pour la bière. «Et le groupe a comme parti pris de faire de la coupe du monde de football la plateforme de connexion de toutes ses marques», indique Benoît Bronckart, le nouveau responsable pays d’AB InBev… et de facto de la Brasserie de Luxembourg, dont 95,82% des parts sont détenus par le géant de la bière.

Lorsque l’Argentine jouera, apparaîtra la marque Quilmes (dont nombre d’intérêts financiers passent d’ailleurs par le Grand-Duché en nom propre ou via CBP Quilvest) sur les bords du terrain, Jupiler pour la Belgique ou Budweiser par défaut et pour ne prendre que ces exemples. Si le Luxembourg s’était qualifié pour la phase finale de la coupe du monde, des panneaux publicitaires Diekirch auraient été installés lors des matchs des Roude Léiwen. Parier sur leur qualification n’était cependant certainement pas la moins risquée des décisions.

En 2011, AB InBev a reconduit pour trois coupes du monde supplémentaires (au Brésil, en Russie en 2018 et au Qatar en 2022) un contrat courant depuis 1986. Le chiffre de l’accord passé avec la Fifa n’est pas public, mais des agences évoquent un montant entre 10 et 25 millions de dollars par an pour les droits liés à la seule coupe du monde… soit une centaine de millions de dollars (si l’on prend le haut de la fourchette) pour toucher le public d’un événement, organisé tous les quatre ans, dont la finale rassemble quelque 700 millions de téléspectateurs. Il rapporte d’ailleurs 1,1 milliard de dollars à la Fifa.

À Luxembourg, bien sûr, les chiffres impressionnent moins… ou plutôt impressionneraient moins puisque le budget marketing de la branche brassicole locale n’est pas communiqué. «C’est un investissement conséquent», dit-on pudiquement. Mais les campagnes se multiplient.

Le Luxembourg, un terrain approprié

De la loterie pour le maillot officiel «Diekirch-coupe du monde» aux affichages sur les bus de la ville, en passant par les goodies y dédiés répartis dans quelque 300 cafés arborant les symboles de cette grand-messe mondiale du foot, tout est fait pour «faire vivre l’événement au consommateur», selon les termes de la direction luxembourgeoise. Les éléments de langages sont d’ailleurs répétés à l’envi autour du terme «amitié», slogan de la marque: «Réunir tous les fans et amateurs du ballon rond», «Célébrer ensemble l’esprit de compétition» ou encore «Rassembler les communautés».

Et il est vrai que le terrain cosmopolite du Luxembourg se prête particulièrement à l’événement.

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D’ailleurs, certains concurrents de Diekirch s’affairent pour capter une partie du marché en rayons et dans les débits de boissons. Il leur est juste interdit d’apposer leur logo à côté celui de la Fifa. Ainsi, si Bofferding (Brasserie nationale) a noué des contacts fermes avec le monde de l’ovalie – le marché du foot étant bien occupé – la marque ne reniera pas non plus la possibilité de surfer sur l’événement phare du ballon rond.

Mais une telle campagne coûte cher et des plus petits acteurs préfèrent rester en dehors de la bataille. C’est le cas de la brasserie Simon. «Ce serait un gaspillage de moyens et d’énergie pour nous. Sans grand retour sur investissement. Puis associer la bière au sport est un peu risqué… nous préférons simplement faire partie de la 3e mi-temps», témoigne Betty Fontaine, à la tête de la marque.