L'ancien Premier ministre français est soupçonné d'avoir financé sa campagne à l'élection présidentielle de 1995 au moyen des rétrocommissions sur des contrats de frégates et de sous-marins ayant transité par le Luxembourg. (Photo: Public Sénat)

L'ancien Premier ministre français est soupçonné d'avoir financé sa campagne à l'élection présidentielle de 1995 au moyen des rétrocommissions sur des contrats de frégates et de sous-marins ayant transité par le Luxembourg. (Photo: Public Sénat)

Le Canard enchaîné a révélé mardi la mise en examen d'Édouard Balladur, aujourd’hui âgé de 88 ans, par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République. Chefs d’accusation: complicité d'abus de biens sociaux et recel. Les magistrats ont acquis la conviction qu’Édouard Balladur a financé sa campagne grâce à des rétrocommissions illégales sur des contrats de sous-marins vendus au Pakistan et de frégates destinées à l’Arabie saoudite.

La justice française s’était lancée sur la piste des rétrocommissions après avoir mis la main sur un écrit évoquant Heine, société luxembourgeoise présentée comme la shadow company du groupe d’armement DCNS (ex-Direction des constructions navales) à 100% contrôlé par l’État français. Heine aurait servi dès son origine en 1994 à verser des commissions lors de gros contrats d’armements afin d’échapper aux dispositifs de lutte contre la corruption prévus par la législation française. Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre des Finances du gouvernement Balladur et soutien du candidat à la présidentielle, aurait joué un rôle dans la constitution de cette société.

Heine sous les projecteurs

La commission rogatoire internationale lancée par les juges d’instruction français a débouché sur des perquisitions au siège luxembourgeois de Heine. Le rapport de la police judiciaire grand-ducale daté du 19 janvier 2010 sur Heine et Eurolux, une autre société déjà placée en liquidation à l’époque, indique que «les accords sur la création des sociétés semblaient venir directement de M. le Premier ministre Balladur et de M. le ministre des Finances Nicolas Sarkozy. En 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission pour payer des campagnes politiques en France.» Ils estimaient à 76 millions d’euros les sommes ayant transité par le Luxembourg à travers Heine. «Il ne s’agissait de rien d’autre que de corruption par l’intermédiaire d’une société luxembourgeoise faisant écran, de la part d’une entreprise française (DCNI) vers les pays où elle convoitait des marchés», notent encore les enquêteurs.

Le volet financier de l’affaire Karachi a mené en juin 2014 au renvoi de six protagonistes présumés en correctionnelle: Renaud Donnedieu de Vabres, conseiller spécial au cabinet de François Léotard, ministre de la Défense d'Édouard Balladur entre 1993 et 1995, deux proches d'Édouard Balladur, Nicolas Bazire, qui fut son directeur de cabinet, et Thierry Gaubert, Dominique Castellan, ancien PDG de la Direction des constructions navales, l’homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine et un autre intermédiaire en armement.