Yves Kuhn, chief investment officer à la Bil.  (photo: paperJam.TV)

Yves Kuhn, chief investment officer à la Bil.  (photo: paperJam.TV)

Depuis l’éclatement de la bulle du crédit en 2008, les banques européennes ont fait la une de l’actualité essentiellement pour de mauvaises raisons. Cinq ans après, les revers d’une fragmentation financière demeurent. 

Le coût de financement des pays périphériques reste élevé, la dépendance aux -financement par les banques centrales ne s’est pas amoindrie et la croissance anémique du crédit bancaire persiste.

La longue route vers l’Union bancaire

Le plan directeur de la BCE implique le nettoyage de bilans de 129 établissements de crédit répartis dans 19 États membres, ainsi que la recapitalisation pour le passage à l’Union bancaire européenne sur les quelque 12 prochains mois. Si elle est réussie, cette union pourrait jouer le rôle d’un catalyseur clé dans la réparation du mécanisme du crédit, stimuler la croissance du PIB dans la zone euro et assouplir de manière notable la fragmentation de l’octroi de crédit en Europe.

Première étape: l’AQR

L’examen de la qualité des actifs des banques («AQR» - Asset Quality Review) est une initiative de la BCE visant à l’harmonisation des normes relatives aux prêts bancaires. Bien que toutes les banques européennes déclarent leurs résultats financiers en fonction des normes IFRS (normes comptables internationales d’information financière), la réalité est que les indicateurs de qualité des actifs sont bien souvent déterminés selon des considérations réglementaires locales.

L’initiative de l’AQR vise à l’établissement d’un système de déclaration cohérent dans l’ensemble des banques de la zone euro et à la promotion de la stabilité financière.

L’AQR dans la pratique

La BCE collabore actuellement avec les régulateurs nationaux dans le but de mettre en œuvre une « évaluation complète conforme aux dispositions de la Réglementation relative au Mécanisme de supervision unique (MSU) ». Cette réglementation entrera en vigueur au début du mois de novembre 2013, l’évaluation complète du système bancaire devant se terminer en octobre 2014.

Cette «évaluation complète» reposera sur trois piliers:
• Une supervision prudentielle des risques qui étudie les risques clés des banques, tels que les risques de liquidité, de levier et de financement.
• Un examen de la qualité des actifs, une évaluation à large portée axée sur le risque de toutes les catégories d’actifs au 31 décembre 2013, y compris les positions hors bilan, ainsi que les actifs illiquides et difficiles à évaluer de niveau 3. La BCE emploiera comme valeur de référence un ratio total de fonds propres constitués des actions ordinaires (Common Equity Tier 1) de 8%.
• Un test de résistance défini par la BCE consistant à apporter « une vision, sur la durée, de la capacité des banques à absorber les chocs en situation de crise ». Des détails complémentaires sur le test de résistance, les méthodes, les scénarios qui seront employés et les seuils de fonds propres correspondants doivent encore être publiés.

Résultats attendus: Pas d’électrochoc mais une prise de conscience

En supposant une divulgation adéquate par les régulateurs locaux, les résultats de l’AQR ne devraient pas révéler de difficultés majeures en termes de qualité des actifs des principales banques. Bien que l’ABE (Autorité Bancaire Européenne) doive encore dévoiler le traitement des opérations de refinancement à long terme (LTRO) dans le cadre des tests de résistance, davantage de capitaux seront nécessaires et cela, comme attendu, devrait affecter les établissements déjà sous les feux des projecteurs à cause de leurs plans de recapitalisation, essentiellement les banques italiennes et espagnoles de petite envergure et peu systémiques.

Ces banques sont aussi susceptibles de faire face à des demandes de provisions plus élevées en raison de cette évaluation complète, mais l’essentiel devrait être supporté en interne par ces dernières.

Il existe des parallèles significatifs entre le Japon des années 1990 après l’effondrement de la bulle immobilière et la zone euro de nos jours. L’impossibilité de s’attaquer au cœur du problème en temps opportun peut avoir de sérieuses répercussions en termes de croissance sur le long terme. L’AQR est un point de départ crucial sur la longue route du rétablissement.