Arrivé aux Laboratoires Ketterthill en 2008, le Dr Stéphane Gidenne en a pris la direction en janvier 2014 et a piloté le projet de déménagement.  (Photo: Mike Zenari)

Arrivé aux Laboratoires Ketterthill en 2008, le Dr Stéphane Gidenne en a pris la direction en janvier 2014 et a piloté le projet de déménagement.  (Photo: Mike Zenari)

Docteur Gidenne, Ketterthill prend pleine possession de ses nouveaux locaux à Belval. Comment est né le souhait de déménager?

«L’objectif initial était de trouver des locaux plus adaptés à notre activité. Depuis 2003, nous sommes installés au 37, rue Romain Fandel à Esch-sur-Alzette.

Si cette adresse était adaptée à l’époque, elle ne l’est plus aujourd’hui. Alors que nous ne cessons de nous développer, les espaces sont de plus en plus étroits, et ce malgré les différentes extensions que nous avons déjà réalisées. D’un point de vue technique, le laboratoire est devenu trop petit. Par ailleurs, il est très difficile de stationner ici. Ce changement répond donc initialement à des besoins en interne.

Comment se sont déroulées vos recherches?

«Nous avons longtemps prospecté pour trouver des locaux. Ce déménagement est prévu depuis deux ans et demi. Finalement, c’est à Belval que nous avons trouvé notre bonheur. Nous avons opté pour la location d’une nouvelle construction. Nous sommes donc locataires des murs. Cependant, nous avons travaillé à l’aménagement du bâtiment et orchestré le parachèvement des travaux. Il était essentiel d’avoir des locaux adaptés à notre organisation interne d’un point de vue matériel et fonctionnel.

Comment est composé le bâtiment?

«Il est conçu en forme de U. Nous occupons la moitié sur 4.400 m2. Nos bureaux et les laboratoires sont répartis sur six niveaux. Aux deux niveaux de sous-sol se trouvent le parking et le magasin central. Le rez-de-chaussée est divisé en deux zones avec, d’une part, la partie logistique de réception des échantillons et, d’autre part, le secrétariat. Au premier étage, nous retrouvons nos laboratoires dans deux domaines techniques: la microbiologie et la biologie moléculaire. Au deuxième étage se trouve notre plus grand espace: le plateau d’analyses sanguines, qui couvre quelque 1.000 m2. Enfin, au dernier étage, nous avons décidé d’installer les services RH, informatique, qualité, communication et comptabilité, ainsi que la direction.

«Nous avons mené un long travail en amont avec l’ensemble de nos équipes pour définir nos besoins et nos priorités»

Avez-vous prévu de déménager l’ensemble de vos équipements actuels ou d’investir dans de nouvelles machines?

«Quelques équipements seront déménagés, mais beaucoup d’entre eux sont renouvelés. Pour le domaine de la microbiologie, nous allons réimplanter les équipements actuels qui ont été changés récemment. En revanche, le plateau d’analyses sanguines est entièrement neuf. Nous avons investi dans une chaîne robotique nouvelle génération de 200 m de long, ce qui est considérable. Nous sommes le 4e laboratoire au monde à le mettre en œuvre. C’est une exclusivité luxembourgeoise.

Pour la gestion de nos tubes de sang, dont nous analysons pas moins de 4.000 spécimens par jour, il nous fallait une technologie de pointe. Cette chaîne agit dans le prétraitement, l’acheminement des tubes vers les machines d’analyse selon un système d’encodage réalisé à la source et le traitement des analyses, jusqu’à leur stockage dans les frigos. Cette gestion automatique va nous permettre de nous affranchir de nombreuses tâches manuelles, de gagner en temps et en efficacité. À terme, 19 analyseurs seront connectés à ce système.

La réception des tubes se fait au rez-de-chaussée et est acheminée à la verticale vers les différents étages techniques par un système de spirale. Le LLIP, Laboratoire luxembourgeois d’immunopathologie, déménagera aussi vers cette nouvelle adresse.

Occupez-vous déjà les lieux?

«La plupart des équipements ont été installés. Depuis la deuxième semaine de mars, une partie de nos techniciens et biologistes sont sur place pour effectuer une batterie de tests avant notre installation définitive. Nous ne pouvons pas nous permettre des erreurs.

Il faut que nos équipements soient parfaitement calibrés et fonctionnels. Nos analyses sont extrêmement fines.

À quelle date est prévue l’installation définitive?

«Le déménagement va se faire en plusieurs phases. Dès la mi-mai, nos équipes administratives prendront possession des lieux dans leur entièreté. La semaine suivante, nous déménagerons les départements de microbiologie et le LLIP. Nous allons faire appel à des entreprises spécialisées dans le déménagement d’équipements médicaux pour démonter, remonter et tester le matériel une fois installé. Cette phase demande deux-trois semaines de travail, donc une organisation adaptée du laboratoire et une présence humaine plus importante.

Début juin, ce sera au tour du secrétariat technique et du laboratoire d’analyses sanguines. Cela va dépendre de la mise en route des nouveaux équipements. Ce sera donc une transition en douceur au cours de laquelle nous ne cesserons à aucun moment l’activité.

D’un point de vue humain, cela concerne les 220 employés. Notre personnel est impliqué au quotidien dans le fonctionnement de notre laboratoire. Nous avons pris le temps nécessaire pour les accompagner dans les nouveaux locaux. Chacun a pu visiter les lieux au moins une fois. Une communication en interne a également permis de les habituer à leur futur environnement de travail.

Qui occupe l’autre aile?

«Le LCSB, Luxembourg Centre for Systems Biomedicine, un service de recherche attaché à l’Université.

On imagine que le choix de l’environnement ne s’est pas fait par hasard…

«Effectivement, nous sommes situés au sein d’un pôle en plein développement et orienté vers un domaine d’activité proche du nôtre: l’environnement, la recherche et l’Université. Le pôle des sciences et de la santé monte en puissance. Belval est la nouvelle ville frontalière. Le réseau routier va se développer prochainement, ce qui représentait un critère déterminant dans notre choix. Tout notre centre technique sera situé à Belval. Il fallait donc prévoir un système de rapatriement des prélèvements et analyses.

L’aspect logistique est très important puisque 130 préleveurs et infirmiers travaillent pour nous dans le reste du pays.

Ce personnel a besoin de nous rapporter quotidiennement des prélèvements. Il fallait donc une adresse facile d’accès et de stationnement. Par ailleurs, nous étions attachés à l’idée de rester dans le sud du pays, berceau de notre laboratoire.

Pourquoi avoir fait le choix d’une location plutôt que d’un achat?

«Pour des raisons que nous ne souhaitons pas expliquer.

Avez-vous conçu les futurs espaces avec l’aide de spécialistes?

«Avant de faire appel à des spécialistes dans différents domaines, nous avons mené un long travail en amont avec l’ensemble de nos équipes pour définir nos besoins et nos priorités.

Les biologistes et techniciens ont mené une grande réflexion sur nos choix techniques et technologiques en fonction des résultats attendus, de notre organisation et de la cadence de nos traitements.

Au dernier étage, nous avons créé des espaces communs, avec une cafétéria pour notre personnel, ainsi qu’une terrasse. Le pic de notre activité se situe entre 11 et 16h. Il fallait donc offrir une restauration sur place. Nous louons 4.400 m2 d’espace sur les six niveaux. C’est deux fois plus que ce que nous avons actuellement. D’une part, il fallait que l’on gagne en espace pour nos outils actuels et, d’autre part, cela va nous permettre de mettre en place de nouvelles technologies à terme.

Les différents spécialistes ont donc élaboré des espaces qui prennent en compte nos contraintes techniques et technologiques, ainsi que notre charte graphique. Nous souhaitions retrouver notre identité dans le choix du mobilier et de la décoration. Pour des questions pratiques, nos choix se sont portés sur des fournisseurs luxembourgeois.

«Nous étions attachés à l’idée de rester dans le sud du pays, berceau de notre laboratoire»

Quelles sont les principales difficultés de mise en œuvre de ce projet?

«La première a été de concevoir des espaces qui nous permettent d’optimiser les flux de transport des échantillons vers les machines et traiter de plus grandes quantités de prélèvements dans le temps. La suivante repose dans le choix des fournisseurs. Cela a été très fastidieux. Il nous a fallu comparer chaque produit et leurs valeurs respectives.

Ce projet s’inscrit dans cette volonté de développement technologique et médical, chère à Ketterthill...

«En effet, depuis plus de 60 ans, nous cherchons à progresser sans cesse dans le développement technologique au service de la qualité et la biologie médicale. Depuis juin 2009, nous sommes, du reste, accrédités par l’Olas selon la norme ISO 15189, pour la réalisation d’analyses de biologie médicale dans les domaines de l’auto-immunité, la biochimie, l’hormonologie, la sérologie, l’hématologie et la microbiologie. Nous devons conserver cette reconnaissance et ce savoir-faire, voire le faire évoluer davantage.

Quel est le montant de l’investissement final?

«Pour ce projet, 14 millions d’euros ont été investis, dont 3 millions pour les machines.

Votre nouvelle adresse sera-t-elle également un centre de prélèvement?

«En effet, Belval figurera parmi nos 40 centres de prélèvement présents au Luxembourg. Nous comptons également une cinquantaine de lieux où nous réalisons régulièrement des prélèvements sanguins. Nous sommes le plus grand laboratoire privé du pays.

Au-delà de notre activité analytique dans le domaine de la biologie médicale, nous privilégions le contact humain. À travers ce réseau national de centres de prélèvement, nous offrons un service de proximité aux citoyens et proposons aux médecins une série de services permettant de les accompagner dans leur mission de diagnostic et de traitement des patients.

Le Laboratoire luxembourgeois d’immunopathologie est une exclusivité au Luxembourg. De quoi s’agit-il?

«C’est un département spécialisé orienté vers la recherche et l’identification des auto-anticorps dans le cadre du diagnostic et la surveillance des maladies auto-immunes, rhumatismes inflammatoires, maladies systémiques et tout un tas de maladies auto-immunes spécifiques d’organes.

De nombreux hôpitaux situés en Europe font appel à nous pour analyser des échantillons particuliers pour expertise. Nous étudions environ quelque 120 échantillons par jour. Chaque année, nous parvenons à établir de nouvelles classifications de maladies, ce qui est à chaque fois une belle avancée pour la prise en charge et le traitement des patients. De fait, le LLIP est fortement impliqué dans l’enseignement sur l’auto-immunité et organise de nombreux colloques pour les biologistes et les cliniciens tant au Grand-Duché de Luxembourg qu’à l’étranger.»

Parcours
D’un continent à l’autre
Après l’obtention de son diplôme d’État de docteur en pharmacie à Lyon en 1994, le Dr Stéphane Gidenne débute sa carrière dans l’Armée française, attiré par les missions outre-mer du Service de santé des armées, et plus particulièrement dans les instituts Pasteur.

Jusqu’en 1998, il est responsable du département de biochimie et toxicologie au Centre hospitalier des armées Larrey à Toulouse. S’ensuivent six années à l’École d’application du service de santé des armées de l’Hôpital d’instruction de Paris (Val de Grâce, Percy et Bégin) en tant qu’adjoint au chef de service des différents laboratoires. En même temps, il suit une formation de biologiste à l’Université Paris V et fait un passage au laboratoire de recherche Unité Inserm U135 au CHU du Kremlin-Bicêtre. Durant cette période parisienne, il demande à partir pendant deux mois au Kosovo dans le cadre de la mission de maintien de la paix de l’Otan à Mitrovica. Il agit alors en tant que chef de la section de ravitaillement sanitaire et supervise le fonctionnement du laboratoire de l’hôpital. En 2004, il s’expatrie en Afrique pour devenir le responsable du laboratoire et de la pharmacie du Centre hospitalier des armées Bouffard de Djibouti et travailler dans le domaine des maladies infectieuses, plus particulièrement le paludisme et la tuberculose.

Retour en France en 2006, pour une mutation à l’Hôpital d’instruction des armées Legouest de Metz, en tant que responsable du département d’hématologie. C’est en 2008 qu’il entame un nouveau chapitre de sa carrière en intégrant les Laboratoires Ketterthill à Esch-sur-Alzette où il prend la responsabilité du département de microbiologie. Il est promu administrateur délégué en janvier 2014, suite au départ de Jean-Luc Dourson. Passionné par son métier et ses enjeux, Stéphane Gidenne, 46 ans, est également président de la Fédération luxembourgeoise des laboratoires d’analyses médicales et participe, depuis 2011, en tant qu’expert permanent, au Comité supérieur des maladies infectieuses au ministère de la Santé.