En 1954, le magasin Bonn Frères occupait déjà une place de choix dans la rue Philippe II. (Photo: Photothèque de la Ville de Luxembourg / Batty Fischer)

En 1954, le magasin Bonn Frères occupait déjà une place de choix dans la rue Philippe II. (Photo: Photothèque de la Ville de Luxembourg / Batty Fischer)

Cent soixante ans, ce n’est pas rien. Depuis six générations, le commerce familial qu’est Mobilier Bonn a su préserver l’identité et la santé de l’entreprise. Une occasion toute trouvée pour regarder avec attention l’histoire de ce commerce remarquable par sa longévité, mais aussi les améliorations qu’il a su apporter à la fois au commerce de la ville et aux foyers luxembourgeois.

C’est en 1855 que Moïse Bonn ouvre son établissement à Luxembourg. En quelques années, ce jeune Lorrain a su se faire une place de choix dans le monde de la vente au détail à Luxembourg. Laissant derrière lui l’artisanat, il opte pour la commercialisation de meubles finis, vendus à prix fixe. Un réel changement pour les foyers luxembourgeois jusque-là habitués à passer commande chez un artisan et à attendre que le meuble en question soit réalisé. Dans la ville encore fortifiée, Bonn fait figure de pionnier et apporte un bien-être et une nouvelle qualité de vie aux familles locales à la fin du 19e siècle.

Le marché étant stable et florissant, Bonn se développe, quitte les adresses successives de la rue du Marché-aux-Herbes puis de la rue du Curé pour s’installer, en 1861, dans l’immeuble de coin de la rue Philippe II, marqué plus tard par une architecture de style Art déco. Cet immeuble de coin sera marquant par son architecture. On y trouve un des premiers ascenseurs de la ville, les vitrines sont éclairées la nuit. À l’intérieur, on y présente des pièces entièrement meublées, la vente peut se faire sur catalogue et la maison fait de la publicité dans les journaux.

À partir de 1917, la société Bonn Frères encourage la promotion de nouveaux métiers tels que des tapissiers décorateurs, mais aussi l’emploi des femmes avec des sténotypistes ou des assistantes de vente qui sont déjà à l’époque multilingues pour répondre à une clientèle internationale. En 1928, Myrtil Bonn, un neveu de Moïse, fait entrer dans l’entreprise familiale son gendre, Paul Lazard, qui saura prendre une place déterminante dans l’histoire de ce commerce. Bonn Frères est aussi un des premiers commerces à proposer des services complémentaires tels que la commande sur catalogue. Sur le toit du magasin, un lettrage lumineux assure la promotion. Juste derrière, sur la toiture plate, est même installée une construction en verrière pour la présentation de mobilier de jardin qui devient un lieu de plaisance.

Le style aussi se modernise

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le commerce est réquisitionné par les Allemands et la famille ne peut plus exercer son métier. La paix revenue et une fois le stock reconstitué, Myrtil Bonn et Paul Lazard parviennent à faire redémarrer les affaires. Ils proposent désormais des livraisons en camionnette et le montage à domicile.

En 1956, au décès de Myrtil, Paul Lazard dirige seul l’entreprise. Son fils André le rejoindra en 1960. Diplômé de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, le jeune architecte d’intérieur couvre avec son père la totalité des activités de la maison. Le commerce prospère dans les années 1960 et 70 et à la fin de cette dernière décennie, André Lazard prend la direction de l’établissement secondé par son épouse Eliane Joab. Si un certain classicisme est alors de mise, les années 1980 seront la période d’un changement vers plus de modernité.

Mais le commerce du meuble a subi une profonde mutation et Bonn doit réorienter sa sélection. Place au mobilier haut de gamme produit par des marques françaises et italiennes. Entre 1990 et 1994, les surfaces couvertes par le magasin sont profondément remaniées pour mener à la création du carré Bonn, avec la réduction de la zone dédiée à la maison Bonn et la percée du passage couvert qui accueille de nouveaux commerces. Les anciennes surfaces du magasin cèdent leur place à des bureaux et des appartements. La façade Art déco est remise en valeur à cette occasion.

Aujourd’hui, une nouvelle étape est en train de se dessiner avec la création d’un bureau d’architecture intérieure dirigé par Jean-Claude Lazard, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle page de l’histoire de ce commerce luxembourgeois.
Une histoire que l’on peut retrouver dans quatre petits livrets écrits par l’historien Robert Philippart et illustrés par des photos d’archives sélectionnées par le photographe Christian Aschman au sein des collections familiales et de la Photothèque de la Ville de Luxembourg.

Mobilier Bonn célèbre la longévité et l’identité de son commerce en revenant sur son histoire à travers une publication réalisée en quatre petits livrets. Une fabuleuse saga qui épouse l’évolution de la vie de la capitale.