Les nouveaux aménagements d’AXA Lux :  vers une nouvelle manière de concevoir les espaces de bureaux . (Photo:  C&W Design+Build )

Les nouveaux aménagements d’AXA Lux : vers une nouvelle manière de concevoir les espaces de bureaux . (Photo: C&W Design+Build )

Dans un contexte sanitaire complexe, le marché du bureau luxembourgeois est parvenu à maintenir le cap grâce à sa solidité et son dynamisme. En 2021, les enjeux s’annoncent multiples, avec des impacts variés. Cédric Van Meerbeek (Head of Research & Marketing Belgique et Luxembourg) et Sébastien Bequet (CEO Cushman & Wakefield Luxembourg) nous en disent plus à ce sujet.

Quel regard portez-vous sur l’année 2020 pour le marché du bureau?

Cédric Van Meerbeek. – «Nous nous attendions, avec la pandémie, à vivre une année très compliquée. Nous avons à l’inverse connu l’une des meilleures années enregistrées en termes de prise en occupation, avec un peu plus de 350.000m2 (contre 267.000m2 pour l’année 2019). Nous sommes donc sur un marché solide et stable qui a enregistré de bonnes performances dans un contexte sanitaire compliqué. À titre de comparaison, d’autres villes européennes ont enregistré des diminutions de prise en occupation importantes. Londres affiche un recul de 60%, Bruxelles, de près de 50%. Ces résultats s’expliquent notamment par deux énormes transactions réalisées par la CNS et la Banque européenne d’investissement, représentant à elles seules plus de 110.000m2. Le contexte sanitaire et l’augmentation du travail à domicile pourraient à l’avenir rebattre les cartes sur le paysage du bureau luxembourgeois. Si le centre-ville suscitait beaucoup d’intérêt auparavant, il ne semble désormais plus y avoir de localisation privilégiée entre celui-ci, le Kirchberg ou la Cloche d’Or. Les localisations plus ‘périphériques’ enregistrent également un intérêt grandissant, pour des raisons de mobilité, notamment.

Nous avons par ailleurs eu 202 transactions en 2020 (contre 220 en 2019). Nous avons donc observé moins de transactions, mais loué plus de mètres carrés. Ce que nous voyons sur plusieurs marchés européens et au Luxembourg également, c’est que les petites sociétés n’ont pas vraiment mis leur projet ‘on hold’, elles restent actives sur le marché de l’occupation. À l’inverse, les plus grandes entreprises ont mis un frein à leur déménagement et mené, ou mènent encore, une réflexion sur la stratégie immobilière et sur leur manière de travailler.

Une augmentation des loyers a enfin été observée. Le loyer prime est en hausse dans le CBD (52€/m2 par mois), au Kirchberg (39€), ainsi qu’à la Cloche d’Or (35€). Le taux de vacance oscille depuis plusieurs années entre 3 et 3,5% pour le Grand-Duché, et est encore inférieur dans les quartiers centraux.

Si le centre-ville suscitait beaucoup d’intérêt auparavant, il ne semble désormais plus y avoir de localisation privilégiée entre celui-ci, le Kirchberg ou la Cloche d’Or.

Cédric Van MeerbeekHead of Research & Marketing Belgique et LuxembourgCushman and Wakefield

Des différences sont-elles à relever entre les secteurs public et privé?

CVM. – «L’administration luxembourgeoise et la Commission européenne représentaient, en 2020, 190.000m2 d’occupation (contre 91.000m2 en 2019).

Sébastien Bequet. «Nous voyons au niveau du secteur public l’aboutissement d’une tendance déjà en vigueur auparavant au Luxembourg, avec une volonté de centralisation de services. Les projets de la CNS et de la BEI sont en cours depuis plusieurs années, ils ne sont pas liés à la situation sanitaire. La bonne stabilité du pays est portée par un secteur public fort qui pose les jalons d’une reprise économique rapide.

Pour le secteur privé, on observe une distinction entre les acteurs locaux et internationaux. Dès que le pouvoir décisionnel est situé au niveau local, le Covid semble avoir un impact limité sur la prise de décision. Dès lors que la société mère est située à l’étranger ou outre-Atlantique, on sent une frilosité à prendre des décisions sur du moyen et long terme. On attend de sortir de la crise pour définir des plans.

À quels enjeux peut-on s’attendre pour 2021?

CVM. – «Nous allons devoir apprendre à vivre avec le Covid, et cela aura un effet sur les entreprises et la manière dont elles vont organiser leurs modes de travail. Ce sur quoi le Covid a eu et aura le plus d’impact, c’est l’aménagement des bureaux de demain. On se rend compte que le télétravail fonctionne. Si le recours au travail à domicile tournait autour de 10% en 2005 au Luxembourg, il a explosé ces derniers mois et tourne à l’heure actuelle autour de 30%. Il devrait se maintenir à ce niveau élevé dans les prochaines années. Ce qui manque maintenant aux entreprises, c’est un espace de bureau considéré comme lieu de rencontre, collaboration et d’échange favorisant l’innovation. Dans le futur, les gens iront moins travailler au bureau, une tendance vers deux jours de travail à domicile par semaine semble se dessiner dans les grandes entreprises. Nous allons donc sans doute observer une transition vers des espaces davantage dédiés à la collaboration et la convivialité, avec des salles de réunion de tous types pour favoriser le sentiment d’appartenance, et moins de bureaux classiques. Cette tendance d’avant-Covid va s’accélérer. La flexibilité prime maintenant sur la localisation.

L’enjeu de la mobilité est aussi déterminant. La moitié de la main-d’œuvre grand-ducale est frontalière, et l’augmentation du télétravail pourrait causer un changement dans la mentalité des employés, qui, plutôt que d’aller en centre-ville, opteraient pour une localisation périphérique pour voir leurs collègues. Nous pourrions assister près des frontières à l’éclosion d’antennes de certaines entreprises.»

La bonne stabilité du pays est portée par un secteur public fort qui pose les jalons d’une reprise économique rapide.

Sébastien BequetCEOCushman & Wakefield Luxembourg

SB. «À partir du moment où le télétravail est autorisé, le challenge va être de ramener les gens au bureau et d’attirer/retenir les talents. Les entreprises vont devoir rendre les bureaux plus attrayants et se concentrer sur les échanges informels.

50% des employés sont frontaliers. La question est de savoir quelle sera la situation après le 31 mars: combien de jours de télétravail seront autorisés? Cela va permettre aux employeurs de définir leur stratégie. L’imposition des frontaliers sera un élément-clé dans l’élaboration de leur plan et aura un impact sur le marché de l’immobilier.»

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