Paul Thillmann: «Cette situation s’est répétée de nombreuses fois, sans qu’aucun médecin ne parvienne à comprendre ce qui se passait.» (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Paul Thillmann: «Cette situation s’est répétée de nombreuses fois, sans qu’aucun médecin ne parvienne à comprendre ce qui se passait.» (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Depuis qu’il est jeune adulte, Paul Thillmann est victime d’attaques de panique. Une situation qu’il a appris à maîtriser.

«La première crise est arrivée à l’âge de 23 ans, se souvient Paul Thillmann, aujourd’hui âgé de 63 ans. Cela s’est manifesté par une douleur intense dans la poitrine, comme si on ­m’en­fon­çait une pique. J’ai cru que je faisais un infarctus!» Très effrayé, il appelle immédiatement le médecin… qui déclare qu’il n’a rien, que tout est normal. Pourtant, Paul Thillmann a bien des palpitations, des tremblements, un manque de salive. «Je sentais bien que quelque chose n’allait pas, mais clini­quement, tout était normal.» Le médecin lui conseille de prendre quelques jours de congé, de se reposer.

Mais après trois jours, rebelote, les douleurs reviennent. Nouvelle visite chez le médecin, avec vita­mines à la sortie. «Cette situation s’est répétée de nombreuses fois, sans qu’aucun médecin ne parvienne à comprendre ce qui se passait, explique Paul Thillmann. Nous cherchions un diagnostic, mais sans succès. Et les crises continuaient, à intervalles irréguliers. J’avais très peur d’avoir un problème sérieux et de ne pas recevoir les secours à temps. Cette situation m’angoissait vraiment.»

Malgré la dizaine de médecins ou spécialistes consultés, la situation reste ainsi pendant environ deux ans.

Apprivoiser la situation

Avec le temps, Paul Thillmann se familiarise avec les douleurs et apprend à les reconnaître. «Ça part du ventre, comme une chaleur intense, qui monte progressivement. Puis cela se dirige dans la poitrine et implique le reste du corps.» Un jour, il décide d’aller consulter un psychologue, et là, enfin, celui-ci lui explique qu’il est victime d’attaques de panique et lui conseille de suivre une psychothérapie. «J’étais soulagé, d’une certaine manière, car le problème était identifié.» Il décide alors d’aller se renseigner dans une bibliothèque et trouve deux livres sur ce sujet. Grâce à ces lectures, il prend conscience qu’il peut apprendre à gérer ses angoisses et que se confronter à sa peur est une première étape à franchir.

«Je me suis rendu compte qu’en fait, je n’étais jamais vraiment tranquille, et que dès qu’une situation de contrariété ou de stress se présentait, ce niveau de stress, déjà haut, augmentait encore plus, jusqu’à ce que je ne parvienne plus à le gérer.» Sur le plan professionnel, Paul Thillmann, qui était alors chef d’équipe, arrive à cacher ses attaques d’angoisse, et cela ne le pénalise pas. «Quand mon esprit est occupé, les attaques ne survien­nent pas», précise-t-il.

Chercher des tactiques

Pour essayer de se calmer, il commence à courir. Accompagné dans un premier temps, car l’angoisse de la crise cardiaque n’est pas complètement évacuée, puis seul, quand il s’est rendu compte qu’il ne risquait rien.

En parallèlement à cela, il con­sulte la littérature spécialisée sur le sujet, continue à apprivoiser la maladie. «J’évitais aussi au maximum les situations qui pouvaient potentiellement me mettre dans une position inconfortable, comme des magasins bondés, des lieux trop chauds…»

Une fois, tout de même, il fait une attaque de panique dans un magasin, mais décide d’affronter ce moment. «Je suis resté sur place. Je voulais que cette peur sorte de moi, que ma tête comprenne qu’il ne s’agit que d’émotions, et que ma vie n’est pas menacée.» En procédant ainsi, il prend plus conscience que son corps n’est pas en danger et que ce qu’il ressent, ce ne sont que des signaux de la peur, qui peuvent être maîtrisés.

«Je comprenais mieux ce qui m’arrivait et je pouvais par conséquent structurer cette attaque, en décortiquer les étapes.» Une fois cette analyse faite, il a également appris à contrôler ses pensées automatiques, à les neutraliser. «J’avais pris l’habitude de parler à ma peur, de m’adresser direc­tement à elle. Je lui disais que je ne la craignais plus, que je comprenais son développement, ses tactiques pour me déstabiliser et qu’elle ne prendrait plus le dessus.»

Trouver des solutions

En parallèle, il apprend aussi à dire non et fait un tri dans son entourage. «Cela a été difficile, car je n’ai jamais dit ouvertement aux autres que j’étais victime d’attaques de panique. C’est un problème que je voulais résoudre par moi-même, sans que mes proches le sachent.» Ce chemi­nement lui a pris sept ans, mais il est parvenu à des résultats.

«J’ai aussi mis en pratique de nou­velles choses, comme la respiration ventrale, le développement des pensées positives ou encore le travail de visualisation. J’ai également passé beaucoup de temps en contact avec la nature, j’ai fait des promenades et enlacé les arbres.» Il trouve aussi d’autres astuces pour calmer son corps, comme boire de l’eau très froide et s’asperger les mains, les avant-bras et le visage au moment d’une attaque. Plutôt que de rester passif et de laisser l’attaque arriver, il se met au contraire en mouvement, commence à monter et descendre les escaliers. «Puisque j’avais compris que je ne risquais pas de faire une crise cardiaque, je n’avais plus peur de bouger.» Au bout de quatre ans, la fréquence des attaques a ­fortement diminué. «En fait, j’avais peur de la mort. Une fois, alors que j’ai eu une attaque très forte, je me suis dit: ‘Si c’est aujourd’hui que je dois mourir, alors je l’accepte.’ Je n’ai pas appelé le docteur et j’ai affronté cette attaque jusqu’au bout. Depuis lors, j’ai franchi une étape décisive, et j’ai pu mener à ­nou­veau une vie plus ‘normale’.»

Aujourd’hui, il est sorti d’affaire, et a choisi d’aider les autres. Il a monté un groupe d’entraide, Panik.lu, qui accompagne les personnes victimes d’attaques de panique.

Cet article a été rédigé pour  parue le 23 septembre 2021.

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