Alexandre Gauthy: «À court terme, les actions mondiales ne sont pas à l’abri d’une prise de bénéfice après leur fort rebond de ces dernières semaines et en raison du degré d’optimisme élevé des investisseurs.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

Alexandre Gauthy: «À court terme, les actions mondiales ne sont pas à l’abri d’une prise de bénéfice après leur fort rebond de ces dernières semaines et en raison du degré d’optimisme élevé des investisseurs.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

Les nouvelles s’améliorent enfin sur le front de la pandémie et l’élection de Joe Biden aux États-Unis ouvre de nouvelles perspectives. Mais d’ici aux premiers effets bénéfiques pour les économies, l’hiver risque d’être long, pointe Alexandre Gauthy, dans sa chronique de cette semaine.

Ces dernières semaines, les bonnes nouvelles autour d’un vaccin se sont succédées. Ce qui est remarquable, c’est le taux d’efficacité élevé de ces vaccins en dernière phase de test. L’Europe a précommandé assez de doses des vaccins développés par Pfizer et BioNtech et par Moderna pour vacciner l’entièreté de sa population à risque d’ici avril/mai. Il s’agit en premier lieu des personnes âgées de plus de 80 ans ainsi que du personnel des soins de santé. Ces deux groupes représentent un peu moins de 15% de la population européenne. Le déploiement de vaccins soulagera le système hospitalier, ce qui par conséquent réduira très fortement la probabilité de devoir à nouveau passer par des mesures dures qui, on le sait, ont un impact énorme sur l’économie, la vie sociale et culturelle.

Ces deux vaccins sont plus onéreux et nécessitent des conditions de stockage relativement strictes, ce qui limite leur utilisation pour un certain nombre de pays émergents. Par contre, le vaccin développé par l’université d’Oxford et Astrazeneca offre une meilleure alternative pour ces pays. Il sera vendu au prix coûtant de moins de 10 euros pour les deux injections, sera disponible en grande quantité en 2021 et ne requiert pas de conditions de stockage particulières par rapport à d’autres vaccins. Ces bonnes nouvelles améliorent grandement les perspectives économiques mondiales pour l’année prochaine.

Mais d’ici là, l’hiver risque d’être long. Les mesures de restriction frappent toujours un grand nombre de pays. L’Europe est certainement retombée en croissance économique négative au 4e trimestre. Les marchés financiers passeront sans doute à travers ces mauvais chiffres économiques de fin d’année et se focaliseront sur l’embellie de l’économie en 2021. Deux autres facteurs expliquent la bonne performance récente des bourses. Le premier est la faiblesse des taux d’intérêt et le message des banquiers centraux en termes de taux futurs. L’absence de rendement des obligations étatiques pousse les investisseurs à se positionner sur des actifs plus risqués, ce qui augmente leur valorisation. Deuxièmement, les aides fiscales importantes permettent aux personnes qui ont perdu leur emploi de garder un certain niveau de revenu.

Toute baisse des bourses sera probablement temporaire et limitée.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

Si ces aides ne compensent pas totalement le manque à gagner des ménages en zone euro, elles furent plus généreuses durant la crise aux États-Unis. De ce fait, le revenu de la population américaine dans son ensemble restait en octobre 4% supérieur par rapport à février, malgré les pertes d’emplois. Le risque pour nos économies est que ces aides soient retirées prématurément et qu’on assiste à un resserrement de la politique budgétaire l’année prochaine et en 2022. Ce fut l’erreur commise après la crise financière: le resserrement de la politique fiscale a été pointé du doigt a posteriori comme étant une erreur politique et responsable de la lente reprise économique. Mais cette fois-ci, ce risque est moindre.

En zone euro, la Commission européenne a d’ores et déjà insisté pour que les États membres prolongent les aides fiscales, si bien que la Commission fermera les yeux sur la limite de déficit budgétaire de 3% pendant un certain temps. Aux États-Unis, Janet Yellen, ancienne présidente de la Réserve fédérale, fut élue par Joe Biden pour le poste important de secrétaire du Trésor. Lors de sa première élocution, elle a souligné la nécessité du soutien fiscal (sous forme de nouvelles dépenses en infrastructure et d’aide aux ménages), dont le financement est facilité par l’environnement actuel de taux bas.

À court terme, les actions mondiales ne sont pas à l’abri d’une prise de bénéfice après leur fort rebond de ces dernières semaines et en raison du degré d’optimisme élevé des investisseurs. Cependant, toute baisse des bourses sera probablement temporaire et limitée. Le rattrapage de la performance des secteurs et régions qui avaient le plus souffert lors de la crise devrait continuer si ce scénario d’accélération de la croissance économique mondiale se manifeste dans le courant de l’année prochaine.