Andy Jassy a été à l’origine d’Amazon Web Services, qui continue de gagner des parts de marché: +30% l’an dernier, «grâce» à la pandémie. Il succède à Jeff Bezos, qui a au moins un autre projet à un instant crucial, Blue Origin et la conquête de la Lune. (Source: AWS)

Andy Jassy a été à l’origine d’Amazon Web Services, qui continue de gagner des parts de marché: +30% l’an dernier, «grâce» à la pandémie. Il succède à Jeff Bezos, qui a au moins un autre projet à un instant crucial, Blue Origin et la conquête de la Lune. (Source: AWS)

Parmi les premiers à rejoindre Jeff Bezos dans son garage en 1997, Andy Jassy prendra sa succession à la tête de la société dans ce qui est présenté comme le virage cloud du géant. Vraiment? Il y a un moment que les choix brutaux du nouveau CEO ont installé AWS au sommet.

Les salariés d’Amazon étaient prévenus bien avant la note qui a officialisé le nouveau poste de Jeff Bezos et le passage de flambeau à un de ses plus fidèles lieutenants, Andy Jassy. Le nouveau leader sera… «brutal».

Au cours de sa dernière conférence, «re:Invent», de trois heures, sur le management, le nouveau patron d’Alphabet n’y est pas allé de main morte. «L’équipe de direction doit établir des objectifs agressifs pour ses employés, pour forcer l’organisation à aller plus vite qu’elle ne le ferait autrement», a-t-il déclaré. «Fixer un objectif agressif pour ses employés oblige l’organisation à comprendre qu’elle ne pourra pas plonger ses orteils dans l’eau pendant plusieurs années; que vous êtes sérieux. Et vous allez faire ce changement et mettre en place les bons mécanismes pour vérifier si vous obtenez les bons progrès.»

Version «accrochez vos ceintures, ça va déménager!» Arrivé trois ans après le lancement de la start-up de Bezos, Jassy a rongé son frein avant de proposer un Deezer trop en avance sur son temps, mais déjà clair sur ses ambitions. D’abord adoubé comme le DRH faisant fonction six ans après son arrivée en 1997, ce qui lui a donné un accès comme nul autre à la cuisine de Bezos, Andy Jassy sera à l’origine d’Amazon Web Services en 2006.

Un chiffre d’affaires multiplié par six en cinq ans

Une running joke bien connue en Californie raconte que les CEO de start-up achetaient les services d’AWS avec leurs cartes de crédit. Jassy, lui, veut donner davantage de visibilité à cette ligne de business innovante et encore loin de faire l’unanimité. Il les convainc un par un de signer pour des contrats à plus long terme. AWS décolle.

Aujourd’hui, AWS a profité à plein d’une année de pandémie, de confinement, de télétravail et de besoin de stockage décentralisé. +30% en 2020 par rapport à 2019, à 45,4 milliards de dollars. Soit six fois plus qu’il y a cinq ans! Ses concurrents? Il faut se méfier des bilans financiers. Microsoft a terminé l’année sur un +34% au dernier trimestre à 16,7 milliards de dollars. Sauf que le géant est sur une année fiscale décalée, compte atteindre 66,8 milliards de dollars en juin, mais ne donne pas vraiment une lecture de la performance d’Azure. Quant à Google Cloud, la ligne comptable se distingue entre Google Platform et Google Workplace, et le +46% de l’an dernier (13 milliards de dollars) provient plutôt de la deuxième partie que du cloud, contrairement aux deux autres.

Les dépenses mondiales en cloud devraient croître de 18,4% en 2021 à 304,9 milliards de dollars, comparativement à 257,5 milliards de dollars en 2020, selon Gartner.

«La pandémie a validé la proposition de valeur du cloud», a déclaré Sid Nag, vice-président de la recherche chez Gartner. «La capacité d’utilisation à la demande, évolutive pour doper l’efficacité des coûts et assurer la continuité des affaires, fournit l’impulsion nécessaire aux organisations afin d’accélérer rapidement leurs plans de transformation numérique. L’utilisation accrue des services de cloud public a renforcé l’adoption du cloud pour devenir plus que jamais la ‘nouvelle norme’.» La proportion des dépenses  informatiques attribuées au cloud s’accélérera au lendemain de la crise du Covid-19, le cloud devant représenter 14,2% du marché mondial des dépenses informatiques des entreprises en 2024, contre 9,1% en 2020.

Une nouvelle génération de CEO venus du cloud

Six ans (!) après que Microsoft ait confié les rênes à son champion du cloud, Satya Nadella, et deux ans avant que Google n’en fasse autant avec Thomas Kurian, en provenance d’Oracle, le passage de flambeau ressemble à une évolution naturelle au moment où la 5G va dynamiter les usages d’internet et – normalement – doper le recours massif au cloud.

Jeff Bezos, lui, soyons sincères, devient une sorte de président du conseil d’administration exécutif. Le patron de Jassy. La nuance est subtile.

Et il a déjà un autre challenge en tête. Fin février – mais cela devrait être plutôt vers avril –, la Nasa doit désigner le vainqueur de son concours Artemis qui enverra une navette habitée sur la Lune. Blue Origin, le nouveau bébé de Bezos, est encore qualifié, comme SpaceX d’Elon Musk et Dynetics. Le fondateur d’Amazon a été malin: son partenariat avec Lockheed Martin, Northrop Grumman et Draper l’a placé en pole position et il a déjà ramassé 579 des 967 millions de dollars injectés dans le projet par l’agence spatiale américaine, contre 253 pour Dynetics et 135 pour SpaceX. Le 15 janvier, sa fusée a réussi son test, un vol à 107 kilomètres avec une capsule habitée, tandis que le vaisseau de Musk atterrissait dans un déluge de feu.