Marie Sinniger, Partner / Anne Laure Wach, Associate (Photo : Luther)

Marie Sinniger, Partner / Anne Laure Wach, Associate (Photo : Luther)

L’absence injustifiée du salarié peut mettre l’employeur dans une situation délicate et menacer le bon fonctionnement de son entreprise alors qu’il ne connaît ni les causes, ni la durée prévisible de l’absence. Dans un contexte particulier d’incarcération du salarié, la jurisprudence (1) a rappelé dernièrement les règles à suivre.

1. Absence injustifiée et licenciement avec effet immédiat: attention au délai d’invocation

Le salarié incapable de travailler pour cause de maladie doit: (i) en avertir l'employeur le jour même de l’empêchement, et (ii) le 3ème jour au plus tard soumettre un certificat médical.

A défaut, l’absence du salarié est injustifiée et pourrait légitimer un licenciement avec effet immédiat.

Toutefois, en application de l’article L.124-10 (6) du Code du travail, l’employeur doit impérativement invoquer la faute grave dans le mois de la connaissance des faits.

En l’espèce, dans l‘arrêt cité, le salarié qui avait été engagé le 15 septembre 2008 avait été licencié avec effet immédiat par courrier du 18 mars 2016 pour plusieurs motifs dont une absence injustifiée de son lieu de travail du 7 septembre 2015 au 18 mars 2016 (soit une absence de plus de six mois).

Le salarié avait alors invoqué pour sa défense le non-respect par l’employeur du délai d’un mois suivant la connaissance des faits.

La Cour d’appel a confirmé que le licenciement doit être déclaré abusif en retenant que l’employeur qui attend six mois pour invoquer l’absence injustifiée de son salarié est supposé « avoir pardonné au salarié cette longue absence, respectivement avoir considéré qu’elle n’était pas suffisamment grave pour licencier son salarié avec effet immédiat ».

Ainsi, en cas d’absence injustifiée du salarié, un suivi régulier des absences injustifiées doit être effectué et l’employeur devra impérativement respecter le délai d’invocation d’un mois pour licencier avec effet immédiat.

2. Impact de l’incarcération du salarié sur la relation contractuelle

L’arrêt précité met par ailleurs également en lumière le cas particulier de l’incarcération d’un salarié.

D’après l'article L.233-6 (3) du Code du travail, l'emprisonnement n'est pas un cas d'absence justifiée.

Selon la jurisprudence, (i) si le salarié a informé son employeur en temps utile de la raison de son absence, et si (ii) l'incarcération présente un caractère essentiellement provisoire ou une durée totale relativement courte compatible avec l'emploi occupé, alors l'employeur peut suspendre le contrat de travail. A défaut, l'employeur sera en droit de résilier le contrat de travail car ce dernier doit en effet pouvoir réorganiser ses services.

Dans le cadre de l’arrêt précité, le salarié devait reprendre son poste le 7 septembre 2015 après ses congés mais avait été incarcéré pour une période de dix mois.

Le contrat avait donc été mis en suspens par l’employeur. Toutefois, le salarié avait finalement été libéré plus tôt et n’en a pas informé son employeur.

Or, dans son courrier de licenciement, l’employeur a invoqué l’absence injustifiée remontant au 7 septembre 2015 pour fonder le licenciement avec effet immédiat, alors que cette absence remontait à plus de six mois. L’invocation de la faute grave était partant hors délai.

A contrario, si l’employeur avait invoqué le fait que le salarié ne l’avait pas informé de sa libération anticipée endéans un mois à compter de la connaissance des faits, le licenciement avec effet immédiat aurait peut-être été déclaré justifié par les juges.

(1) Cour d’appel, 27 juin 2019, CAL-2018-00893