Deux acrobates d’«Alegria», un des spectacles mythiques du Cirque du Soleil qui explore «la quête de pouvoir, la soif de changement et le triomphe de la lumière sur l’obscurité»… (Photo: Cirque du Soleil)

Deux acrobates d’«Alegria», un des spectacles mythiques du Cirque du Soleil qui explore «la quête de pouvoir, la soif de changement et le triomphe de la lumière sur l’obscurité»… (Photo: Cirque du Soleil)

Le Cirque du Soleil a obtenu, la semaine dernière, un prêt sous conditions de 200 millions de dollars, histoire que l’institution ne croule pas sous le poids d’une dette de près d’un milliard. Au terme d’un incroyable micmac financier… qui passe par le Luxembourg.

«Notre siège social international est une véritable plaque tournante de créativité.» Le Cirque du Soleil aurait du mal à mieux décrire le centre névralgique de ses opérations, à Montréal… avenue du Cirque. Si ses 4.679 artistes jonglent avec le feu, défient les lois de la pesanteur ou emmènent petits et grands vers un monde merveilleux, de Las Vegas à l’Asie, en passant par la Rockhal où la vénérable maison s’est produite en 2014 et 2016, en coulisses, il y a longtemps que la corde raide suffit tout juste à éviter de tomber dans le vide financier.

Après le forcing de son fondateur, Guy Laliberté, dont la fortune est estimée à 1,2 milliard de dollars, le gouvernement québécois a annoncé mardi dernier une aide financière de 200 millions de dollars. Depuis la mi-mars et le début de la pandémie de coronavirus, le cirque, face à une dette de près d’un milliard de dollars, avait fini par ne plus payer personne et menaçait de devoir se déclarer en faillite. Tous les spectacles avaient été annulés.

Le siège social du Cirque du Soleil doit rester à Montréal et le gouvernement pourrait obliger le cirque à redevenir une propriété québécoise en rachetant les participations actuelles des fonds chinois et américains, a fait savoir le ministre québécois de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, via son attachée de presse.

Deux structures inutilisées au Luxembourg

Le 4 mai, le Cirque du Soleil avait obtenu un crédit revolving de 100 millions de dollars et , le fonds américain domicilié au Luxembourg TPG (55%), le fonds chinois Fosun (propriétaire du Club Med et de Thomas Cook, 25%) et par le fonds de pension canadien, la Caisse de dépôt et placement du Québec (20%), contre le rachat de la propriété intellectuelle du groupe.

Habituellement au cœur des bricolages financiers de ce groupe né en 1984, via CDS Luxembourg Holdings (pour l’international hors Europe), la transaction ne serait pas passée par les deux structures pourtant créées spécialement pour l’occasion (CDS1 et CDS2) le 27 mars.

«Cette structure, impliquant des sociétés en commandite au Luxembourg, n’était finalement pas requise pour le financement intérimaire qui a été conclu avec nos actionnaires. La structure sera ainsi démantelée lorsque notre recapitalisation sera complétée et notre prêt intérimaire remboursé», . Selon l’entreprise, le montage «n’offre aucun avantage fiscal et ne réduira pas l’impôt qui pourrait être éventuellement payable au Canada». «Tout revenu imposable généré dans la structure se retrouve ultimement intégralement imposé au Canada. En aucune circonstance des actifs transférés ne seraient demeurés dans une entité luxembourgeoise», affirme le Cirque à nos confrères.

Un rachat par le fondateur du Cirque?

Les difficultés financières du Cirque, qui a généré 944 millions de dollars de recettes en 2019 avec une trésorerie «d’à peine» 35 millions de dollars, ont commencé à apparaître au moment du rachat, en 2015, par les trois actionnaires actuels via une émission de dettes (855 millions de dollars). Le rachat a aussi signifié la fin des schémas d’optimisation fiscale via le Luxembourg (et Cirque du Soleil succursale, Dream Catcher ou CDS Luxembourg Holdings), mais pas via les Caïmans.

Ce que le fondateur du cirque est allé négocier patiemment en avril et mai auprès de cinq ministres québécois, c’est l’idée d’un rachat de l’institution aux trois fonds, disent certaines sources. Pourquoi s’est-il alors dépêché de vendre les 10% qui lui restaient de la fusion, en février, au fonds de pension canadien?

Le mystère du tour de table à venir plane encore. Mais le ciel se dégage pour les artistes: dès ce mercredi, reprend «绮幻之境, un monde fantastique» à Hangzhou, en Chine, «une expérience immersive sans précédent. Avec une énergie à couper le souffle, des numéros acrobatiques saisissants, une puissante symbolique et une poésie touchante, l’histoire se révèle au travers de deux perspectives: celle de Petra et celle d’Aria, le héros et l’héroïne. Deux pans d’une même histoire, avec deux cultures appelées à s’apprivoiser. Tout est mis en œuvre pour que petits et grands plongent au cœur de cette fable et soient subjugués par l’action toujours plus trépidante au fil des tableaux.»