Guy Ertz, chief investment advisor au sein de BGL BNP Paribas. (Photo: Maison Moderne)

Guy Ertz, chief investment advisor au sein de BGL BNP Paribas. (Photo: Maison Moderne)

L’inflation en zone euro a fortement augmenté en ce début d’année. Même l’inflation sous-jacente qui exclut les composantes volatiles, comme l’énergie et les aliments, progresse. Au cours des trois premiers mois de cette année, l’inflation a atteint +1,0% en moyenne (en glissement annuel). Ceci se compare à -0,3% en décembre 2020 et +0,3% en moyenne sur l’ensemble de 2020. L’inflation sous-jacente est passée à +1,1% en moyenne pour le 1er trimestre de cette année.

L’accélération récente de l’inflation s’explique toutefois par des facteurs principalement temporaires: (1) un changement de la TVA en Allemagne, (2) les modifications des pondérations au sein de l’indice des prix à la consommation et (3) la hausse du prix du pétrole (brent). Les deux premiers effets devraient s’inverser en grande partie. Pour le prix du pétrole, les comparaisons annuelles des prochains mois vont encore se faire par rapport à des niveaux très bas en 2020. Ceci veut dire que l’on aura des «effets de base» importants qui impliquent une inflation élevée. Même avec un prix du pétrole globalement stable, cet effet devrait s’inverser en début d’année prochaine.

L’inflation pourrait encore s’accélérer quelque peu les prochains mois et temporairement dépasser 2%, voire plus dans certains pays comme l’Allemagne. Ces effets temporaires devraient s’estomper à partir du début de l’année prochaine. De plus, la faiblesse structurelle du marché de l’emploi en zone euro suggère que la probabilité d’une hausse généralisée des salaires et de l’inflation semble peu probable. Ceci ressort également de l’analyse des taux d’utilisation des capacités des entreprises. Il reste toutefois à surveiller le risque d’anticipations d’inflation «auto-réalisatrices». En effet, certaines études historiques suggèrent que les agents économiques sont fortement influencés par les dernières observations lorsqu’ils estiment leurs attentes d’inflation à long terme. La BCE sera vigilante sur ce point. L’évolution des indicateurs d’anticipation d’inflation à long terme sera donc clé. En particulier, il sera important de surveiller les enquêtes d’opinion des consommateurs, des professionnels de l’économie et de la finance ainsi que les anticipations sous-jacentes aux actifs financiers.

Il faut toutefois rester prudent et analyser en quoi la création de monnaie à l’échelle de la Banque centrale génère une croissance de la masse monétaire au sens large.
Guy Ertz

Guy Ertzchief investment advisor, BGL BNP Paribas

Sur base d’une approche dite «monétariste», on pourrait argumenter que les risques d’inflation sont élevés au vu de la création monétaire résultant des achats d’obligations de la BCE sur les dernières années. En effet, sous certaines hypothèses, la création monétaire disproportionnée par rapport à la croissance économique est source d’inflation. Il faut toutefois rester prudent et analyser en quoi la création de monnaie à l’échelle de la Banque centrale génère une croissance de la masse monétaire au sens large (typiquement M3 en zone euro).

En d’autres termes, il faut analyser si «la vitesse de circulation» de la monnaie est stable. Si celle-ci baisse dans un contexte de hausse de la monnaie en circulation, il n’y a pas nécessairement de hausse de l’inflation. Les statistiques des dernières années montrent typiquement cet effet. Il faudra toutefois surveiller la dynamique de crédit car un fort rebond pourrait générer une augmentation disproportionnée de la vitesse de circulation de la monnaie et être source d’inflation.