Selon Benjamin Bonvalot, directeur des RH au sein d'Atoz: «On constate que la formation revient souvent sur la table durant le processus de recrutement.» (Photo: Shutterstock)

Selon Benjamin Bonvalot, directeur des RH au sein d'Atoz: «On constate que la formation revient souvent sur la table durant le processus de recrutement.» (Photo: Shutterstock)

Répondre à une demande de formation est un bon moyen de fidéliser ses salariés. Mais les employeurs privilégient surtout les besoins prioritaires de l’entreprise.

Au cours des dernières années, beaucoup de choses ont été écrites sur la formation. Celle-ci serait notamment un puissant outil permettant d’attirer et, surtout, de conserver des profils très recherchés. Mais l’offre de formations proposée en entreprise remplit-elle vraiment cette fonction? Ce n’est pas si évident.

«On constate que la formation revient souvent sur la table durant le processus de recrutement», explique Benjamin Bonvalot, directeur des Ressources humaines au sein d’Atoz. «Toutefois, c’est aussi lié à la spécificité des profils que nous engageons, parmi lesquels on trouve notamment des spécialistes de la fiscalité, du droit et des experts comptables qui ont l’obligation de suivre régulièrement des formations pour rester au courant de l’évolution de la réglementation et offrir ainsi le meilleur service à nos clients.»

Se préparer au changement

La nécessité de rester au fait des différentes réglementations est certainement l’élément le plus essentiel quand il s’agit d’expliquer l’intérêt des candidats pour une entreprise et leur envie d’y rester actifs longtemps ou non. À la House of Training, une ASBL créée par la Chambre de commerce et l’ABBL, qui forme pas moins de 23.000 personnes par an, on valide ce constat.

Les représentants de la génération Z sont beaucoup moins attirés par les formations que ceux de la génération Y

Laurianne Marlierfondatrice et gérante de RH LabRH Lab

«Notre objectif est de répondre aux besoins exprimés par les entreprises. Or, on remarque que 50% des demandes que nous recevons émanent du secteur financier, dans lequel la réglementation est très changeante, indique , CEO de la House of Training. Ce mouvement est d’ailleurs renforcé par la dernière convention collective bancaire, qui stipule que 1,5% de la masse salariale doit être investi dans la formation professionnelle continue.»

Le changement, toutefois, ne concerne pas seulement la réglementation, mais aussi la technique. De nombreux candidats et collaborateurs s’inquiètent donc de savoir si des formations seront proposées pour rester à niveau par rapport à l’évolution technologique.

«Pour être plus exact, je dirais que les gens que nous cherchons à recruter s’attendent à avoir une offre de formation dans l’entreprise, précise Claude Olinger, directeur de Ressources humaines chez Post. Mais quand ils exercent des fonctions très techniques, avec des compétences très pointues, les candidats se font plus spécifiques. Certains demandent même si nous n’organisons pas des MBA! Et c’est en partie le cas, puisque nous prenons en charge certains frais liés à ces études pour les profils qui nous semblent les plus talentueux…»

Pas très soft

Au-delà du fait qu’elle soit nécessaire pour s’adapter à un environnement réglementaire et technologique mouvant, la formation présente-t-elle finalement un attrait d’ordre personnel?

«Les représentants de la génération Z sont beaucoup moins attirés par les formations que ceux de la génération Y. Dernièrement, des jeunes collaborateurs d’une entreprise, qui sortaient à peine de l’école, ont même refusé de suivre des formations en anglais qui leur étaient pourtant nécessaires, illustre Laurianne Marlier, fondatrice et gérante de RH Lab, société qui propose des solutions RH personnalisées.

La clé est de toujours parvenir à une solution win-win

Esther Celosseprofesseur de managementSacred Heart University

Je ne pense donc pas que tout le monde soit demandeur de formation, même dans des domaines plus “soft” que la technique ou le réglementaire. C’est dommage, car c’est une nécessité pour permettre à l’entreprise de continuer à évoluer.»

Cela dit, lorsque des collaborateurs expriment le souhait d’être formés dans des matières qui ne répondent pas aux besoins prioritaires de l’entreprise, ils sont de plus en plus souvent confrontés à des refus. «À cet égard, il faut noter que, de tout temps, les salariés ont exprimé des désirs de formation dans des matières qui ne sont pas forcément nécessaires pour l’entreprise, indique Claude Olinger. C’est particulièrement le cas des cours de langue ou des “soft skills”. Il y a quelques années, on acceptait la plupart des demandes de ce genre.

C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui: on commence par se pencher sur les besoins réels de l’entreprise en demandant systématiquement l’aval du responsable de service. Pour les langues, seules les formations en luxembourgeois, français, voire anglais sont encore acceptées.» La réforme du financement de la formation professionnelle continue ne contribue certainement pas à faciliter l’acceptation de ce type de demandes…

Quel roi pour la formation?

C’est que, comme pour n’importe quel élément du business, le retour sur investissement qu’offrent les formations a de l’importance. Les coûts qu’elles induisent, notamment lorsqu’elles se déroulent dans des pays éloignés, ne sont en effet pas négligeables. Il faut donc bien préparer ce qui constitue finalement un investissement.

«La clé est de toujours parvenir à une solution win-win, explique Esther Celosse, professeur de management au sein de la Sacred Heart University, qui propose des programmes de formation aux entreprises. Pour cela, on peut par exemple commencer par sélectionner des projets à boucler ou des problèmes à régler au sein de l’entreprise.

Il faut ensuite choisir des programmes de formation qui permettront de régler ces problèmes ainsi que des employés qui ont montré de l’intérêt pour ces matières. Dans ce cas, le retour sur investissement sera rapide, car l’impact sur les problèmes rencontrés devrait être important.»

Lorsque les formations sont liées à des obligations réglementaires ou techniques, la question du coût devient cependant moins essentielle. «Les formations représentent 3% de la masse salariale chez nous, ce n’est donc pas négligeable», relève Benjamin Bonvalot.

«Mais nous avons un contrat moral avec le client, ainsi que certaines obligations. Nous ne comptons donc pas faire des économies sur ce poste, et ce malgré les nouvelles règles en place en matière de cofinancement.»

Des doutes sur l’«e-learning»

Sensible à ces interrogations sur le coût de la formation et l’équilibre entre les envies des salariés et les besoins de l’entreprise, la House of Training travaille à la mise en place d’une plateforme d’e-learning.

On dit que l’État finance moins la formation, mais, au final, la manne financière est mieux répartie

Luc HenzigCEOHouse of Training

«Cela permettrait aux plus petites structures d’octroyer plus de formations à leur personnel. En effet, les PME ont souvent des difficultés à libérer leurs collaborateurs pendant la journée, car leurs ressources en personnel sont plus limitées, explique Luc Henzig. Toutefois, l’e-learning n’est pas la solution miracle. Certains métiers qui reposent sur des savoir-faire particuliers ont besoin de formations en présentiel.»

Du côté d’Atoz, les mêmes questions se posent par rapport à cette forme d’apprentissage. «Nous cherchons en effet à voir si c’est efficace, confirme Benjamin Bonvalot. Mais nous nous interrogeons sur la pertinence des formats proposés: à partir de quelle durée a-t-on un impact maximum? Quels sont les scripts à privilégier? L’interactivité qui accompagne inévitablement les cours en présentiel est également un élément très important pour nos membres.» Après tout, il est en effet préférable de parvenir à joindre l’utile à l’agréable…

«La réforme répartit mieux la manne financière»

Une loi du 29 août 2017 a modifié le financement de la formation professionnelle continue au Luxembourg. La participation financière de l’État dans l’investissement en formation est notamment passée de 20 à 15%. «On dit que l’État finance moins la formation, mais, au final, la manne financière est mieux répartie, nuance Luc Henzig.

En effet, les formations obligatoires qui doivent être suivies pour les professions réglementées ne sont plus prises en charge, ce qui libère beaucoup d’argent pour la formation des employés des PME. Cela fait beaucoup râler certains grands acteurs, mais cela profite au plus grand nombre.»

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