Les photographies d'Éric Chenal révèle l'architecture comme un lieu à traverser. (Photo: Eric Chenal)

Les photographies d'Éric Chenal révèle l'architecture comme un lieu à traverser. (Photo: Eric Chenal)

Pendant longtemps, Éric Chenal n’a pas osé s’affirmer comme artiste. Le photographe livrait des travaux de commande – portraits, reportages, bâtiments – et n’a franchi le pas de réaliser des travaux personnels qu’en 2009. Sa première exposition «In Between» à la galerie Nei Liicht fin 2012, prouvait qu’il avait bien fait: on y lisait une grande sensibilité et les premières étapes d’une recherche de soi qui s’est affirmée par la suite.

Au Casino-Luxembourg, en mai 2013, «White inside» conviant l’architecture de lieux culturels de manière quasi abstraite, poursuivait cette démarche qui consiste pour l’artiste à se rendre pleinement disponible et conscient d’un lieu. «Ce qui m’intéresse, c’est de traverser le lieu et de voir comment il me traverse.»

Les photographies qu’il dévoile à la Fondation de l’architecture dans le cadre de l’exposition «Our House», complètent cette approche, même si chronologiquement, elle précède ou est concomitante aux autres projets, puisque les photographies ont été réalisées entre 2010 et 2012. «C’étaient mes débuts en photographie d’architecture que je voulais développer. J’ai eu vent du chantier de cette maison particulière. Cela ne représentait pas d’enjeu, je pouvais y aller en risquant de ne pas réussir.»

Comme la conversation avec les architectes Carole Schmit et François Thiry du bureau Polaris retranscrite dans l’exposition le relate, c’est bien ce qui a failli arriver. Le chantier le déçoit: «La réalité ne correspondait pas à mes attentes.» Il a du mal à lire et comprendre ce qu’il voit: «Je n’arrivais pas à m’identifier, à m’approprier le lieu…», et il en tire un certain malaise, voire une culpabilité.

Ce n’est que quand le chantier est à peu près terminé que le photographe réussit à être en phase avec le site qui devient pour lui une page blanche où tout pouvait s’écrire. Il réalise en parallèle des photos «de commandes» pour le livre «Our House» (édité par Maison Moderne) qui le laisse libre de tourner autour du sujet: la maison et ses habitants.

Quand, enfin, la maison se révèle à lui, c’est par l’oblique. Force est de constater que le volume, taillé comme un diamant, va à l’encontre de toute notion d’orthogonie, alors que c’est, justement, ce qui guide et fascine le photographe. Faisant fi des axes perpendiculaires, se laissant englober par la lumière, elle aussi oblique, Éric Chenal trouve enfin un abri dans ces murs. «Tout l’intérêt de cette maison réside dans la tension entre son aspect protecteur – presque blockhaus – et son ouverture.»

Un tiraillement particulièrement fort quand il s’agit de vues de l’escalier avec différentes lumières, donnant une palette plus ou moins contrastée, laissant apparaître – ou non – la matière du béton-vu. «Il me fallait échapper à la séduction facile que représente une architecture spectaculaire.»

Intimistes et personnelles, les photographies d’Éric Chenal traduisent une palette d’émotions contrastées. Le photographe se livre peut-être plus lui-même qu’il ne montre une maison. C’est de lui qu’il parle quand il photographie ces murs.

L’exposition accompagne et complète de photographies inédites la parution du livre «Our House» publié aux éditions Maison Moderne, avec des textes de Fabrizio Gallanti, Christoph Grafe et Bart Lootsma ainsi que des entretiens avec les maîtres d’ouvrage. Le livre sera disponible à la Fondation de l’Architecture et de l’Ingénierie pendant l’exposition.

Du 27 juin au 20 septembre (avec une fermeture de deux semaines en août) dans la salle d'exposition de la Fondation de l'Architecture et de l'Ingénierie. Entrée libre.