Guy Ertz, chief investment advisor, BGL BNP Paribas. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

Guy Ertz, chief investment advisor, BGL BNP Paribas. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

Jusqu’au printemps de cette année, le dollar a fluctué à des niveaux élevés par rapport à sa moyenne des 20 dernières années. Ceci est également vrai par rapport à la plupart des autres devises. En effet, l’indice dollar, calculé par rapport à un panier de six devises, s’est apprécié de 25% sur la période 2014-2015. Depuis quelques mois, le dollar a connu une forte baisse, avant tout contre l’euro. Comment expliquer ces mouvements? Et doit-on s’attendre à une continuation de ce dernier?

L’anticipation des divergences de politique monétaire est un déterminant-clé pour les mouvements de change (à moyen terme). Celles-ci ont été fortement en faveur du dollar entre 2014 et 2018. Cependant, cette tendance s’est inversée fin 2018, et amplifiée durant la crise du Covid-19. La baisse du billet vert ne s’est toutefois observée que les derniers mois. Ce décalage peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Tout d’abord, le dollar a probablement bénéficié de l’incertitude liée aux tensions sino-américaines et du ralentissement économique mondial observé en 2019, ainsi que durant la crise du Covid-19 en mars. En tant que valeur refuge, le dollar a donc temporairement profité d’une plus grande demande pour les actifs sûrs dans un contexte d’aversion pour le risque croissant. Parallèlement, la demande de liquidité en dollar a très fortement augmenté durant la crise sanitaire. Ceci est assez typique en phase de stress important. La Fed a réagi par une injection massive de liquidités dans l’économie et a permis à une quinzaine de banques centrales d’alimenter les besoins en dollars («swap devises»). Une vraie détente n’a toutefois été observée que fin mai.

Depuis, la baisse des risques liés au Covid-19 et le retour de l’appétit pour le risque dans les marchés financiers ont permis aux ajustements liés aux fondamentaux (différentiel de taux d’intérêt) de reprendre le dessus. Le dollar a donc fortement perdu de sa valeur, avec un mouvement de 1,08 à 1,18 (valeur pour un euro) entre avril et août. Est-ce que le dollar peut aller plus bas?

L’indicateur le plus courant pour estimer la juste valeur à long terme est la «parité de pouvoir d’achat» (PPA). Cette théorie est basée sur le postulat qu’un panier de biens (celui utilisé pour l’indice des prix à la consommation) devrait être vendu au même prix une fois converti dans la même devise. Le taux de change à la juste valeur devrait ainsi être celui qui égalise le niveau des prix dans une devise choisie. Même si la logique est simple (si un panier est moins cher dans un pays, les consommateurs rationnels devraient acheter leur panier dans ce pays), les coûts de transport et les différences dans la composition des paniers peuvent toutefois expliquer la persistance de certaines différences.

Certains économistes ont dès lors mis l’accent sur un concept de convergence partielle. En effet, Ben Craig[1] mesure le temps nécessaire pour que la moitié de la divergence entre le taux de change actuel et la PPA soit résorbée (concept de «half-life»). Logiquement, l’auteur trouve que cette période dépend fortement de l’ampleur de la divergence; si celle-ci est grande, la première moitié de l’ajustement se fait assez rapidement.

En avril de cette année, l’EURUSD fluctuait encore autour de 1,08, alors que l’estimation de PPA de l’OCDE est d’approximativement 1,36. L’écart était donc de 0,28. La moitié de l’ajustement (0,14) serait donc le mouvement de 1,08 à 1,22. Ceci suggère que le dollar conserve un potentiel baissier contre l’euro à long terme, bien qu’il reste plus modéré suite au mouvement récent. À court terme, certains indicateurs techniques suggèrent que le mouvement a été trop impulsif. Une consolidation temporaire vers la moyenne mobile de 50 jours (1,14-1,15) est donc probable. La tendance à moyen terme resterait baissière pour le dollar (contre euro).

[1] Craig, Ben R., 2005. The Growing Significance of Purchasing Power Parity, Federal Reserve Bank of Cleveland, Economic Commentary, 04.01.2005.