Comment créer de nouveaux événements sportifs dans de nouvelles régions en capitalisant sur l’expertise d’ASO, née du Tour de France? C’est la question à laquelle le Luxembourgeois Claude Rach est confronté chaque jour. Un challenge en chasse un autre. (Photo: Paperjam)

Comment créer de nouveaux événements sportifs dans de nouvelles régions en capitalisant sur l’expertise d’ASO, née du Tour de France? C’est la question à laquelle le Luxembourgeois Claude Rach est confronté chaque jour. Un challenge en chasse un autre. (Photo: Paperjam)

Un Luxembourgeois a franchi la ligne d’arrivée cinq heures avant les coureurs, ce dimanche, sur les Champs-Élysées. Head of strategy and business development chez ASO, Claude Rach est aussi en charge de protéger la Grande Boucle du Covid-19 depuis 2020.

«Le Tour de France est un événement populaire, et il doit le rester!» Quelques mètres après la ligne d’arrivée de la dernière étape, au beau milieu d’une avenue des Champs-Élysées enfin baignée de soleil, Claude Rach regarde l’impressionnant dispositif de sécurité. Le site de la dernière étape et de l’arrivée finale de la Grande Boucle a été complètement verrouillé, et il faut montrer patte blanche – comprenez le pass sanitaire – pour avoir une chance de pouvoir encourager les 141 derniers coureurs à rallier Paris.

Un mot à droite, un sourire à gauche, le head of strategy and business development d’Amaury Sport Organisation (ASO), filiale d’Amaury Sport, propriétaire de L’Équipe, a le sens du business dans l’ADN. À quelques heures de l’arrivée des coureurs sur les Champs, ça se voit.

«Même si mes grands-parents étaient cyclistes et que je suis sportif au sens large du terme, mon arrivée chez ASO s’est faite un peu par hasard, plutôt par intérêt pour le business et le sport», confie cet Eschois de 34 ans. «J’ai fait mes études dans le développement international et d’entreprise. J’ai atterri à Paris pour faire une spécialisation dans ce domaine. J’ai rencontré quelqu’un d’ASO qui cherchait à recruter pour le service Sponsoring. Je trouvais cela très spécifique. Un autre département se créait, pour développer l’entreprise, pour lancer de nouveaux projets.»

Que fait un head of strategy and business development pour la société qui organise le mythique Tour de France?

Claude Rach. – «Mon job consiste à œuvrer au développement de l’entreprise, à créer de nouveaux projets. Il y a de plus en plus d’événements dans notre portefeuille. Nous utilisons notre expertise, dans le domaine du cyclisme, de la course à pied ou dans tous les sports où nous sommes impliqués, pour imaginer des événements dans de nouvelles régions géographiques. Parfois aussi, nous faisons des acquisitions, d’entreprises ou d’événements. C’est ce qui me plaît beaucoup! De plus en plus, je m’occupe du développement de nos événements historiques, pour imaginer comment créer de la valeur supplémentaire. Cela consiste à les rendre plus internationaux, à intégrer davantage de médias ou de sponsors. Ça peut être aussi restructurer les zones d’hospitalité.

On a toujours l’impression, quand le Tour démarre à l’étranger, comme l’année prochaine depuis Copenhague, au Danemark, qu’il échappe un peu à la France. Mais vous, c’est votre objectif?

«Oui. Mais sans perdre la racine. En réalité, on ne perd jamais le caractère français de cet événement. C’est même le contraire, on assure la promotion de la France à l’étranger. C’est l’objectif. Et l’objectif est de sensibiliser le plus de gens possible au sport. C’est comme ça que tout l’écosystème du cyclisme en profite. C’est aussi notre intérêt de promouvoir le tourisme en France. Il y a un exemple frappant, justement, à Yorkshire, où les bars locaux avaient pris des noms français quand le Tour de France était passé. Aujourd’hui, les pays, les régions et les villes hôtes s’approprient le Tour de France.

Le Covid a été un accélérateur pour beaucoup de choses, surtout pour le cyclisme. On le voit en termes d’infrastructures urbaines, de mobilité, de ventes de vélos. Tout le marché, tout l’écosystème, a pu en profiter.
Claude Rach

Claude Rachhead of strategy and business development chez ASO

On le voit cette année avec l’équipe de Dubaï ou d’Israël, l’intérêt va très loin de l’Hexagone. Peut-on imaginer qu’un jour, le Tour aille jusque-là?

«Aujourd’hui, ce n’est pas notre objectif. On veut surtout garder une cohérence sportive et logistique. On a toujours la volonté d’être dans des transferts qui sont cohérents et pas trop difficiles pour les coureurs. Aujourd’hui, quand on a des territoires qui ont un intérêt fort, on a d’autres possibilités que de déplacer le Tour. Quand on va à l’étranger, on essaie d’aller dans une région qui a déjà des champions, qui est déjà enthousiaste, et justement de donner une certaine dynamique supplémentaire à une dynamique déjà existante, mais pas de la lancer. Pour lancer une dynamique, nous avons par exemple les critériums avec la marque ‘Tour de France’. Nous sommes allés en Chine et au Japon. Nous développons des produits cyclosportifs toujours avec la marque ‘Tour de France’, dans une vingtaine de pays, qui vont de la Chine au Brésil.

Le Covid a donné une ambiance particulière. D’un côté, il y a les contraintes, mais de l’autre, de nombreuses personnes ont découvert ou redécouvert les vertus de la Petite Reine. Le Covid, ça a été positif ou négatif, de votre point de vue?

«100% positif! Le Covid a été un accélérateur pour beaucoup de choses, surtout pour le cyclisme. On le voit en termes d’infrastructures urbaines, de mobilité, de ventes de vélos. Tout le marché, tout l’écosystème, a pu en profiter. Justement, notre objectif avec le Tour de France est de devenir un catalyseur pour la bicyclette, et pas que du sport. Nous avons créé des programmes, il y a deux ou trois ans, avec des labels ‘Ville à vélo’, avec des écoliers français, de bienfaisance, avec des pays en voie de développement où le vélo n’est pas encore tout à fait présent. C’est toute une dynamique ancrée sur la bicyclette. Cette année, il y avait 80 villes qui ont obtenu un label ‘Tour de France’ comme une ville fleurie, une ville à vélo. Tout ce qui est bien pour le vélo ne peut que profiter au cyclisme.

Dans ces villes-là, il y a Luxembourg-ville? Des communes luxembourgeoises?

«Cette année, non. Ça se limite à des villes qui ont déjà accueilli le Tour de France, ce qui est le cas de Luxembourg, de Mondorf ou d’Esch-sur-Alzette. J’espère que les villes vont postuler dans l’année à venir. Nous attribuons une note de 1 à 3, et elles peuvent ajouter cela.

Pendant le Tour de France, vous faites quoi exactement? Vous êtes dans la caravane?

«Dans une année normale, je m’occupe surtout de la dimension développement. J’essaie de m’approprier les sujets sur lesquels je travaille et d’être sur place pour parler aux bonnes personnes pour faire évoluer les choses, et j’accueille beaucoup d’invités, avec lesquels je travaille sur les nouveaux projets. Beaucoup de relationnel. Depuis l’année dernière, c’est assez spécial, parce que mon job est transverse. Notre directeur général m’a demandé de travailler sur le volet ‘gestion de crise’ suite au Covid. J’ai été responsable de l’écriture des mesures et du protocole lié au Covid. Du coup, oui, j’ai fait les quatre semaines sur les routes du Tour pour travailler sur la coordination et la mise en place de ce protocole. 

Ce qui est une grosse responsabilité…

«Oui, l’année dernière, c’était assez important parce que c’était un des premiers événements post-déconfinement en septembre. Tous les yeux étaient un peu rivés sur le Tour de France, ceux du monde du sport au sens large. Ça a très bien fonctionné, nous étions très, très contents. Cette année, nous avons répliqué tout cela en l’adaptant évidemment au contexte actuel.

Ça semble s’être plutôt bien passé de ce point de vue-là?

«Oui, il n’y a eu aucun cas dans la bulle ‘Course’. Nous avions mis en place une bulle autour des coureurs, des équipes, des staffs et des personnes de l’organisation qui sont proches des équipes. Les seuls cas positifs étaient parmi les personnes qui ont dû se faire tester avant le Tour de France pour l’intégrer. C’est le protocole qui a permis d’éviter les problèmes dans la bulle. 

Ça veut dire que vous avez bien fait votre travail!

«Ça veut dire que tout le monde a fait du bon travail. Tout le monde. Y compris les autorités, qui nous ont beaucoup aidés. Nous avons même la gendarmerie, les services des pompiers. Nous avons un ‘vaccibus’, sur les départs, pour faire vacciner les gens, aussi. Nous sommes à nouveau arrivés à Paris.

Votre vie, c’est de bouger d’un endroit à un autre, puisque, rappelons-le, ASO est le propriétaire et l’organisateur de 90 événements sportifs dans 25 pays et des disciplines qui vont du vélo (Tour de France, Liège-Bastogne-Liège, Tour de Californie, etc.) à la course à pied (avec, entre autres, les marathons de Paris et de Barcelone), en passant par le Paris-Dakar, des événements de voile, de golf ou de sport de combat, comme le Mud Day.

«Mes quatre-cinq premières années, c’était vraiment plus de la moitié du temps voyage-voyage-voyage. Parce que le développement était surtout porté sur l’international. Je devais aller chercher des projets dans de nouveaux pays et imaginer ce que nous pouvions y faire avec notre expertise. Je suis beaucoup allé au Japon, en Norvège, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, un peu partout. Maintenant, le service s’est agrandi. Je gère plutôt depuis notre siège une équipe qui a des responsabilités plus régionales ou territoriales. Je voyage davantage vers nos filiales, puisque nous avons mis sur pied des filiales en Espagne, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Je m’occupe de la coordination de ces filiales.

Comment vous vous projetez?

«J’ai besoin de nouveaux défis. Avec le Covid, on m’a proposé un beau challenge!

Et j’imagine que vous aimez le cyclisme? Qui sont vos coureurs favoris?

«Ils sont nombreux. J’aime beaucoup Christopher Froome, qui n’est pas du tout en privé le robot qu’on décrit en public. C’est un super coureur. Après, j’aime bien ces coureurs qui s’engagent bien au-delà de la Grande Boucle, comme Mark Cavendish, Fabian Wegmann ou Marcel Kittel.»

Quelques heures plus tard, au terme d’un sprint passé de 350 à 700 mètres cette année, c’est le champion de Belgique, Wout Van Aert, qui empêche le Britannique Mark Cavendish de devenir le recordman du nombre de victoires d’étapes sur le Tour de France… et de détrôner un certain Eddy Merckx, avec lequel il partagera encore un moment la première place, avec 34 victoires.