Julien Pillot, Head of Office Agency d’INOWAI, et Tom Beiler, architecte associé de Beiler François Fritsch Crédit : montage Maison Moderne

Julien Pillot, Head of Office Agency d’INOWAI, et Tom Beiler, architecte associé de Beiler François Fritsch Crédit : montage Maison Moderne

Si le télétravail s’est démocratisé, les bureaux ne vont pas disparaître pour autant. Ils seront simplement différents de ceux que nous avons connus jusqu’à présent. Julien Pillot, Head of Office Agency d’INOWAI, et Tom Beiler, architecte associé de Beiler François Fritsch, évoquent leur vision de l’avenir des bureaux.

La crise sanitaire a affecté et affecte encore aujourd’hui de nombreux pans de notre économie. Alors que, depuis un an, le télétravail s’est généralisé au Luxembourg, le secteur de l’immobilier de bureaux, notamment, doit s’adapter et se repenser. «Comme bon nombre d’activités, l’immobilier de bureaux a été impacté par le Covid-19, témoigne Julien Pillot, Head of Office Agency au sein d’INOWAI. L’immobilisation des chantiers en cours et l’arrêt des visites de biens durant le confinement ont en effet entraîné un ralentissement de l’activité, qui reste encore perceptible à ce jour, et retardé la prise en occupation de certains bureaux.» Le nombre de mètres carrés pris en occupation au Luxembourg a ainsi diminué de 43%, tandis que celui des transactions a enregistré une baisse de 18%. En revanche, en matière de conception des projets, l’activité semble s’être poursuivie sans trop de heurts. «Nous avons constaté un léger ralentissement dans le développement de projets de grande envergure, mais la pandémie n’a eu aucun effet sur ceux de plus petite taille», confie Tom Beiler, architecte associé de l’atelier Beiler François Fritsch.

Une vision du bureau différente

Ce que la crise sanitaire a surtout changé, c’est la façon dont les immeubles de bureaux et les espaces de travail sont appréhendés. «Le fait que l’on puisse désormais travailler de manière flexible – depuis son domicile, un hôtel ou tout autre endroit – et que l’on se rende compte que la plupart des activités peuvent être poursuivies de cette façon a contribué à modifier la manière dont on envisage les lieux de travail», explique Julien Pillot.

«Ces dernières années, la vision que l’on a de cet outil qu’est le bureau a évolué. La situation que nous vivons depuis un an a encore renforcé cette tendance et accéléré la réflexion sur le sujet, poursuit Tom Beiler. Un bureau, aujourd’hui, ce ne sont plus simplement des mètres carrés occupés ou uniquement des postes de travail mis à disposition des collaborateurs.» Le bureau, c’est bien plus que cela.

Ces dernières années, la vision que l’on a de ce qu’est un bureau a évolué, et la situation que nous vivons depuis un an a encore renforcé cette tendance. 
Tom Beiler

Tom Beilerarchitecte associéBeiler François Fritsch

De plus en plus d’entreprises voient dans leur bâtiment un élément constitutif de leur image de marque et un vecteur de communication. «Le bureau devient ainsi un outil d’échange, de marketing, d’image, de recrutement, qui représente la société et sa vision. Cette conception du bureau se reflète dans la typologie des immeubles et leur architecture, souligne Tom Beiler. À l’avenir, on devrait donc trouver davantage d’immeubles plus typés, intégrant une dimension humaine forte, et ce même à l’échelle de grands développements

Occuper l’espace autrement

Face à la pandémie, de nouvelles façons de travailler ont également émergé, modifiant la façon dont nous occupons les espaces. Au sortir de la crise, le télétravail devrait perdurer. S’il ne se prolongera pas de manière aussi intensive que ce que l’on connaît aujourd’hui, il semble toutefois impensable de revenir au «tout-bureau» comme avant.

Dans ce contexte, la fonction des immeubles de bureaux est amenée à se transformer, tout comme la manière dont ils sont conçus et utilisés. «La crise sanitaire a démontré qu’une grande partie des tâches des collaborateurs peuvent très bien – et même parfois mieux – être réalisées en dehors du bureau. Bien plus qu’un espace où l’on fait son travail, les locaux d’une entreprise devront donc se positionner comme un lieu de communication et de partage, configuré pour faciliter la rencontre et l’échange entre les collaborateurs», considère Julien Pillot.

Bien plus qu’un espace où l’on fait son travail, les bureaux d’une entreprise devront se positionner comme un lieu de communication et de partage.
Julien Pillot

Julien PillotHead of Office Agency INOWAI

Davantage d’espaces lounge, de zones de rassemblement et de réunion plus informelles devraient se développer. «Pouvoir se retrouver en équipe, autour d’une même table, reste essentiel. Imaginer et aménager des espaces adaptés, qui favorisent ce contact, est donc primordial», précise l’architecte. Les open spaces, quant à eux, devraient retrouver une taille plus humaine, en regroupant 4 à 6 personnes, et adopter la politique du ‘flex desk’ pour optimiser les espaces. «Entre les personnes en télétravail, en congé, en maladie ou en déplacement, tous les postes ne sont jamais pleinement occupés au sein d’une entreprise. Le concept de bureau partagé, qu’un collaborateur peut choisir en fonction de la tâche qu’il a à effectuer, devrait donc se généraliser», indique l’expert d’INOWAI. Enfin, on devrait voir se multiplier de petits espaces plus intimes, permettant de s’isoler pour se concentrer sur un projet, passer un appel téléphonique ou participer à une visioconférence.

Par ailleurs, alors que bon nombre de travailleurs ont goûté au home working, il sera important pour les employeurs de donner envie aux collaborateurs de (re)venir travailler au bureau, et ce en ajoutant un peu plus de services dans les bâtiments, à travers, par exemple, un restaurant d’entreprise, une salle de fitness ou une conciergerie.

Santé et bien-être avant tout

Face à la crise sanitaire, la santé et le bien-être des occupants prennent aussi une importance grandissante. Les Millennials, déjà, en accordant une plus grande attention à leur environnement de travail et à l’équilibre vie privée/vie professionnelle que les générations précédentes, avaient permis d’amener ces sujets sur la table. Avec la pandémie, il n’est désormais plus possible de les éviter.

La qualité de l’environnement de travail devient cruciale. Lumière naturelle, air sain, température adéquate, qualité et durabilité des matériaux, espaces verts et jardins sont autant d’éléments désormais indissociables de la conception des immeubles de bureaux. «Il y a encore cinq ans, on s’attachait principalement aux certifications environnementales des bâtiments. Aujourd’hui, le confort des occupants entre également en jeu. Des labellisations, comme le WELL Building Standard, existent d’ailleurs, afin de certifier les bâtiments qui prennent cet élément en compte dans leur conception», explique Julien Pillot. Au Luxembourg, trois immeubles sont en phase d’être certifiés WELL.

La pandémie devrait donc bel et bien transformer nos bureaux.

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