Manuel Maleki, économiste États-Unis et matières premières chez Edmond de Rothschild. (Photo: Edmond de Rothschild)

Manuel Maleki, économiste États-Unis et matières premières chez Edmond de Rothschild. (Photo: Edmond de Rothschild)

Dans la dernière chronique des chefs économistes de l’année 2020, Manuel Maleki, économiste États-Unis et matières premières chez Edmond de Rothschild, analyse l’impact potentiel de la future équipe Biden au niveau de l’économie américaine.

Dans l’attente de sa prise de fonction officielle comme président des États-Unis le 21 janvier 2021, Joe Biden a commencé à nommer les personnes qui devraient composer son équipe économique. Ce processus est complexe car il nécessite de la part du nouveau président de composer avec les sensibilités internes au parti démocrate, mais aussi avec sa propre vision politique. De plus, il doit s’assurer que les probabilités que les républicains s’opposent à ces nominations, s’ils sont majoritaires au Sénat, soient faibles. En effet, les personnes-clés de l’administration américaine doivent être auditionnées par le Sénat et obtenir l’aval de ce dernier pour pouvoir exercer leur nouvelle fonction.

Connaître les personnes qui entoureront Joe Biden est un élément important qui devrait permettre de mieux appréhender les orientations que le président souhaite donner à sa politique.

Les nominations connues à ce jour, dont celle de Janet Yellen, l’ancienne présidente de la Réserve fédérale, qui brigue le poste de secrétaire au Trésor, s’inscrivent totalement dans la stratégie élaborée par Joe Biden que l’on pourrait qualifier «d’hypercentrisme». En effet, dès l’élaboration de son programme de campagne, Joe Biden s’est évertué à faire la synthèse de différents éléments relativement lointains les uns des autres. Par exemple, il a fait de la transition énergétique un élément-clé de son programme en donnant des gages à la frange la plus écologique de son parti. Ceci se matérialise à travers son plan de 2.000 milliards de dollars sur quatre ans pour financer cette transition. Dans le même temps, il a mis au cœur de son discours la défense des classes moyennes et de l’industrie américaine. 

Dès l’élaboration de son programme de campagne, Joe Biden s’est évertué à faire la synthèse de différents éléments relativement lointains les uns des autres.

Manuel Malekiéconomiste États-Unis et matières premièresEdmond de Rothschild

Il apparaît que les quelques personnes que l’on connaît pour le moment illustrent cette stratégie «d’hypercentrisme». Ils ont comme premier objectif de défendre à court terme les classes moyennes contre la crise du Covid-19. Selon elles, dans un premier temps, cette défense consiste à mettre en place rapidement un plan de soutien conséquent qui pourrait dépasser, si nécessaire, le plan de 908 milliards de dollars actuellement négocié entre les républicains et les démocrates, ce qui représente environ 5% du PIB. Notons que jusqu’à présent, les plans d’urgence mis en place par l’administration Trump atteignent environ 13% du PIB. Dans le plan actuellement négocié, il existe encore des points d’achoppement, comme l’absence d’un soutien direct aux ménages, contrairement au chèque de 1.200 dollars envoyé à de nombreux Américains au printemps 2020.

La nouvelle équipe de Joe Biden veut aller vite car elle veut éviter que cette crise, issue d’un choc externe, l’émergence d’une épidémie, ne se transforme en un phénomène endogène qui impacterait fortement et durablement les structures de l’économie américaine. En effet, son but est d’éviter de retomber dans la situation connue lors de la crise de 2008, où elle avait fortement impacté les structures de l’économie, ce qui a participé à l’allongement du temps nécessaire pour retrouver la situation d’avant-crise.

Janet Yellen et les autres membres de l’administration Biden estiment qu’il faut mettre au cœur de l’action politique la lutte contre les inégalités.

Manuel Malekiéconomiste États-Unis et matières premièresEdmond de Rothschild

Cette gestion de la crise à court terme ne doit pas faire oublier les enjeux de plus long terme. Janet Yellen et les autres membres de l’administration Biden estiment qu’il faut mettre au cœur de l’action politique la lutte contre les inégalités. Cette lutte a pour objectif de renforcer les classes moyennes, et ceci passe par un accroissement des dépenses publiques. Ces dernières seraient orientées, pour une part, vers les classes moyennes à travers, par exemple, des aides au financement des études universitaires et, d’autre part, vers des investissements publics directs dans les infrastructures ou bien la recherche et développement. Le financement de ces dépenses se ferait par une augmentation de la pression fiscale sur les ménages les plus aisés, ceux qui gagnent plus de 400.000 dollars par an. Le deuxième gros contributeur devrait être les grandes entreprises.

Il faut noter, toutefois, que Janet Yellen devra non seulement travailler sur la gestion de la crise du Covid-19, mais aussi sur des questions plus structurelles, comme le financement de la transition énergétique ou la question de la dette publique – cette dernière a dépassé au 3e trimestre 2020 135% du PIB.

En conclusion, Joe Biden a donc choisi une équipe qui devrait globalement faire consensus au sein du camp démocrate sans se heurter à trop de résistance dans le camp républicain. Il reste fidèle à sa stratégie «hypercentriste» qui pourrait lui permettre de faire accepter quelques éléments-clés de son programme, même si le Sénat échappe aux démocrates.