Jean-Yves Leborgne, Portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch / Archives Maison Moderne)

Jean-Yves Leborgne, Portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch / Archives Maison Moderne)

L’année 2019 pourrait être marquée par un immobilisme généralisé des principales banques centrales, surtout après les discours accommodants de leurs présidents au cours des dernières semaines.

BCE et BoJ… rien à signaler

Sans surprise, la BCE (Banque centrale européenne) a annoncé qu’aucune hausse de taux n’interviendrait cette année. Cette annonce fait suite au ralentissement économique qui a touché l’économie de la zone euro depuis 2018 et qui semble à peine se stabiliser à présent. Dans ce contexte, l’inflation ne devrait pas être une menace à court terme et tout concorde donc pour que la BCE ne modifie pas ses taux directeurs avant 2020.

Du côté de la BoJ (Bank of Japan), le discours est connu depuis plus longtemps encore: l’incapacité de l’économie à retrouver le chemin de l’inflation pousse la banque centrale, encore et encore, à maintenir une politique de taux bas. Lors de sa dernière réunion de politique monétaire, la BoJ a même précisé qu’il n’y aurait pas de relèvement de taux avant le printemps de l’année prochaine. Il n’y a donc rien à en attendre.

Fed: qui a parlé d’une baisse de taux?

Depuis le début de l’année, la Fed tient un discours très accommodant, effaçant même les anticipations d’une ou plusieurs hausses de taux, ce qui a permis un rebond spectaculaire des bourses à travers le monde. La Fed a même prévu d’arrêter la réduction de son bilan en septembre prochain. Ceci intervient, un peu comme dans le cas de la BCE, dans un contexte de ralentissement économique et de révision à la baisse de la plupart des prévisions économiques des institutions internationales. Il faut y ajouter les pressions du président Trump, qui verrait bien la Fed lui donner un petit coup de pouce en vue des élections présidentielles de 2020, pour stimuler l’économie en abaissant donc ses taux.

Mais c’était sans compter sur une croissance économique plus forte que prévu au premier trimestre (3,2% en rythme trimestriel annualisé) et surtout sur un marché du travail toujours très dynamique. Dès lors, la Fed ne donne pas (plus) l’impression, à ce stade, de vouloir baisser ses taux dans l’immédiat. Au contraire, si la croissance reste solide, le risque de voir de nouvelles pressions inflationnistes se développer reste bel et bien présent. Tout ceci ne plaide donc pas en la faveur d’une baisse de taux cette année, comme on pouvait encore le penser il n’y a pas si longtemps.

BoE: gare au Brexit!

Lors de la dernière réunion de la banque centrale d’Angleterre (BoE), les membres siégeant au directoire ont voté à l’unanimité pour le statu quo. La question était par ailleurs de savoir si la BoE adopterait un discours plus optimiste compte tenu de l’extension de l’article 50 du traité de Lisbonne, et donc du délai supplémentaire avant le Brexit, prévu pour le 31 octobre 2019 au plus tard.

La réponse est partiellement affirmative. Il est vrai que le discours est légèrement plus optimiste, mais la BoE table toujours sur une croissance modérée au cours des prochains trimestres, notamment en raison d’investissements faibles des entreprises, qui continueront à s’interroger sur l’avenir du Brexit.

Par contre, la BoE table toujours sur une croissance des salaires proche de 3,5% à 4%, ce qui pourrait créer des pressions inflationnistes et la nécessité d’une politique monétaire un peu plus restrictive. Le gouverneur de la BoE a d’ailleurs rappelé au marché qu’il ne fallait pas sous-estimer sa capacité à lutter contre les pressions inflationnistes.

Aucune des quatre grandes banques centrales ne semble décidée à modifier ses taux directeurs en 2019.

Jean-Yves LeborgnePortfolio manager ING Luxembourg

Ceci étant, le Brexit reste bel et bien une menace pour l’économie britannique. L’ignorer serait une erreur. Pour cette raison, et malgré une situation macroéconomique meilleure, nous pensons que la BoE maintiendra finalement son taux directeur inchangé cette année.

En conclusion, aucune des quatre grandes banques centrales ne semble décidée à modifier ses taux directeurs en 2019. Mais le calme est un trompe-l’œil: l’absence de mouvement que nous attendons traduit un questionnement important sur la direction prise par les économies et une sorte d’indécision des banques centrales, confrontées à des signaux parfois contradictoires et à un contexte économique général marqué par de nombreux risques. La situation pourrait donc encore évoluer dans les prochains mois…

Taux directeurs des principales banques centrales. (Source: Thomson Reuters Datastream) 

Taux directeurs des principales banques centrales. (Source: Thomson Reuters Datastream)