Le ministre de l’Immigration et de l’Asile, Jean Asselborn, rejette les critiques de la CCDH concernant la façon dont est décidé le retour ou non des mineurs non accompagnés dans leur pays d’origine. (Photo: MAEE)

Le ministre de l’Immigration et de l’Asile, Jean Asselborn, rejette les critiques de la CCDH concernant la façon dont est décidé le retour ou non des mineurs non accompagnés dans leur pays d’origine. (Photo: MAEE)

Le ministre de l’Immigration et de l’Asile a réagi jeudi à l’avis de la Commission consultative des droits de l’Homme concernant le projet de règlement grand-ducal relatif à la composition et au fonctionnement de la commission consultative d’évaluation de l’intérêt supérieur des mineurs non accompagnés.

Jean Asselborn a rapidement répondu jeudi à la publication, mercredi, de l’avis de la CCDH – un texte de sept pages trempé dans le vitriol. En cause: le projet de règlement grand-ducal voué à fixer les modalités de la commission consultative chargée de l’évaluation de l’intérêt supérieur des mineurs non accompagnés dans le cadre d’une décision de retour, commission créée par une modification de la loi de 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

De fait, cette commission fonctionne depuis 2018 alors même que sa base légale n’a été votée qu’en octobre dernier par la Chambre des députés, souligne la CCDH, qui «salue sa régularisation». L’organe consultatif s’indigne toutefois «avec véhémence» d’avoir dû «adresser plusieurs demandes» au ministère de tutelle avant d’enfin obtenir les textes des projets de règlement grand-ducal à aviser.

Il est absolument évident qu’afin de garantir la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’évaluation de celui-ci devrait être faite par un organe pluridisciplinaire, neutre et indépendant.

CCDH

Sur le fond, la CCDH réitère ses critiques vis-à-vis de la commission consultative composée de représentants de l’Office national de l’enfance (ONE), de l’Office national de l’accueil (ancien OLAI), et du ministère des Affaires étrangères et européennes, ainsi que d’un magistrat des Parquets de Luxembourg ou de Diekirch. «Il est absolument évident qu’afin de garantir la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’évaluation de celui-ci devrait être faite par un organe pluridisciplinaire, neutre et indépendant», s’insurge la CCDH, rappelant les mots de la directive européenne «retour»: «Avant que soit prise une décision de retour concernant un mineur non accompagné, l’assistance d’organismes compétents autres que les autorités chargées d’exécuter le retour est accordée en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant».

La CCDH aurait également voulu que des acteurs autres que les services étatiques soient représentés au sein de cette commission, comme le recommandent d’ailleurs la Commission européenne, le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés ou le Comité des droits de l’enfant. Elle salue le rôle d’observateur dévolu à l’Ombuds-Comité pour les droits des enfants (ORK) et prône la modification de la commission pour lui donner une «multidisciplinarité» qui garantirait son indépendance. Le Centre psycho-social et d’accompagnement scolaires pourrait également être associé au processus afin de veiller à la scolarité et à la santé mentale du mineur non accompagné.

Le ministre ne saurait accepter les reproches selon lesquels le règlement grand-ducal, voire la pratique des retours de mineurs non accompagnés dans leur pays d’origine, constitueraient une violation manifeste de nos valeurs et droits fondamentaux.

Jean Asselbornministre de l’Immigration et de l’Asile

La CCDH soulève encore la question des critères d’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant alors qu’aucune demande de protection internationale de mineurs non accompagnés n’a été acceptée après avis de la commission. La CCDH réitère sa proposition d’«indicateurs précis permettant de déterminer quand un retour serait dans l’intérêt supérieur du mineur». Et réclame que le mineur puisse être «accompagné d’une personne de confiance de son choix».

«Le ministre reste ouvert à des critiques constructives et, in fine, prendra en compte non seulement l’avis du Conseil d’État et de la CCDH, mais également l’avis du Lëtzebuerger Flüchtlingsrot, voire tout autre avis soumis», précise M. Asselborn dans un communiqué. Il y ajoute que le rôle d’observateur externe dévolu à l’ORK correspond à la volonté même de ce dernier.

M. Asselborn «ne saurait cependant accepter les reproches selon lesquels le règlement grand-ducal, voire la pratique des retours de mineurs non accompagnés dans leur pays d’origine, constitueraient une violation manifeste de nos valeurs et droits fondamentaux». Il rappelle qu’«une évaluation familiale est systématiquement effectuée par l’Organisation internationale pour les migrations […] et dûment prise en compte avec tous les autres éléments du dossier, ainsi que la situation personnelle du mineur, afin de déterminer s’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de retourner dans son pays d’origine». Ainsi, «il peut y avoir des situations où il est manifestement dans l’intérêt du mineur de retourner vivre auprès de ses parents, notamment quand il est question de pays d’origine sûrs. L’intérêt supérieur de l’enfant est analysé de manière objective et individuelle.»

Le ministère ajoute que 42 mineurs non accompagnés ont obtenu une protection internationale au Luxembourg en 2018 et 2019. Leur cas n’a pas été soumis à la commission consultative puisqu’ils remplissaient les conditions pour bénéficier du droit d’asile.