C’est sur une image comme celle-ci, au dos d’un paquet de cigarettes acheté au Luxembourg, qu’un sexagénaire de Metz a retrouvé une photo de sa jambe, amputée après une agression. Il dit n’avoir jamais donné son consentement. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

C’est sur une image comme celle-ci, au dos d’un paquet de cigarettes acheté au Luxembourg, qu’un sexagénaire de Metz a retrouvé une photo de sa jambe, amputée après une agression. Il dit n’avoir jamais donné son consentement. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Un sexagénaire albanais de Metz a eu la surprise de retrouver une photo de sa jambe amputée sur un paquet de cigarettes acheté par son fils au Luxembourg. Il n’a jamais donné son consentement, dit-il. Donneuse d’ordre, la Commission européenne répond avoir toutes les garanties.

La Commission européenne a-t-elle été trop légère... avec son propre règlement européen sur la protection des données (RGPD)?

Un Albanais de Metz accuse en tout cas l’institution européenne de diffuser sur certains paquets de cigarettes l’image de sa jambe amputée... après une agression en Albanie et pas à cause du tabac, sans qu’il n’ait jamais donné son consentement, . Il a vu l’image sur un paquet de cigarettes acheté par son fils au Luxembourg.

42 images achetées 600.000 euros

Pour la Commission européenne, répond la porte-parole de la DG Santé, Aikaterini Apostola, à Paperjam, «la personne mentionnée ne figure pas dans la bibliothèque des avertissements de santé».

Elle assure aussi «qu’en ce qui concerne les avertissements de santé illustrés – figurant à l’annexe II de la directive 2014/40/UE –, les services de la Commission ont pris les précautions nécessaires pour que la production des photos utilisées comme avertissements de santé illustrés soit soigneusement documentée. Et que toutes les personnes dépeintes dans la bibliothèque des avertissements sanitaires étaient pleinement informées de l’utilisation de leur image et donnaient leur consentement à une telle utilisation.»

«Enfin», dit-elle, «veuillez noter que la Commission a obtenu le droit d’auteur intégral sur toutes les images utilisées dans le cadre de ces avertissements de santé».

Les images que l’on peut découvrir sur les paquets de cigarettes en Europe appartiennent toutes à la Commission européenne. Pour obtenir ces 42 images, trois pour chacun des 14 messages d’avertissement, elle a passé un appel d’offres et a retenu celles qui lui semblaient les plus indiquées auprès de «contractants extérieurs», pour un montant de plus de 600.000 euros.

Pourquoi trois images par avertissement? Parce que l’image diffusée change chaque année.

Ce n’est pas la première fois que la Commission européenne est confrontée à ce sujet. En 2016,  intubé sur son lit d’hôpital... Joseph Nizet était décédé depuis six ans. La photo figure toujours dans la base que la Commission européenne a transmise à Paperjam, jeudi matin. C’est la photo 1 de l’avertissement 5.

La CNPD, interlocuteur de référence

Comment faire pour obtenir le retrait d’une photo dans ce genre de situation?

«Le mieux est de s’adresser à la CNPD (la Commission nationale pour la protection des données), explique Cyril Pierre-Beausse, avocat spécialisé dans la protection des données chez CLAW. «La difficulté pour un individu, dans ce cas, est de trouver le véritable responsable du traitement de la donnée. La Commission européenne? Le cigarettier? La CNPD va pouvoir examiner les bases légales et juridiques.»

Il ne faut pas oublier que si on a donné son consentement, il est aussi possible de le retirer.
Cyril Pierre-Beausse

Cyril Pierre-Beausseavocat spécialisé en protection des donnéesCLAW

Prudent, l’avocat que Paperjam a sollicité par téléphone jeudi matin ajoute: «C’est étonnant que la Commission européenne ait pu être aussi légère. Ces personnes ont déjà souffert dans leur chair. Mais en plus, à l’heure où l’Union européenne met la pression sur les organisations et les sociétés pour la gestion des données personnelles, ça fait un peu désordre...»

«Il ne faut pas oublier que si on a donné son consentement, il est aussi possible de le retirer», ajoute enfin le spécialiste de la protection des données. «À partir de là, la Commission peut difficilement faire autrement que de retirer cette photo. Elle devrait avertir les fabricants de tabac de ne plus l’utiliser. Et au pire, autoriser que les paquets déjà imprimés soient utilisés.»

Depuis le lancement de la directive européenne sur la protection des données, le 25 mai 2018, . Mais ce n’est pas la seule voie de recours.

Pour aller plus loin

L’ONG américaine Tobacco-Free Kids  à l’échelle mondiale et leur impact.