Lorraine Chéry, avocat à la Cour, senior associate. (Photo: Castegnaro)

Lorraine Chéry, avocat à la Cour, senior associate. (Photo: Castegnaro)

La Cour vient récemment de se prononcer sur la validité d’un licenciement avec effet immédiat fondé sur l’exercice par le salarié d’une activité parallèle pratiquée notamment durant son congé de maladie.

Était concerné en l’espèce, un salarié engagé en qualité de dessinateur technique, licencié pour faute grave pendant son congé parental à mi-temps, après plus de 18 années de «bons et loyaux services».

Plusieurs motifs gisaient à la base de son licenciement, et notamment l’exercice par le salarié d’activités parallèles[1] non autorisées par l’employeur, et ce à partir des moyens techniques mis à disposition dans le cadre de son contrat de travail. L’employeur reprochait plus précisément au salarié:

-       la violation de la clause d’exclusivité stipulée dans son contrat de travail;

-       la violation de son obligation de loyauté pour s’être adonné à cette activité pendant des périodes de maladie.

Invoquant le caractère abusif de son licenciement, le salarié avait alors saisi le Tribunal du travail de et à Diekirch aux fins de voir son ancien employeur condamné de ce chef.

Débouté de son action en première instance, le salarié a réitéré ses contestations en appel en prétendant qu’il ne faisait qu’exercer, comme un certain nombre d’autres salariés de la société, de simples hobbys non concurrentiels à l’activité de l’employeur, dont l’exercice n’empiétait aucunement sur ses obligations professionnelles.

Violation de la clause d’exclusivité? Non, car l’activité exercée n’était pas une activité professionnelle rémunérée.

Face aux prétentions de l’employeur, la Cour a tout d’abord pris le soin de procéder à une analyse minutieuse de la clause d’exclusivité insérée dans le contrat de travail du salarié, afin de savoir si les activités litigieuses exercées parallèlement par ce dernier constituaient ou non des activités professionnelles accessoires prohibées par ladite clause.

Les développements de la Cour sont forts d’enseignements en ce qu’elle s’attache à rappeler les principes, conditions de licéité et contours de la clause d’exclusivité. La Cour s’intéresse plus particulièrement à l’activité bénévole exercée par le salarié pour le compte ou dans l’intérêt d’autrui, et affirme que la clause d’exclusivité insérée au contrat de travail ne peut avoir pour effet de l’interdire, dans la mesure où elle «n’est pas assimilable à une activité professionnelle parallèle, susceptible d’avoir une influence préjudiciable pour son employeur».

La Cour en déduit que faute de preuve, il ne peut pas être affirmé que le salarié exerçait réellement – au sens de ladite clause d’exclusivité – une activité professionnelle parallèle pour le compte d’un autre employeur, contre rémunération.

Pour la Cour, les activités parallèles du salarié devaient dès lors être qualifiées de «hobbys» exercés de «façon quasi professionnelle et dont il voulait faire son métier».

L’exercice d’un hobby en parallèle du contrat de travail justifie-t-il le licenciement du salarié? Oui, s’il est exercé durant la maladie et donc s’il empiète sur le travail du salarié.

C’est en quelque sorte de façon inédite que la Cour a posé le principe suivant lequel «si l’employeur ne peut ni empêcher ni sanctionner un salarié qui s’adonne même de façon relativement démesurée ou envahissante à sa passion, à son hobby, il en va autrement lorsque l’exercice de ce hobby empiète de façon préjudicielle sur son travail effectif».

Pour la Cour, le fait de s’être adonné à une activité parallèle de façon permanente durant un congé de maladie de deux jours constitue un acte de déloyauté de la part du salarié et justifie à lui seul son licenciement avec effet immédiat et ce d’autant plus que des faits similaires s’étaient produits quatre mois auparavant[2].

La Cour ajoute de plus que le comportement du salarié durant son incapacité de travail était de nature i.) à remettre en cause la véracité de sa maladie et partant ii.) à rompre la confiance mutuelle devant exister entre lui et son employeur.

À l’inverse de ce que l’on aurait pu croire, la forte ancienneté du salarié n’a pas été une circonstance atténuante dans l’appréciation du bienfondé du licenciement par la Cour, cette dernière précisant qu’une telle ancienneté peut «inciter le salarié à prendre des libertés qu’il n’a pas, ce qui a été le cas en l’espèce».

La Cour conclut donc que le fait pour le salarié de «s’être adonné à une activité parallèle, fût-elle professionnelle ou non, durant son incapacité de travail pour maladie, sont à suffisance établis, de sorte que le jugement est à confirmer en ce qu’il a déclaré le licenciement avec effet immédiat régulier et légitime».

Cette décision de la Cour se situe ainsi dans la lignée jurisprudentielle, puisque, cette dernière avait déjà jugé, au prisme de l’obligation de loyauté, que l’accomplissement d’une activité accessoire par le salarié, qu’elle soit professionnelle ou non, alors qu’il se trouvait en arrêt de maladie, était de nature à ébranler la confiance devant exister entre le salarié et son employeur, justifiant ainsi un licenciement avec effet immédiat, et ce même s’il s’agissait d’un fait isolé[3].

Cour d’appel, 30 mars 2017, n°43156 du rôle

[1] Le salarié produisait en l’espèce des films et vidéos qu’il publiait ensuite notamment sur les réseaux sociaux.

[2] La Cour a notamment jugé que «s’il est vrai qu’un salarié malade n’est pas obligé (…) de passer son congé de maladie alité, il n’en reste pas moins qu’un salarié qui profite de ces deux journées d’absence pour s’adonner de façon permanente à son hobby en finissant un projet de film, commet un acte de déloyauté à l’égard de son employeur, acte qui justifie à lui seul un licenciement avec effet immédiat».

[3] Cour d’appel, 11 octobre 2012, n°37324 du rôle (le salarié s’adonnait à des travaux de rénovation sur son chantier privé pendant la maladie); Cour d’appel, 6 décembre 2012, n°36121 du rôle (la participation active d’un salarié en arrêt de maladie à des représentations données avec son groupe de «metal hardcore» lors desquelles il se «déchaînait» démontre que le salarié ne se trouvait pas dans une incapacité de travailler, justifiant ainsi son licenciement avec effet immédiat); Cour d’appel, 24 janvier 2013, n°3795 du rôle (le salarié exerçait pour son propre compte une activité d’agent immobilier durant son congé de maladie).