KBL est passée sous le contrôle de Precision Capital en 2011, en même temps que la BIL. (Maison Moderne/archives)

KBL est passée sous le contrôle de Precision Capital en 2011, en même temps que la BIL. (Maison Moderne/archives)

Cet été, Paperjam vous replonge dans les coulisses de sujets qui ont fait l’actualité et l’histoire de la Place en leur temps. Aujourd’hui, la cession de KBL à Precision Capital.

La crise des subprimes a bouleversé le paysage bancaire mondial et luxembourgeois: des noms prestigieux ont disparu – comme Sal Oppenheim –, d’autres sont réapparus comme la BIL et BGL qui ont été sauvées par l’État avant d’être adossées à de nouveaux actionnaires. Et d’autres ont changé de propriétaires sous la pression de Bruxelles. Ce fut le cas de KBL.

KBL appartenait à la galaxie KBC, la banque des Flamands en Belgique tournée vers l’international. Une galaxie à la structure compliquée: les deux banques dépendaient du groupe Almanij, qui était la structure faîtière cotée en bourse. Tout comme était également cotée la «filiale» luxembourgeoise, KBL. Une «blue chip» à la Bourse de Luxembourg. Le bon sens populaire disait que si tu avais un peu de KBL dans ton portefeuille, tu ne faisais rien de mal…

C’est en 2004 que le groupe prend la décision de simplifier sa structure: dans un premier temps, Almanij lance une OPA (offre publique d’achat) sur KBL. Déjà propriétaire d’une partie importante de la banque, Almanij a cherché à faire un «kick out» des autres actionnaires qui étaient principalement de grandes familles luxembourgeoises qui étaient au capital de KBL depuis sa fondation en 1949. Dans un second temps, il était prévu que KBC absorbe sa maison mère via une OPE (opération publique d’échange) et devienne seul maître à bord de la structure simplifiée.

L’échec de la famille Hinduja

La crise financière de 2008 va remettre ce «meccano» en question. En contrepartie des aides reçues du gouvernement fédéral belge, la Commission européenne exige des cessions. Des filiales sont donc mises en vente: Centea, Fidea, Kredyt Bank, ADB, KBC Deutschland, Absolut Bank et KBL. Un programme de cession qui sera bouclé en 2014.

KBC et KBL se sont donc mises à la recherche d’un repreneur.

Le premier candidat fut le conglomérat familial indien Hinduja en 2010. Les contacts avec le management local furent peu chaleureux, ce dernier n’appréciant manifestement pas les manières des futurs propriétaires putatifs. Mais ce n’est pas pour cela que l’opération allait échouer. La procédure d’agrément était, en soi, complexe: la CSSF était chef de file et devait se concerter avec tous les régulateurs des pays où KBL était active via son réseau de filiales de banques privées. Une concertation qui prendra plus d’un an pour arriver à la conclusion que les conditions n’étaient pas réunies pour vendre KBL à Hinduja.

Les raisons invoquées à l’époque étaient doubles. D’abord, le manque d’entrain et de transparence de la famille Hinduja pour communiquer les informations requises par les régulateurs. Et surtout un montage de financement extrêmement compliqué pour s’acquitter du prix de vente convenu de 1,350 milliard d’euros. La famille Hinduja voulait, en fait, opérer un échange en cédant au nouveau groupe KBL ses participations dans différentes entités, notamment en Suisse – des participations largement surévaluées pour rendre la mariée plus belle. Ni la CSSF ni les autorités prudentielles suisses n’ont validé un montage qui aurait, in fine, conduit à vider de toute sa substance KBL, qui disposait d’un confortable matelas de cash et qui n’avait pas souffert de la crise des subprimes.

Les appétits qataris

Les recherches pour un nouveau repreneur reprirent et il fallut une année pour qu’un nouveau candidat se manifeste: ce sera Precision Capital, qui proposera 1,05 milliard pour KBL.

Un manque à gagner de 345 millions d’euros pour le vendeur par rapport à l’offre indienne. Le groupe KBC avait-il surestimé sa filiale ou était-il contraint de ne pas faire la fine bouche face à une offre qui arrivait juste avant la limite fixée par la Commission pour une vente qui devait être finalisée pour 2013? À moins qu’ils ne se soient fait forcer la main? La question reste encore à trancher.

2011, c’est la grande année du Qatar au Luxembourg. Hasards du calendrier, l’annonce du rachat de KBL tombe concomitamment avec celui du rachat de la BIL en octobre 2011. Peu après une visite officielle du Premier ministre qatari en juin, visite dont le but était de dissiper le malaise né du rachat par Qatar Airways de la participation que détenait la défunte Swissair dans Cargolux – soit 33,69% du capital – à des conditions très favorables par rapport aux actionnaires publics. Un soupçon de collusion qui s’étendra aussi aux rachats de la BIL et de KBL et que réfuteront les principaux intéressés, en tête. Les Qataris disposaient cependant d’un bon réseau au Luxembourg avec des personnalités comme l’avocat , qui siégera au conseil d’administration de Cargolux, ou encore qui siégea à la tête de la BIL entre 2011 et 2014.

Cette visite avait été l’occasion d’annoncer d’autres partenariats «stratégiques» dans l’aviation, l’espace et les services financiers. De fait, les intérêts qataris s’intéressaient déjà à KBL alors que, dans le même temps, Luc Frieden, ministre des Finances, leur proposait de se pencher sur le cas de la BIL.

Que reste-t-il de cette frénésie d’investissement? Des bénéfices substantiels pour les Qataris – la BIL a été achetée pour 730 millions d’euros, un très bon prix, et revendue pour 1,484 milliard – mais une greffe qui n’a pas pris. Dans la petite communauté des banquiers luxembourgeois, George Nasra fait figure d’arlésienne. On ne le voyait au pays que lorsqu’il y était contraint, c’est-à-dire lorsque la CSSF appelait à des réunions les banques systémiques. Même discrétion à l’ABBL, où KBL avait historiquement un siège au conseil d’administration. Siège qu’ils n’ont d’ailleurs plus désormais.

KBL, rebaptisée Quintet, a quelque peu perdu de sa superbe au fil des ans. Et de son parc immobilier. La banque ne possède désormais plus que son siège boulevard Royal. Les ambitions demeurent cependant avec un vaste plan d’investissement lancé ces dernières années avec le soutien de l’actionnaire.

Le prix à payer peut-être pour se débarrasser de cette image d’une banque qui ne serait plus que le family office de la famille régnante du Qatar.