«Tous ensemble, nous pouvons vaincre cette crise du logement», déclarait l’avocat et activiste Max Leners, aussi membre du LSAP, lors de la table ronde «Crise du logement: qui freine?» organisée par le Paperjam + Delano Club, mercredi soir.
Celle-ci réunissait six experts et professionnels du secteur: Max Leners donc, mais aussi Sara Noel Costa de Araujo (architecte-gérante du studio SNCDA), (CEO d’Immobel Luxembourg), (directeur général de Soludec), (gérant de Félix Giorgetti), et Antoine Paccoud (research scientist au Liser).
250 personnes étaient présentes dans le public – dont de nombreux mandataires politiques – pour assister à l’événement. Avec l’idée non pas d’ajouter au constat que le logement est en crise, mais bien de proposer des solutions concrètes à plus ou moins brève échéance.
Augmenter le périmètre des PAG?
Modérée par le rédacteur en chef du magazine Paperjam, , et la rédactrice en chef de Paperjam Architecture + Real Estate, , cette table ronde a en effet permis d’aboutir à l’élaboration de 38 propositions concrètes, qui seront envoyées à chaque parti politique représenté à la Chambre.
Mais si «tout le monde est d’accord pour créer du logement», comme le constate Marc Giorgetti, il est plus difficile de trouver un consensus quant aux moyens d’y parvenir.
Lire aussi
Ainsi, tous autour de la table s’accordent bien sur le fait que le problème de la crise du logement est dû à un décalage entre l’offre et la demande. Pour cela, une première solution est explorée: augmenter le périmètre des PAG. «Cela agirait directement sur l’offre et aurait un effet immédiat», déclare Olivier Bastin. Mais le constat est que «beaucoup de communes ne le font pas», constate Jacques Brauch.
Densifier
Max Leners, quant à lui, rappelle qu’«il est facile de parler d’augmentation du périmètre», mais que cela représente un risque pour l’écologie. Or, cette solution n’en serait donc pas une, puisque «la crise écologique est plus importante que la crise du logement».
La densification est une réponse à la crise écologique.
Une autre proposition fuse alors du côté d’Olivier Bastin: «La densification est une réponse à la crise écologique», assure-t-il. «Si on va vers des bâtiments plus hauts, alors moins de surface est mobilisée. La hauteur est donc bonne pour l’environnement», explique-t-il.
Pour Antoine Paccoud, augmenter le périmètre ne serait d’ailleurs pas une priorité: «Nous avons une réserve foncière importante, le problème n’est donc pas la surface, mais la mobilisation de cette dernière. Avant d’étendre les périmètres des surfaces, je voudrais que nous voyions pourquoi elle n’est pas mobilisable.»
Activer le levier fiscal
De là découle toute la problématique de la fiscalité. Avec une hausse de la valeur du terrain de 15% chaque année et un impôt foncier quasi inexistant dans le pays, «il n’y a pas de meilleur placement qu’un terrain constructible», explique Antoine Paccoud. Or, pour inciter les propriétaires (72,5% de personnes physiques) à vendre ou à construire, le levier fiscal semble le meilleur moyen.
Il n’y a pas de meilleur placement qu’un terrain constructible.
«Je ne pense pas qu’il faut punir les gens avec l’impôt, d’autant qu’un impôt foncier n’amènera que très peu de personnes à vendre», assure cependant Jacques Brauch. «Je sais qu’il n’est pas très populaire de parler d’impôt», répond Max Leners. «Mais comment la rétention foncière peut-elle avoir un coût si ce n’est par la taxe?», fait-il mine d’interroger.
Par ailleurs, si un tel impôt est mis en place, le risque est que le propriétaire, qui est ainsi incité à construire, n’obtienne pas avant des années une autorisation, relève Olivier Bastin.
Mille-feuille administratif
Or, si un constat agace au Luxembourg, c’est bien celui-ci: la longueur des procédures. Le «mille-feuille administratif» est tel entre les différents acteurs qui interviennent au cours de la procédure que l’obtention d’un PAP peut prendre non pas de 3 à 4 ans, mais plutôt «de 13 à 14 ans», rappelle Jacques Brauch. «Tous ces gens sont bien intentionnés, mais, entre le ministère, la commune et, par exemple, l’Administration des eaux, qui n’ont pas les mêmes avis, quand on a fini avec l’un, on contredit l’autre, et alors on doit tout recommencer», explique-t-il.
Quand on a fini avec l’un, on contredit l’autre, et alors on doit tout recommencer.
«Elon Musk a moins de procédures pour aller sur la Lune que nous pour construire des lotissements», renchérit Marc Giorgetti qui, s’il reconnaît qu’il faut une «simplification» des procédures, doute tout simplement de «la volonté des communes d’avoir de nouveaux logements et d’accueillir des gens».
«Le bourgmestre va vers ce que les habitants de sa commune veulent», constate Jacques Brauch, qui estime qu’il limite ainsi le nombre de logements puisque «les Luxembourgeois veulent rester entre eux» et souhaitent que la création de logements ait lieu, «mais autre part, pas chez eux».
Elon Musk a moins de procédures pour aller sur la Lune que nous pour construire des lotissements.
Aider les bourgmestres
«L’esprit d’un bourgmestre n’est pas plus grand que sa propre commune», ironise Max Leners, pour qui la décision de construire ne devrait pas relever du conseil communal, mais du conseil national. «Nous avons les outils pour le faire, il faut que les politiques aient du courage – en parlant avec 102 bourgmestres, c’est plus difficile.»
«Les bourgmestres ne sont pas des professionnels du secteur, il faut les aider, ne pas les laisser seuls» face aux décisions de construction, tempère Sara Noel Costa de Araujo, pour qui il faut «professionnaliser la prise de décision de construire dans les villes». Pour cela, elle conseille de se tourner vers d’autres pays, notamment en s’inspirant du Baumeister tel qu’il existe en Belgique.
L’esprit d’un bourgmestre n’est pas plus grand que sa propre commune.
Pour Max Leners, une solution consisterait à renverser la charge de la preuve lors de la procédure: puisque c’est le conseil communal qui décide des terrains à bâtir, cela devrait être à lui de prouver qu’un terrain n’est pas constructible, plutôt que de laisser au promoteur le soin de démontrer qu’il peut construire.
Rassembler les acteurs
De nombreux autres sujets ont fait le tour de la table, mercredi soir, dont la question de l’expansion du logement abordable, celle de l’adaptation des logements, notamment vers des surfaces plus petites. Ou même, plutôt que d’augmenter l’offre, diminuer la demande, en posant clairement la question du train de vie des Luxembourgeois – qui nécessite une croissance économique, et donc démographique, toujours plus forte.
Il faut professionnaliser la prise de décision de construire dans les villes.
Mais, pour avoir une chance de mettre en œuvre toutes ces solutions, un préalable semblait indispensable et faire consensus: se réunir. Rassembler tous les acteurs autour d’une table – ceux du public, du privé, les architectes, les chercheurs – afin de discuter en toute transparence des moyens de surmonter une crise du logement qui n’a pas fini de faire parler d’elle.
Les 38 propositions:
1. Agrandir les périmètres
2. Accélérer les procédures
3. Changer la charge de la preuve
4. Rendre les PAG plus lisibles
5. Revoir le système de biopoints
6. Réduire le nombre de communes
7. Augmenter le personnel en charge de ces questions
8. Rechercher: Baumeister
9. Revoir les compétences ministérielles
10. Créer un guichet unique
11. Voter une loi anti-crise du logement
12. Accélérer la construction sur les terrains publics
13. Priorité aux partenariats public-privé
14. Augmenter la densité et la hauteur
15. Un plan national d’occupation du sol
16. Un monitoring des logements en cours
17. Ne pas oublier… les «Deponie»
18. Un incitant fiscal pour vendre à l’État
19. Augmenter les locations abordables
20. Créer des fonds spécialisés pour le logement abordable
21. Ventes vs locations abordables
22. Institutionnaliser la location
23. Priorité aux acquéreurs-habitants
24. Réformer l’enregistrement
25. Taxer les terrains inutilisés
26. Revoir l’amortissement accéléré
27. Revoir les droits d’enregistrement et d’inscription
28. Baisser les honoraires des notaires
29. Ajuster les prêts «buy to let»
30. Un plan Marshall des infrastructures
31. Dessiner de nouvelles villes
32. Une porte d’entrée domestique à chaque immeuble de bureaux
33. Donner un pourcentage pour l’expérimentation de projet et assouplir la réglementation pour inciter à oser
34. Imaginer des logements provisoires
35. Adapter la législation au logement temporaire
36. Remettre l’architecture dans la culture ou le discours
37. Limiter le poids des acteurs étrangers
38. Diminuer la demande