Cofondateur de Stokr, Tobias Seidl explique que l’entreprise, d’une part, met en relation investisseurs et entreprises, et, d’autre part, développe ses propres instruments financiers basés sur la tokénisation et la blockchain. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Cofondateur de Stokr, Tobias Seidl explique que l’entreprise, d’une part, met en relation investisseurs et entreprises, et, d’autre part, développe ses propres instruments financiers basés sur la tokénisation et la blockchain. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La fintech Stokr, basée à Luxembourg et intégrée à la Lhoft, mise sur la blockchain pour faire rencontrer investisseurs et entreprises innovantes. De plus, elle développe ses propres instruments financiers. L’un d’entre eux, unique en son genre, la titrisation du taux de hachage du bitcoin.

Seulement 1% des PME européennes ont accès aux marchés des capitaux, tandis que les investisseurs individuels n’ont pas accès aux investissements dans les PME. C’est sur ce constat que Tobias Seidl et Arnab Naskar ont fondé la fintech Stokr en 2018, lançant une plateforme d’investissement peer-to-peer qui met en relation des investisseurs et des entreprises en recherche de financement. Stokr est parvenue à lever 3 millions d’euros et a intégré la Lhoft (Luxembourg House of Financial Technology), la plateforme luxembourgeoise dédiée aux fintech.

À la différence des sociétés classiques actives dans la niche du venture capital (en français, capital-risque), Stokr se distingue par une interface d’investissement participatif construite sur la technologie de la blockchain. De la sorte, la plateforme émet des jetons, des security token offerings (STO), avec lesquels les investisseurs peuvent financer des PME innovantes en retour de bénéfices futurs de l’entreprise. «Nous aidons les entreprises à émettre des titres, via la blockchain, directement vers les investisseurs», explique Tobias Seidl, cofondateur de Stokr.

Les entités en recherche de levées de fonds qui font appel à Stokr, en acquérant des investisseurs, cherchent à avoir une communauté d’utilisateurs. «Quand vous allez chez BMW, ils veulent toujours vous vendre des voitures, mais ne vous disent pas que vous pouvez aussi investir dans l’entreprise», commente Tobias Seidl. Pour illustrer cet aspect, il cite le cas d’Infinite Fleet, une société de jeux vidéo basée à Shanghai qui a levé plus de 4 millions d’euros sur la plateforme de Stokr.

Des instruments financiers propres

Le cofondateur de Stokr met d’ailleurs l’accent sur «le lien totalement désintermédié» entre l’émetteur et l’investisseur. Ce qui permet donc à l’investisseur de détenir ses propres titres sans avoir recours à un quelconque intermédiaire financier, comme ce serait le cas pour des titres investis et détenus via des banques et autres brokers. «Lorsque vous détenez des actions Apple, vous avez une créance envers votre banque, qui, à son tour, a une créance envers un courtier, qui lui-même en a une envers un autre courtier.»

«Nous ne faisons pas d’activités de courtage. Nous ne nous considérons pas comme un acteur financier classique», précise Tobias Seidl. Il se défend, de plus, de copier le marché financier actuel pour en créer une simple alternative avec la technologie. En tant que place de marché pour les actifs alternatifs, Stokr s’est donné pour mission de créer de nouvelles classes d’actifs. En effet, les clients de Stokr ne recherchent pas que le financement de start-up et de PME, mais aussi la «tokénisation» d’actifs alternatifs innovants.

Pour ce second volet de ses activités, Stokr développe ses propres instruments financiers. Son équipe a, par exemple, créé le premier instrument basé sur la tokénisation du hashrate (en français, le taux de hachage, une mesure de la puissance de calcul par seconde utilisée lors du minage de cryptoactifs). «Pour cela, nous avons construit un véhicule de titrisation luxembourgeois qui utilise le taux de hachage du bitcoin. Nous avons donc symbolisé et titré le contrat de taux de hachage d’une société de mining», détaille Tobias Seidl, qui ajoute que «personne ne l’avait fait jusqu’à présent».

Le Luxembourg, «l’un des principaux endroits pour les investissements alternatifs», constitue dès lors un terrain idéal pour les activités de Stokr, selon son cofondateur. De plus, «au Luxembourg, vous pouvez tenir votre propre registre d’investisseurs, ce qui n’est pas possible dans d’autres juridictions, car la loi exige d’utiliser un intermédiaire».

L’écosystème de la finance décentralisée

Bien qu’en constante recherche de nouveaux produits structurés autour de la blockchain et de la tokénisation, Stokr tient à se focaliser sur l’univers des cryptoactifs. Pas question, donc, de tokéniser des actions ou de l’immobilier, car «cela n’apporte pas beaucoup de valeur ajoutée», selon Tobias Seidl. «Notre communauté, composée d’investisseurs institutionnels et de personnes fortunées, a investi très tôt dans les entreprises liées à la blockchain et aux cryptoactifs. Elle considère que les marchés financiers ont changé.» Ainsi, Stokr vise le développement de produits en lien avec les marchés financiers décentralisés.

Attirant notamment des acteurs issus de l’écosystème de la finance décentralisée, Stokr compte parmi ses clients Blockstream Mining, active dans le minage de bitcoin. «Blockstream Mining est l’une des plus anciennes sociétés de développement de bitcoin dont le PDG est le seul à être mentionné dans le livre blanc de Satoshi Nakamoto (le fondateur du bitcoin qui n’a pour l’heure encore jamais été identifié, ndlr)», déclare Tobias Seidl.

Une autre innovation de produit, selon Tobias Seidl, est la tokénisation du carried interest, le système de participation aux bénéfices utilisé par les sociétés de private equity et de venture capital.

Tobias Seidl estime qu’un grand nombre d’acteurs historiques comme des chambres de compensation ou des agents de transfert «finiront par disparaître», car les établissements financiers optent de plus en plus pour des plateformes basées sur la blockchain.

À l’avenir, Stokr pourrait bien examiner la possibilité de collaborer avec d’autres types de partenaires, tels des gestionnaires d’actifs ou des banques. Il s’agit de voir «comment utiliser leurs structures juridiques et licences existantes pour poursuivre notre expansion», déclare Tobias Seidl, soulignant tout de même que la stratégie de la fintech n’est pas de se retrouver absorbée par une institution financière.

Stokr restera indépendante et ne prévoit pas de mettre sa plateforme en marque blanche, a déclaré Tobias Seidl lors de l’entretien.

Cet article est disponible en anglais sur .