Le député Charles Margue (déi Gréng) est un des quatre rapporteurs de la révision de la Constitution, aux côtés de Simone Beissel (DP), Mars Di Bartolomeo (LSAP) et Léon Gloden (CSV). (Photo: archives Maison Moderne)

Le député Charles Margue (déi Gréng) est un des quatre rapporteurs de la révision de la Constitution, aux côtés de Simone Beissel (DP), Mars Di Bartolomeo (LSAP) et Léon Gloden (CSV). (Photo: archives Maison Moderne)

À l’heure où l’année parlementaire se clôture, le député Charles Margue (déi Gréng) fait le point sur la révision de la Constitution, dont il est un des quatre rapporteurs aux côtés de Simone Beissel (DP), Mars Di Bartolomeo (LSAP) et Léon Gloden (CSV).

Où en sont actuellement les travaux sur la révision de la Constitution à la Chambre des députés? . – «Nous sommes à une période charnière de la mise en place de la révision de la Constitution et de nouvelles institutions. En ce qui concerne le volet consacré à la Chambre des députés et au Conseil d’État que je rapporte au sein de la commission des institutions et de la révision constitutionnelle (la révision de la Constitution a été divisée en quatre grandes parties, ndlr), le point important est que le pouvoir de contrôle de la Chambre sera renforcé, et ce en accord avec le Conseil d’État, qui a avisé dans cette direction. Le premier article consacré à la Chambre des députés explique qu’il y a deux missions: la première est de faire les lois et de contrôler le pouvoir exécutif. La Chambre pourra donc demander à un membre du gouvernement de venir se prêter au jeu des questions-réponses, et d’apporter des documents pour expliquer ses dires.

Ce n’est pas déjà le cas?

«C’est une pratique qui se fait actuellement, mais le but est de la consacrer constitutionnellement, dans les textes. Il y a eu certains arrêts de la Cour administrative sur la présentation de documents, la confidentialité, le secret auquel est soumis le député, etc. Donc c’est un jeu institutionnel qui est un peu mouvant actuellement, et c’est le moment propice pour légiférer. Il faut avouer que c’est aussi un moment de nervosité, parce que si l’on inscrit le droit de pouvoir demander la constitution d’une commission d’enquête à partir de 20 députés, donc un tiers et pas la majorité, cela changerait aussi la donne, c’est un autre élément qui est consacré dans le texte que je rapporte. Il s’agit de la nouvelle mouture de la commission d’enquête. Sachant que cette commission d’enquête demande énormément d’énergie, on ne va donc pas en constituer à tort et à travers, parce qu’il faut en assumer les conséquences, et il faut en avoir les moyens, mais le but est de contribuer à plus de transparence.

Avec la taille de notre pays, nous avons la chance d’être très réactifs.
Charles Margue

Charles Marguedéputédéi Gréng

Vous souhaitez également constituer une cellule d’expertise au sein de la Chambre?

«Oui, c’est un des éléments de notre volet sur le Parlement, nous sommes d’ailleurs déjà en train de la constituer. Elle sera composée de fonctionnaires, de juristes, d’économistes, d’experts en finance, en sciences sociales, en sciences naturelles, etc. Ce renforcement du pouvoir de contrôle de la Chambre va de pair avec une augmentation des ressources propres également.

Il y aura donc un changement de fond sur les pouvoirs du Parlement?

«Absolument. Dans le nouveau chapitre, nous allons renforcer les droits de l’opposition et donc du Parlement en tant que tel, que chacun puisse déposer une proposition de loi. Elle devra alors être examinée et le président de la Chambre devra la transmettre au Conseil d’État, on ne pourra plus la faire traîner comme c’est parfois le cas actuellement. Le Parlement aura une navette directe aussi avec le Conseil d’État, car jusqu’à présent, la Chambre passait par le ministère d’État pour saisir le Conseil d’État.

La révision ne va donc pas entraîner de grands changements sur votre volet consacré à la Chambre?

«Non, l’idée est surtout de mettre un cadre et qu’un prochain gouvernement ne puisse pas revenir dessus. Et à la lueur de la crise sanitaire et de ce que l’on a pu observer, la pression et la tentation ont fait que l’exécutif a pris le dessus. Il faut donc éviter qu’il y ait des dérives, et on peut s’autoféliciter que tous les mois, voire toutes les trois semaines, le gouvernement revienne à la Chambre avec un texte très discuté en Commission pour prolonger ou modifier les mesures anti-Covid. Quand j’explique cela à mes amis non-Luxembourgeois vivant à l’étranger, ils ne réalisent pas. Avec la taille de notre pays, nous avons la chance d’être très réactifs. Le but est également de nous mettre au niveau des standards internationaux. Le comité onusien pour la défense de la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant demande par exemple au Luxembourg d’inscrire la protection du droit des enfants comme un droit fondamental. Actuellement, il est inscrit dans le chapitre sur les objectifs à valeur constitutionnelle, mais seulement dans les objectifs et non pas comme un droit fondamental.

Remettre en cause cette révision voulue depuis tant d’années à cause de la campagne électorale serait catastrophique.
Charles Margue

Charles Marguedéputédéi Gréng

D’un point de vue global, quel est le calendrier de la révision de la Constitution?

«L’ambition de la commission des institutions et de la révision constitutionnelle, en accord avec la Chambre des députés, est de faire passer les quatre volets au cours de la session 2021-2022. Le chapitre consacré à la justice et rapporté par  (CSV) est prêt, a été amendé début juin après un deuxième avis du Conseil d’État, et la question de l’indépendance de la justice a été réglée. Nous allons le voter à la rentrée, en octobre ou novembre, probablement en première lecture.

Le Groupement des magistrats luxembourgeois avait dénoncé la décision de supprimer la garantie de l’indépendance du ministère public dans la nouvelle Constitution, leur appel a donc été entendu?

«Oui, cela a été corrigé, on a trouvé un accord politique aussi bien avec le Conseil d’État, les quatre partis majoritaires, qu’avec le ministère de la Justice, à qui cela tenait vraiment à cœur de consacrer l’indépendance du Parquet. Cela correspond à nos convictions politiques, et le b.a.-ba de l’État de droit. Ce volet comporte également la création d’un Conseil national de la justice chargé de gérer les questions personnelles et disciplinaires de la magistrature.

Quelle est la suite du calendrier législatif?

«Le chapitre consacré au gouvernement, au chef de l’État, ou encore au Grand-Duc, rapporté par  (LSAP), est retourné au Conseil d’État avec des amendements adoptés le 25 juin. Il prendra la suite du volet justice, peut-être en premier vote avant Noël, sinon ce sera peu après le début de l’année 2022. Vient ensuite le chapitre consacré aux droits et libertés, rapporté par  (DP). Le Conseil d’État a donné récemment son avis, donc nous allons travailler dessus en commission parlementaire à la rentrée, et il passera en janvier-février en première lecture normalement.

Et nous aboutirons sur mon volet de la révision, qui sera avisé durant l’été ou au début de l’automne par le Conseil d’État, et qui reviendra par la suite en commission parlementaire. Il se peut aussi qu’il y ait une inversion dans le calendrier entre les volets droits et libertés et la Chambre. Ces volets-là entreront en vigueur six mois après le deuxième vote, donc certains pourront entrer en vigueur avant la fin de cette mandature.

Est-ce que depuis le clash de l’été 2019, il y a eu des moments où un des quatre partis a voulu mettre son veto sur certains sujets ou vous arrivez généralement à trouver un consensus?

«Disons que l’on cherche et on trouve les consensus, et si on ne les trouve pas aujourd’hui, on remet cela à l’ordre du jour des séances suivantes. Il y a un consensus sur le fait que nous avons besoin d’une Constitution modernisée, et ça, c’est le moteur qui permet de travailler. Et le fait de réaliser cette révision par petites touches et non plus en bloc, ça permet aussi de calmer le jeu. Mais là, nous avançons, et c’est une bonne nouvelle. Et le but est aussi d’éviter que ce sujet entre dans une campagne électorale, donc la révision doit être bouclée avant la campagne de 2023, et là-dessus, il y a consensus. On ne va pas pour autant bâcler le travail, mais au contraire continuer à travailler sereinement. Remettre en cause cette révision voulue depuis tant d’années à cause de la campagne électorale serait catastrophique.»