La data, particulièrement utile aux Family Offices, est encore peu utilisée par ces derniers. Rendre cette donnée accessible aux gestionnaires de fortune et mettre en place des standards constituent de véritables défis dans un contexte de plus en plus concurrentiel.

Omniprésente dans de nombreux métiers, la data est encore peu utilisée en Wealth Management. «Dans notre domaine, la data peut jouer énormément de rôles. Or, aujourd’hui, elle n’en joue aucun, et ce en raison de son manque d’organisation. Nous la considérons comme acquise alors qu’en réalité, nous n’en sommes encore qu’aux prémices d’une utilisation professionnelle et spécifiquement appliquée à cette industrie», explique Mathieu Villaume, Head of Private Wealth Luxembourg chez IQ-EQ.

Le constat est simple: actuellement, les Family Offices doivent eux-mêmes s’enquérir de la data censée servir à nourrir leur processus décisionnel. «Ce qui est donc primordial, c’est d’abord d’amener la data à soi et ensuite de l’organiser afin que ses réceptacles (comme le web banking) deviennent fournisseurs de données de manière automatique à l’attention des utilisateurs. En l’occurrence, les gestionnaires de fortune.» Ces deux étapes préalables nécessitent donc de pouvoir mener une réflexion et adopter une approche technologique. «Malheureusement, les acteurs du secteur ne possèdent pas ces ressources en leur sein. Ces dernières sont également difficiles à trouver sur le marché de l’emploi.»

D’une data statique à une data dynamique

Rendre cette data accessible aux Family Offices est aujourd’hui une nécessité. Cette dernière leur permet de connaître une situation en temps réel et d’être en mesure de prendre des décisions, de gérer le risque et de saisir des opportunités. «La donnée peut être statique ou dynamique, antédiluvienne ou fraîche. Or, la problématique de l’industrie financière est de reposer sur des data essentiellement bancaires très dynamiques, alors que les data relatives aux actifs non financiers tels que l’immobilier ou le private equity sont souvent plus anciennes. Les data offrent alors une photographie d’une situation à un instant T, dans des temps éloignés de la prise de décision.» L’enjeu consiste donc à basculer d’un monde de la data où le reporting est éloigné des événements qu’il rapporte à une dimension dynamique et permanente, offrant ainsi une compréhension immédiate et complète d’un environnement d’investissement.

Aujourd’hui, les Family Offices peuvent aller chercher la data et la mettre en perspective avec d’autres sources d’information.
Mathieu Villaume

Mathieu VillaumeHead of Private WealthIQ-EQ

Afin de rendre cette data plus dynamique et d’obtenir les données bancaires, les gestionnaires de fortune peuvent compter sur MIFID 2. Cette réglementation oblige en effet les prestataires bancaires à ouvrir leurs flux d’information et ainsi donner accès d’une manière ou d’une autre à leur data. «Durant des décennies, l’information était protégée et distillée sous forme de reportings standardisés. Aujourd’hui, les Family Offices peuvent aller chercher la data et la mettre en perspective avec d’autres sources d’information.»

Ces derniers seraient alors plus à même de prendre des décisions et disposer de comparables. «Cette industrie, aussi accaparée par son quotidien soit-elle, doit s’intéresser à ses pairs et échanger pour comprendre quelles sont les données nécessaires à la conduite d’une activité de Family Office. Il s’agit ensuite de décider quels standards instaurer pour avoir du poids face aux autres acteurs.»

Une démarche face à laquelle les banques semblent réticentes. «À vrai dire, il s’agit moins de réticence que de la complexité technologique que ces démarches feront subir à un secteur bancaire qui doit supporter de plus en plus d’obligations additionnelles à leur cœur d’activité. Néanmoins, du point de vue opérationnel, cet accès facilité permettra à chacun de se faire une opinion objective basée sur la data. En outre, les banques utilisent peu leurs données dès que l’on sort du cadre de leurs besoins immédiats, et n’ont pas nécessairement suffisamment d’information de leurs clients quant à leurs attentes en termes d’outils de reporting. Car les données dont nous parlons ici ne sont pas seulement financières, mais concernent également d’autres classes d’actifs, comme le private equity. Les différents acteurs doivent donc recueillir des informations sur les actifs dans lesquels les Family Offices investissent et ensuite les standardiser pour qu’elles soient comparables.»

Construire une Wealth Administration 2.0

Mettre en place une Wealth Administration 2.0 nécessite une approche commune des acteurs luxembourgeois. «Dans cette logique, l’État pourrait pousser ces derniers à se regrouper et faciliter l’accès aux data, c’est-à-dire à une plateforme technologique offrant à tous un accès standardisé à l’information, quelle qu’en soit la source.» En effet, l’une des forces du pays est de réunir sur son territoire les principaux acteurs de la gestion de fortune, que ce soient des banques ou des sociétés de gestion. «Le pays a également un rôle à jouer grâce à sa réglementation sur la protection des données.»

La force du Luxembourg est de regrouper la quasi-totalité des acteurs liés à la gestion et au déploiement de patrimoine sur son territoire que sont les banques et les professionnels du private equity.
Mathieu Villaume

Mathieu VillaumeHead of Private WealthIQ-EQ

Dans l’optique de rendre la data accessible de manière simple et standardisée , la Place pourrait en outre se rapprocher des grands acteurs du private equity présents et capables d’échanger des informations sur leur activité. «L’émergence des data offre désormais la possibilité technologique de créer des outils de comparaison entre tous les types d’investissements. Cet état de fait permettra de supprimer la barrière d’analyse entre actifs financiers liquides dont les datas sont très standardisées et les actifs alternatifs non financiers dont les datas sont très disparates. La force du Luxembourg est de regrouper la quasi-totalité des acteurs liés à la gestion et au déploiement de patrimoine sur son territoire que sont les banques et les professionnels du private equity. Si tous ces acteurs pouvaient se coordonner pour créer une standardisation des data couvrant tous les types d’actifs, le pays gagnerait énormément dans son positionnement international.»

Dans ce contexte, IQ-EQ entend partager son expérience. «Nous travaillons depuis 15 ans sur la data. Nous avons déjà réalisé une partie du chemin en développant l’automatisation de la collecte des data et en lançant un produit de reporting (Cosmos). Nous aimerions passer au niveau supérieur en faisant partie d’un écosystème ayant déjà réalisé des efforts communs pour se différencier des acteurs internationaux.» Une Place, aussi grande soit-elle en termes d’actifs sous gestions, risque en effet d’être concurrencée par d’autres pays. Se constituer des avantages compétitifs est indispensable pour continuer à être incontournable.